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mardi 4 août 2015

Été 2015 - Fraçois Bon - 05 - le dictionnaire

Atelier d’écriture de l’été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique

05 – le dictionnaire


COCHON

Il n’arrive plus à se souvenir quel âge elle avait quand c’est arrivé. C’est bizarre, il ne s’en souvenait pas ou plutôt, il ne voulait pas s’en souvenir ; mais elle, toujours elle lui disait « Raconte-moi ma première séance ». Oui, la première séance et même l’unique séance car jamais plus il n’y est retourné avec elle. Elle devait avoir sept ans tout au plus, l’âge de raison. Donc, oui, cela devait être son cadeau d’anniversaire. S’il se souvient bien, il avait dû y aller avec la Dauphine, celle de la photo qu’elle garde toujours dans ses yeux ou son cœur. L’âge de raison mais non, cela avait un fiasco total. Tous les deux se rappellent le nom « le Royal », elle, il lui tant de fois raconté qu’elle croit s’en souvenir. C’était en début d'après-midi, il ne devait pas y avoir de match de basket ce jour-là. Il devait pleuvoir, oui, c’est cela il devait pleuvoir et il fallait tuer un dimanche après-midi. Oui tuer le temps en allant dans une salle obscure. Elle lui avait serré la main très fort en rentrant ; c’était la première fois. La première fois, la première séance, la première fois qu’elle allait seule avec lui, autre part qu’à un match de basket ou un combat de boxe ou un match de foot ou une course de vélo. « Profitez-en », d’une voix douce avait dit l’autre femme de sa vie. « Cela changera des terrains de sport ». Profitez. Cela elle s'en rappelle, profitez, elle ne savait pas bien ce que cela voulait dire à ce moment-là. Maintenant elle associerait cela au mot profiteroles, elle en est sûre. Mais ne pas s’égarer, essayer de tout revivre. Car elle, dans son souvenir, il n’y a qu’une image qui la hante encore aujourd’hui. Les lunettes 3D n’existaient pas encore, le cinéma en relief non plus, la Géode non plus mais là, à cet instant précis, elle hurla. Les cochons allaient sortir de l’écran et allaient fondre sur elle. Elle hurla ; son cri glaça les spectateurs. Elle hurla, hurla, hurla. Heureusement ils étaient en bout de rang, c’est lui qui lui raconta beaucoup plus tard. Il la tira par la main, il ne savait pas qu’il aurait pu la prendre dans ses bras pour la rassurer. Non, il la tira, il la tira hors de la salle de cinéma « Le Royal » où il l’avait emmenée pour passer un après-midi tranquille pour rire aux pitreries de Jean-Marc Thibault et Roger Pierre dans le film « Les motards ». Elle ne retourna pas au cinéma avant au moins vingt ans. Lui n’y retourna jamais, il avait eu tellement honte. Elle a collectionné les chats, les poules mais jamais les cochons. D’ailleurs, les cochons sauvages le lui rendent bien. Ils labourent le terrain autour de sa maison depuis des années. Hier, ils ont fait une razzia dans les courgettes et les tomates.





samedi 1 août 2015

Été 2015 - François Bon - 04 - compter jusqu'à 5 (rêves)

Atelier d’écriture de l’Été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique

04 –  compter jusqu’à cinq (rêves)




Maintenant, à vous de rêver...


1, je rêve que je rêve et que je ne me souviens pas du rêve que je viens de rêver ; je rentre, sors, rentre de nouveau, ressors de la chambre aux rêves ; soudain, une porte claque, dans la vraie vie ou dans le rêve ; je ne sais pas ; je ne veux pas savoir ; je ne saurais jamais. 2, je rêverai que je me souviendrais de mon rêve du jour où tu étais là-bas, à la Pointe du Raz ; je rêverai que tu me tendrais ta main, tu me prendrais la main ; je rêverais que nous sauterions pour toujours ; nous volerions avec les mouettes. 3, je rêvais devant la photo de l’enfant au vélo bleu ; reviens Milán, s’il te plaît. 4, j’ai rêvé du champ de coquelicots ; tu voulais chercher la pâquerette pour me dire « je t’aime à la folie », le myosotis pour me dire « ne m’oublie pas » ; j’ai rêvé d’un champ de coquelicots multicolores. 5, je rêve que tu es là ; j’ai rêvé que tu serais toujours là ; je rêvai d’un autre rêve ; rêve ! C’est un ordre. 6, je rêve qu'un jour je me souviendrai de mes rêves.






