vendredi 20 janvier 2012

Désir d'histoires (10) Christine, Atelier 52 Salim


Une nouvelle récolte de mots ! Cliquez ici pour les explications…

Les textes du vendredi 20 janvier 2012 sont ici


Les mots de Christine,
de tout là-bas en Chine

En attendant, le texte édition 52:
Carnaval – rustique- maitresse- avant –pyramide-pléiade- nostalgie-dromadaire –pintade-tisane-festoyer-caravane- virus- statue-menteur- désert - pins - rallye-oasis-felouque-ministre-propolis

Les tigres se pourléchaient d’avance ! Aujourd’hui ils allaient festoyer de ces pintades aux plumes bigarrées !
Celles-ci ne se laissaient point impressionner, leur attention toute concentrée sur l’étranger tout juste arrivé : port de ministre, pelage rustique, il éveillait en elles des rêves exotiques, pyramides d’Egypte, oasis de Lioua. Aussitôt ne se voient-elles pas en maîtresses sultanes, dérivant au gré de la brise sur une felouque chatoyante, l’odeur des pins enivrent leur sens, la propolis adoucit leur palais, les vins ambrés coulent sans fin dans leur étroit gosier !
Jalousées des deux côtés, les caravanes sur les rives opposées les regardent passer.
Lui, tout à sa nostalgie, ne se réjouit point de ce carnaval : il a laissé derrière lui son maître Salim et sa théière en argent vieilli, les marches silencieuses dans le Rub Al Khâlil, désert des déserts, et les bivouacs où la tisane brillait dorée aussi longtemps que le soleil s’éteignait.
La nuit, lorsque la pléiade apparaissait, Salim contre son flanc s’allongeait et lui contait inlassablement l’histoire de ses sept femmes infidèles. Avant de s’endormir, il lui jurait à lui, simple dromadaire du désert des déserts, fidélité pour l’éternité.

Mais l’homme est menteur. Funeste virus que l’exploration moderne, les rallyes ont envahi le pays, le maître n’y a vu que profit, un simple marchandage, une poignée de dinars échangés et l’animal floué se retrouve émigré.

Autour de la statue bossue sept sultanes gisent égorgées,
Simple mirage ou rage féline ?
Une lueur d’argent brille à la ceinture d’un passant, tandis que dans sa carcasse résonne un cri perçant : « Le remord du maître est puissant ! »


samedi 7 janvier 2012

Les Vases communicants (4), Janvier 2012; Christine L.



Dans le cadre des vases communicants du mois de janvier 2012

Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...




L’aventure du mois de janvier 2012, est 
ici ou ici ou encore ici.


ci-dessous le texte qu’a bien voulu me confier Christine L.


Vous pouvez aller la lire ici.




Aux doigts des arbres.

J'enfile des bracelets de feuilles, rougissantes jeunes filles. Des étoiles pétillaient dans le feuillage que la morsure du froid n'avait pas encore saisi.
Et la malice donnait aux branches des arabesques souriantes. Bois dessus dessous, ils vont fièrement pointant leur nez au ciel.
Ma main rugueuse sur le nu tronc palpite.
Des racines délicatement croisées, le galbe surprend.
Vent tendre de la grande inspiration qui gonfle.
Sous-l'âge ment. L'ivoire, elle, muette, sourit des parades, dit sous – l'Eve ment.
Une place de bruits et temps de silences broyés, cambrés en poussières de bois.
Serrés les uns contre les autres les conciliabules posent les bras sur les embranchements et les arbres mijotent des secrets tempétueux que n'envolent ni les paroles gravées dans leurs troncs, ni les silences couleur or. Les bourgeons nichés au bout des branches cristallisent l'attente du printemps.
Le froid est moite et muettes, les mouettes se meuvent au ralenti.

La mer qui claque sur les rochers dément les forêts, elle frappe son tempo dépolarisé contre les joues des plages mal rasées. Le matin ment un peu à l'orée.
Les seules verticales ici au bout sont les phares..

Aux soupirs et cris du vent, tout s'allonge et s'étend. C'était avant le temps du bois.



Vous pourrez me lire chez Christine L, ici

Chez Asphodèle, les mots en M (11), Mélancolie et Moulin



LES PLUMES DE L’ANNÉE 13 – la lettre M


Tous les textes ici
  
Mélancolie se souvient...



