03 avril 2012
Charlie et Charly
Nous sommes en retard.
Heureusement qu’il me tient la main très fort car c’est l’angoisse. Cette
plongée dans le vide. J’ai peur. Je suis déjà à la marche 32… il en reste au
moins autant et encore autant. J’ai peur du vide.je suis sûre que je me suis
trompée en les comptant. Je sens une sueur froide couler entre mes omoplates.
Je me cramponne à sa main.
Une fois en bas, je pourrais
enfin souffler. Là, j’ai du mal à respirer. J’ai le vertige. Quand même, quelle
idée de le suivre jusqu'’ici. Il sait que j’ai peur du métro… Je n’aime pas ne
pas voir le ciel. Il me fait descendre dans les entrailles de la terre. C’est
pour gagner du temps qu’il m’a dit. Mais combien de temps encore ici ?
Je me cramponne à sa main.
J’ai le cœur sans dessus-dessous.
Je crois qu’il va sortir de ma poitrine. Il le sait pourtant. Et moi, j’ai
voulu faire la fière. T’inquiète, je t’accompagne, j’ai paradé. Oui, il doit
aller se présenter dans un cabinet de chercheurs de tête. Il dit que je suis
son porte-bonheur. Pourtant, il sait. En bus, j’aurais moins eu moins le cœur
en dehors.
Je me cramponne à sa main.
Il ne faut pas que je tombe. Je
m’imagine déjà étalée en bas de l’escalier, la tête ensanglantée. Il faut que
je me tienne à la rampe. Je ne dois pas faiblir. Je dois mettre encore un pied
devant l’autre. Allez, encore un effort. Je dois ‘l’accompagner. Mais pas en
métro. Qu’est-ce que l’on ne ferait pas quand on aime.
Je me cramponne à sa main.
Ce matin, j’ai mis une robe noire
sage et mon foulard indien, offert par Grand-mère quand elle est revenue d’un
de ses voyages au bout du monde. Grand-mère, elle, ne tremblerait pas dans un
escalier du métro. Elle n’a jamais eu peur de rien. Un raid dans le Sahara en
pleine guerre, un autre en Asie quand les frontières n’étaient pas encore
ouvertes aux étrangers… donc aux femmes, n’en parlons pas. Je ne suis pas aussi
baroudeuse que Grand-mère. Là je tremble devant cet escalier sans fin. Encore
combien de marches ? Envie de me retourner, de remonter celles que ‘j'ai
eu du mal à avaler et revenir à la surface. Respirer enfin. Mais non, je
continue de descendre dans le ventre de la terre.
Je me cramponne à sa main.
Au fait, je m’appelle Charlie et
lui Charly. Nous étions faits pour nous rencontrer.
Je me cramponne à sa main.
4 commentaires:
Chapeau...Belle journée.. Bises
Très beau texte et je ne pensais pas que l'on puisse être phobique à ce point du métro... :)
Petit moment de vie, bien troussé, bravo.
Thankks for a great read
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