vendredi 24 juillet 2015

Été 2015 - François Bon - 03 - Aller perdu dans la ville

Atelier d’écriture de l’Été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique



Pour cette troisième proposition, à nouveau un thème et une contrainte formelle.

« - faudrait pas qu’il se perde ; elle m’a dit tout au bout ; quoi déjà ? Ah oui, une borne à incendie mais tout droit ou à droite – je suis sûre qu’il ne va pas venir, cet inconnu ; je crois qu’elle m’appelle son inconnu de – non, ne pas prononcer le nom de la ville, restez dans le vague, je suis l’inconnu ; - que fais-tu mon bel inconnu ? mille kilomètres, tu te rends compte, avoir fait mille kilomètres et se retrouver chacun à un bout de cette même ville ; - elle parle toujours du village, pourtant il y a 16 000 habitants maintenant ; oui, c’est le village quand lui et moi sommes arrivés il y a dix ans c’était encore un village ; - allez, viens me retrouver au bout du chemin, à l’autre bout du village, sur un bout de banc – Pstt , il y avait déjà 12 000 habitants quand nous sommes arrivés ; tu te souviens – mais comment tu pourrais te souvenir, on ne se connaissait pas - je croyais qu’il n’y avait que 4 000 habitants mais non c’était quand la chair de ma chair est née mais à mille kilomètres – quel méli-mélo de mots et de pensées ; il cherche, il ne sait plus, elle a dit « passer sous le pont de chemin de fer, puis à droite, puis le petit pont, puis à gauche – je ne sais plus – à gauche oui c’est cela juste avant le tri sélectif –pas les cuves enterrées de maintenant, le vrai avec les grands bacs de couleur – c’était la première fois exactement il y a 76 518 heures – non il faut être plus précis – il y a 4 591 080 minutes – youpi ! chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde compte, a compté, comptera – «  dis tu je sais «  je te l’ai redit ce matin à 5.55 pétantes » - tu te rappelles l’opposition a dit que la ville avait payé bien trop cher pour les trois enfouiements ou enfouissements ou, zut pour les machins dans la terre pour trier – oui c’est cela avant le tri sélectif – maintenant il y a un totem avec Cocci – elle monte, monte sans me demander rien – mais si il monte, elle veut qu’il monte, elle veut le contraire de rien, sur le coin d’un banc il monte, monte, monte pour me faire un câlin -





mardi 14 juillet 2015

Eté 2015 - François Bon - 02 - La maison vide

Atelier d’écriture de l’été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique




Sur la route d’Angers… démolition … ne pas y assister… juste faire revivre la maison… la maison de l’enfance. La maison le jardinet le tas de charbon encore la maison le jardin de fleurs le bout de la maison le poulailler les toilettes dans le jardin le potager le cerisier. Revoir sentir ressentir revivre toutes ces années la maison joyeuse…..Sur la route d’Angers… démolition un jour pour toujours… refus de voir la pelleteuse… tout au bout il y a longtemps la dernière maison plus de maison après... juste la maison aux volets de bois… Les volets qui sont de quelle couleur déjà ? Pousser la porte à deux battants aux rideaux à carreaux rouge et blanc. Le grand buffet et le carillon. La table avec ses quatre chaises. La cuisinière à bois pour que chauffe la soupe et mijote la compote de pommes. Le grand évier blanc ébréché. La fenêtre ouverte sur la route d’Angers. Sur la route d’Angers… démolition il y a combien d’années déjà… mal au cœur… pousser la porte en bois qui grince… découvrir la grande table de la salle à manger… s’asseoir sur la chaise à barreaux où les jambes se balancent sans cesse… faire des mots croisés… inventer des définitions… sentir la bonne odeur de la tarte aux pommes… encore un grand buffet. Entendre le carillon Westminster… le quart la demie… la grande cheminée qui était toute noire. Sur la route d’Angers… démolition après la mort, les morts… les jambes qui tremblent… nouvelle porte… le lit contre le mur pour faire la sieste… pour jouer au loup… 1 2 3 loup y es-tu ? 4 5 6 rire jouer pleurer courir chanter 7 8 9 la vie quelle était belle… la buanderie les outils la grande bassine l’eau chaude le linge qui fumait la course autour du poêle. Sortir marcher regarder par la fenêtre le jardin les odeurs courir dans l’allée. Sur la route d’Angers… démolition dans la vraie vie… pas dans le souvenir.