C’est le matin du premier vendredi de ce mois de janvier 2012, Mélancolie doit assister au mariage de son petit-fils.

Il porte un drôle de prénom Moulin, prénom dû à une facétie de son père, le fils unique de Mélancolie. Celui-ci était un voyageur impénitent et avait visité de nombreux mausolées. D’ailleurs, Moulin avait été conçu lors du voyage de ses parents au Taj Mahal.

Elle se souvient encore avec tendresse de ce minuscule petit être sur l’échographie que son fils et sa compagne lui avaient brandie sous le nez pour lui annoncer la bonne nouvelle, en ce 1er juillet 1982.
Elle était en train de faire de la marmelade d’abricots et avait failli se brûler, l’immense bassine prête à s’évanouir elle aussi.
Elle se rappelle l’instant comme si c’était hier. Elle portait une robe d’été mauve, et sur sa tête, un immense mouchoir à carreaux, le tout en parfait mimétisme avec le portrait en pied de sa grand-mère maternelle qui trônait dans l’entrée de la maison de famille.
Elle se régalait de faire moult petits pots miniatures de marmelade pour toute la maisonnée.

Ils n’avaient pris aucun méandre pour lui annoncer cette merveilleuse nouvelle. Pas de murmures, mais une explosion de joie.

Ce soir là, pour célébrer l’événement, ils allèrent tous au Casino et jouèrent leur martingale préférée à la roulette.
Il y eut un mélange de gains et de pertes dans la petite troupe et surtout de nombreux fous rires.

-        Misérable, s’écria le futur grand-père, vous nous avez entraînés dans un lieu de perdition. Heureusement, que je n’avais que 10 F en poche.




Résultats de la collecte des mots en M ! -  

Et voici la liste définitive des 17 mots commençant par M qu’il vous faudra placer dans votre texte de samedi matin.

matin – mélancolie – mariage – moulin – mausolée – minuscule – marmelade – mauve – mouchoir – mimétisme – miniature – merveilleux – méandre – murmures  – martingale – mélange – misérable.

vendredi 6 janvier 2012

Les plumes de l'année (3), Christine, les mots en M



LES PLUMES DE L’ANNÉE 13 – mots en M !



Les mots de Christine,
de tout là-bas en Chine



2, 3, 4, 5...

Deux formes noires forment quatre ombres mauves
sombre matin murmures de mots au sommet du col
sur une  planche bancale
trois pots de marmelade et cinq mausolées miniatures
se mélangent aux méandres des étals misérables.

Chargements merveilleux
où se mêle l’ancolie aux orchidées trempées
les moulins à café aux  poules égorgées
dos penchés sur les motos
martingales épaisses aux boutons d’acier
cordes usées et mains râpées
les hommes en petit nombre scellent leurs paniers d’osier.

Mariage de l’altitude et de la vie rude
mimétisme des journées
échange de monnaie sur route goudronnée
Plus bas dans la vallée engorgée
Au milieu des bananiers
Apercevoir un point minuscule
agiter un mouchoir vers les formes noires.


Signé ©Christine


Et voici ce qu’a donné la collecte des mots en M,
matin mélancoliemariagemoulin – mausolée – minuscule – marmelademauve – mouchoir – mimétismeminiature – merveilleux – méandre – murmures  – martingale – mélange – misérable.

jeudi 5 janvier 2012

Les vases communicants (5), Janvier 2012 - 2 Jacques Bon


Le mot d’excuse était tellement valable,
Qu’un mois d’attente devenait supportable

Dans le cadre des vases communicants du mois de Décembre 2011
publié en janvier 2012


Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...


L’aventure du mois de janvier 2012, est 
ici ou ici ou encore ici.

L’immense cadeau fait par Jacques Bon,

Que vous ne manquerez pas d’aller lire ici

Suite T1


Embarrassé, un peu, par la proposition de Danielle : écrire sur ces photos de mon chien, sorties de leur contexte : ma série « vie minuscule ». Des photos toutes simples et toutes bêtes, des « photos du cul du chien, de loin et à contrejour », comme je disais quand je fréquentais mon ami Pierre Servera, photographe de quartier à Rodez, et que j'avais l'occasion de voir fréquemment les pochettes de ses clients revenant du labo (c'était du temps où on confiait une pellicule au photographe, et on revenait le lendemain ou surlendemain chercher 24 ou 36 photos sur papier, dans une pochette).