dimanche 5 juillet 2015

Été 2015 - François Bon - 01 - Les peurs

Atelier d’écriture de l’été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique


Ne plus avoir peur que le 31 octobre 2006 n’ait jamais eu lieu. Avoir eu très peur quand toi le jeune adolescent, tu as failli m’étrangler quand mon cou se retrouva coincé entre le mur de la cave et la chaise longue. Parfois, j’ai encore du mal à respirer. C’était il y a plus de quarante-cinq ans. Avoir peur que le 31 octobre 2006 n’ait jamais existé. Avoir eu peur ce jour quand toi, mon compagnon numéro 6, tu as roulé trop vite sur la bretelle de sortie de l’autoroute. Un cri jaillit « Maman ! ». Et tu éclatas de rire. Rien ne fut plus comme avant. Tu me quittas définitivement trente-deux jours plus tard. Avoir peur de ne plus pouvoir célébrer avec toi le 31 octobre 2006. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où toi Ayrton Senna tu quittas la vie. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où des avions s’écrasèrent sur deux tours. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où toi, Papa tu choisis de devenir une étoile. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où toi, mon fils, tu choisis de ne pas venir au monde. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où la porte de l’hôpital se referma derrière toi, qui seras mon dernier amour. Avoir toujours peur que tu ne remontes pas le chemin comme ce 31 octobre 2006.




dimanche 21 septembre 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 9, pas de souci à vous faire


Ne m'en parlez pas... de quoi.... de la p....
Cela me donne des boutons. 
Pire que ceux des moustiques tigre de cet après-midi.

Encore et toujours dans "Tiers Livre"... c'est... ICI!




Dites ! c’est quand demain ?

Procrastination ; remettre quelque chose à demain ; tout remettre à demain et même à jamais.

Procrastination
Synonymie / antonymie
Ajournement & atermoiement/ -
Score 2/0

Quand c’est demain ? C’est peut-être après-demain…

Laver le sol de la pièce de Galla… aller changer de place sa chaîne pour qu’elle ne se prenne plus dans la lavande… couper la lavande qui reste… donner aux poules le reste de salade…

Arroser les plantes vertes qui sont dans l’escalier… enlever les toiles d’araignée… bonjour araignée du soir, espoir… espoir de soleil demain sans l’attaque des moustiques… où est la citronnelle ?

Tout cela à faire aujourd’hui ?
Il faut en laisser pour demain. Quand c’est demain ? C’est peut-être après-demain…

Ranger le bois… couper le bois… jeter les petites branches… ratisser, nettoyer… remplir la remorque… l’emmener à la décharge… mais aussi ramasser la sciure… la mettre au poulailler… nettoyer le poulailler… où sont les œufs ?

Préparer le terrain pour le mobil-home… se renseigner pour en faire une résidence d’artistes… accueillir peintre, musicien ou écrivain…penser au prochain atelier… chercher consignes sur la lune ou le soleil ou l’automne qui arrive… ne pas oublier de s’inscrire à l’atelier d’Éguilles qui reçoit Olivier Salin en octobre 2014…

Tout cela à faire aujourd’hui ?
Il faut en laisser pour demain. Quand c’est demain ? C’est peut-être après-demain…

Il est déjà demain 0.10… tout n’est pas fait… il en reste trop…
Direction sous la couette…



dimanche 24 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 8, juste avant que

Changement de guide.
John Gardner...
C'est par .

Les trois roses rouges...



Du plus loin qu’il s’en souvînt,
Il y avait toujours au moins une fois par année
Trois roses rouges qui s’imprimaient sur sa rétine.

Aussi loin qu’il s’en souvienne…

Il arrivait même à se rappeler,
Les quelques minutes
Qui précédaient les trois roses rouges.

Juste avant de les regarder,
Juste avant de les acheter,
Juste avant de les cueillir,
Juste avant d’entrer dans son temps des roses rouges[1]
Juste avant de les jeter,
Juste avant de les photographier,
Juste avant de les offrir,
Juste avant de lire Blanche-Rose et Rose-Rouge[2],
Juste avant de les sentir,
Juste avant de déguster de la gelée de roses rouges,

Juste avant,
Juste avant,
Il y avait ce fourmillement dans son bras gauche,
Un fourmillement ou plutôt,
une décharge qui allait
de son coude au bout de ses doigts de la main gauche.
Surtout dans son pouce et son petit doigt.

Oui, c’est cela juste avant les trois roses rouges,
il y avait ce dixième de seconde de souffrance aiguë.

Et cette chanson qu’il écoutait
Quand son cœur battait la chamade,
« J’ai cueilli trois roses rouges
Au jardin de mes amours… »[3]




dimanche 10 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 7, petit point fixe de peau du monde

Et si maintenant nous allions cueillir trois roses rouges.

Et si nous lisions et relisions Malt Olbren, Raymond Bozier ou Julien Gracq.

C'est par ici.




Trois roses rouges…


- Un -

Un bouquet de trois roses rouges sur le siège avant de sa trop voyante voiture de location. Les trois roses rouges ne sont pas pour celle qui l’a mis au monde ; elles sont pour lui, ce père, ce modèle qu’il a tant admiré et qui lui manque tant encore aujourd’hui. Drôle d’anniversaire qu’il vient fêter ce soir. Il n’était pas revenu depuis 15 ans dans le village de son enfance.


- Deux -

Un bouquet de trois roses rouges sur le guidon d’un vélo que mène un jeune homme de 15 ans tout juste ; ce bouquet, pour l’anniversaire de sa mère qu’ils fêteront tous les trois dans la grande maison qu’elle arrange avec tant d’amour et de soin. Dans moins de dix minutes, il sera de retour chez lui après sa semaine à l’internat du lycée de la grande ville toute proche.


- Trois -

Un bouquet de trois roses rouges fanées dans le vase de la case 24 du secteur 2 du columbarium de son village. Toutes ces vies envolées trop tôt. En droit paisible, rempli de tant de tristesse. Aujourd’hui, c’est lui qui va changer les fleurs du vase de marbre noir. La fleuriste du village le fait pour lui, la mère de celle-ci l’avait fait pour lui et ceci depuis 15 ans.


- Quatre -

Un bouquet de trois roses rouges sur le buffet si massif de la salle à manger de sa grand-mère dans la salle commune de la ferme, où il passait ses vacances. Il se rappelle les crises de fous rires avec ses cousins et cousines, les courses poursuites sur les chemins de terre, la cueillette des cerises, des abricots, des prunes. Aussi loin qu’il remonte dans ses souvenirs, il a toujours vu un bouquet de trois roses rouges à cet endroit.


- Cinq -

Un bouquet de trois roses rouges dessinées sur la devanture de l’ancienne boulangerie des parents de Gabrielle. C’étaient des coquelicots qu’il cueillait à sa secrète amoureuse, avant son départ précipité. Elle les mettait à sécher dans son carnet secret. Trois roses rouges, le souvenir de cet amour qui remonte avec force dans son cœur.


- Trois roses rouges… -

Un bouquet de trois roses rouges jalonne les trente années de sa vie. Des anniversaires qui ne seront plus jamais comme avant, des souvenirs d’enfance qui reviennent, l’avenir de son cher fils, Milko, à bâtir.



samedi 9 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 6, ce que personne se saura du personnage

De plus en plus accro à cette idée d'écrire, d'écrire
grâce encore à Claude Simon.