Je n'aime pas, enfin, je pense n'avoir jamais essayé, en fait, écrire sur mes propres photos. Si on fait des photos, c'est justement pour dire des choses qu'on vit, qu'on ressent, des instants décisifs ou non, par l'image, plutôt que par l'écriture. Sinon on écrit. Mais il y a aussi, des photos que l'on fait, avec dans la tête l'idée qu'elles iront sur le blog, avec un texte – et puis, oui, il arrive malgré tout, qu'on ait envie d'écrire sur une photo, ou une série, quand il y a un contexte particulier.

Mais je pense quand même, que d'une façon générale, si une photo est bonne, elle se passe de commentaires. Et que si elle n'est pas bonne, alors il n'est pas besoin d'écrire dessus : ça ne la sauvera pas.

Enfin,  je pense qu'une fois sur le papier, ou sur l'écran, la photo n'appartient plus à son auteur, mais à celui qui la regarde, qui la reçoit avec ses propres critères, son propre vécu. Et que tout ce que je pourrais dire de plus, ne serait que « bruit », entre la photo et son destinataire. Comme ces musiques ou ces tableaux, que l'auteur accompagne de trente pages d'explications métaphysiques : ça m'ennuie infiniment.

Pour avoir dit ça, à peu près au mot près il y a une vingtaine d'années alors qu'on me demandait un petit texte de présentation de mes photos dans une expo collective, je me suis plus ou moins fait virer, et traiter de snob (pas complètement à tort, d'ailleurs). Mais mon opinion n'a pas changé d'un poil : je préfère écrire sur les photos des autres, que sur les miennes.

Mais j'ai accepté peut-être imprudemment la proposition de Danielle. Alors je m'exécute ; on va dire, que j'ajoute des légendes aux photos. Ou peut-être, plus exactement, le hors-champ.

Rue Geoffroy : c'est « la » rue du chien. Bien qu'on ait deux amis dans cette rue, Thierry, photographe aussi, et Alain, le coiffeur, on n'y passe que pour promener Tintin. Et faire la causette l'été, avec les susnommés, ainsi que Pierrot, un retraité qui refait à neuf solex et mobylettes antiques, capable de traverser la France pour aller chercher une carcasse de Motobécane, passe ses nuits sur Ebay pour lui trouver des pièces, et les refait amoureusement dans son atelier. Toute sa vie militant CGT, aujourd'hui tenté par Marine Le Pen, tellement tous les autres le désespèrent. C'est ça, qui me désespère, moi. À part ça, il a un chien identique au mien, le poil un peu plus ras, un peu plus râblé, qui répond quand il en a envie, au nom de Sable. Les deux chiens sont copains et passent leur temps à s'escalader et à se masturber l'un sur l'autre dès qu'ils se voient (qui dira la misère sexuelle des labradors mâles, dans la force de l'âge ?) Quand Sable est dehors dans la rue, il nous fait fête. Si il est dans son couloir, derrière sa porte, ou dans son jardin, même s'il nous reconnaît, il fait le chien de garde féroce. Ainsi sont les chiens.
Au bout de la rue Geoffroy, dans une drôle de vilaine maison, habite un type solitaire un peu bizarre, qui a un quart de queue dans son salon ; on l'entend jouer dès 7h30 le matin et tard le soir, Chopin, Bach, Beethoven. Il joue très bien. Il m'a téléphoné un jour pour proposer au club photo des bobines de film 16mm, des « trésors » selon lui. Lui ai dit que ça ne nous intéressait pas, qu'on était un club photo pas cinéma, et renvoyé vers l'asso de ciné locale. Il m'a dit qu'il avait aussi un Leica. Je sais qu'il est lui, il ne sait pas que je suis moi.
L'été toute la rue est envahie de tomates cerises, mais comme les chiens pissent dessus, évidemment personne ne les mange. Il y a aussi une maison toujours fermée, avec un sublime jardin à l'abandon. Un vieux chat aveugle l'habitait autrefois, mais il n'a pas passé l'hiver 2009-2010.

Passage à niveau : c'est la ligne La Rochelle-Saintes qui traverse Tonnay en deux endroits. C'est même assez dangereux. Un jour que j'étais chez Alain le coiffeur, un type s'est jeté sous la micheline (on dit un TER, maintenant), j'ai pensé aux pompiers qui ont du ramasser ensuite les morceaux. Et que j'étais bien content qu'en dix ans comme pompier volontaire, je n'ai jamais été appelé sur ce genre d'intervention. Ceci dit, quand il faut y aller, on y va, à part la mort d'enfants on s'habitue à tout... Une fois j'ai dit au téléphone à ma belle-mère : « Je rentre juste d'intervention... ─ C'était pas grave, j'espère ? ─ Non.. Je me souviens même plus ce que c'était d'ailleurs ? Ah oui, une dame qui était morte. » Ça l'a un peu choquée, mais c'était une « personne ne répondant pas aux appels » : la vieille dame était morte dans son lit. Dans l'ordre des choses, pas vraiment une opération de secours. En plus j'ai une mémoire de poisson rouge, et ça ne va pas en s'arrangeant, avec l'âge.
J'avais fait cette photo à cause de la pancarte « un train peut en cacher un autre », qui devait dater des années 40-50, avec un graphisme très désuet, genre Tintin chez les soviets. Je me disais à chaque fois que je la piquerais bien, la pancarte, pour la mettre dans la maison. Mais ne l'ai jamais fait, en bon citoyen respectueux. Un jour le joli panneau a disparu : quelqu'un de moins scrupuleux que moi, ou simplement jugé trop vieux par la SNCF, et parti à la poubelle ? Dommage.
Le portillon grince comme une porte de cimetière quand on l'ouvre, et il y a un gros caoutchouc pour amortir la fermeture.

Église de Touvre. C'est une jolie petite église romane comme il y en a des centaines en Poitou-Charentes. Celle-ci surplombe les sources de la Touvre, la seconde résurgence de France après la célèbre fontaine de Vaucluse. C'est tout près d'Angoulême, autrefois la rivière servait aux fonderies de canons de Ruelle. À des kilomètres de là, deux rivières, la Tardoire et le Bandiat, assez larges et au débit suffisant pour y faire du kayak, se perdent sous terre dans des fissures impénétrables par l'homme. Elles ressortent ici en une rivière majestueuse de 200 mètres de large, en trois sources : le Bouillant (à cause du perpétuel frémissement de sa surface), le Dormant (une vasque calme et glauque au pied d'un coteau), et la Font de Lussac (que je n'ai jamais trouvée). Mon pote Barnabé, plongeur spéléo émérite, y a plongé à plus de cent mètres de profondeur, et réussi à franchir le tube étroit, au courant énorme, du Bouillant. Récemment la jonction souterraine a été faite entre deux des sources, la Font de Lussac et je ne sais plus quelle autre.
Allez voir les sources de la Touvre l'été, au couchant. Asseyez-vous dans l'herbe, et rêvez aux démons des eaux secrètes. Rentrez seulement à la nuit. Mais ne faites pas pipi dedans, c'est interdit, on capte l'eau pour alimenter en eau potable la ville d'Angoulême. Et pisser dans une source, c'est sacrilège.





Poune et Tintin. Bah rien à dire sur cette image, sinon que c'était forcément un samedi midi puisque la petite était en tenue de danse. Les enfants aiment leur chien. Maintenant qu'ils sont loin, c'est lui qui leur manque le plus, bien plus que nous, les parents. Ces derniers jours, il étaient à la maison, et c'est moi qui étais à Paris : c'est aussi le chien, qui me manquait le plus. Souvent on pleure son chien qui meurt, plus qu'un proche. C'est stupide mais c'est comme ça. Les humains vivent leur vie et nous échappent, finalement. De même les chats. Le chien n'est qu'une pâte molle, un réceptacle de nos affections, nos désirs, un miroir pour nos angoisses et notre solitude. Un compagnon de balade, comme l'appareil photo.





Sur ce, je vous quitte, j'ai un chien à sortir. Il est assis à côté de moi, pose sa tête sur mon genou, soupire : « bon, t'as pas encore fini, quand-est-ce qu'on y va ? » Dehors il fait nuit, il pleut, il y a du vent, et il fait froid, et on n'a quasiment pas de jardin. Ayez donc un chien.

Vous pourrez lire mon texte ici