C'est ici


Gabrielle


L’arbre aux branches toujours aussi enchevêtrées cache une partie de la devanture de la crêperie ; il aperçoit le pan d’une grande jupe noire habillée d’un tablier blanc, bordé de dentelle. Il ne manque que la coiffe, pour faire croire qu’un coin de Bretagne s’est installé en Provence.

Que fait-elle là : elle a repris l’ancienne boulangerie de ses parents ; elle représente la quatrième génération ; l’Italie est de plus en plus loin dans ses gènes ; des odeurs de pain au chocolat, de chaussons aux pommes lui reviennent aux narines ; elle a tout transformé et a réalisé son rêve d’enfance, elle la passionnée de la forêt de Brocéliande, du Roi Arthur et de la pointe du Raz : ouvrir une crêperie ; mais dans un coin, il reste toujours un étal réservé aux pains de toutes sortes. Qui les façonne et en régale le village ?

Que cherche-t-elle à prouver : que les rêves d’enfant peuvent se réaliser ; il suffit de le vouloir très fort, de convaincre son banquier, une chance son compagnon également, cela aide ; elle va, vient, redresse un bouquet de fleurs ; elle vérifie l’harmonie des bleus des nappes ; elle rayonne ; il a envie de l’appeler, il a envie de la prendre dans ses bras ; il a envie d’effacer les quinze ans d’absence.et ce sourire, toujours le même. Et toujours le même geste pour relever sa mèche rebelle, toujours la même.

« Les Billig et Rozell de Gabrielle », il faudra qu’il ose pousser la porte de la boutique, que tient maintenant la secrète amoureuse de ses quinze ans, qu’il quitta sans un au-revoir. Il faudra aussi saluer Grand Pierre, le maire réélu de son village de naissance et son compagnon. Sourire, sourire, mais est-ce que cela sera possible ?


mercredi 6 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 5, le dialogue en bocal

Goran Le Mut s'épaissit, prend corps grâce à Claude Simon.
C'est ici.



15 ans après…

Jeudi 1er mai de l’année 2014.

Moi, Goran le Mut vient de garer ma voyante voiture de location au début de la trop longue ligne droite qui avait perdu les platanes qui la bordaient.
J’aurais aimé pouvoir lui crier « Attention, vous allez trop vite » mais je ne savais pas encore que c’était la voiture de mon père qui filait dans un de ces platanes du côté gauche de la route.
J’aurais aimé lui avoir crié qu’il fallait qu’il aille moins vite, que nous l’aimions.

Mais je perds les pédales ; c’est au jeune homme que j’étais il y a tout juste quinze ans que je dois m’adresser. Quoi, il se bouche les oreilles, il ne veut rien savoir. Qu’est-ce que j’entends qu’il se reproche de ne pas lui avoir assez dit de « je t’aime, papa », pas assez dit de « je t’admire, papa ». Pas assez avoir écouté ses recommandations, pas assez avoir souri de ses mauvaises blagues, quand cela faisait cent fois qu’il racontait la même.

C’est ça qu’il me souffle le gamin que j’étais, celui que j’aperçois les jambes coupées assis sur le bas-côté, avec son bouquet de trois roses rouges qu’il est en train de regarder et de répéter sans arrêt, c’était pour les 43 ans de Maman. Papa, tu as oublié que c’était aujourd’hui son anniversaire à ta Juliet. Il n’a pas fait attention, Papa ; c’est que je me suis dit à cet instant-là.

D’ailleurs qu’est-ce que j’en ai fait de mon bouquet. Aujourd’hui, c’est moi qui l’apporte. Depuis quinze ans, c’est le fleuriste du village qui vient déposer les fleurs, toujours les mêmes, dans le vase en granit du columbarium, Secteur Z, case 24, là où reposent les cendres de son père.

T’as l’air bien emprunté aujourd’hui car là va falloir lui dire quelque chose. Je ne vais pas mettre le bouquet à la va-vite, toi le gamin de 15 ans tu m’aideras. C’est toi qui a des choses à te faire pardonner, pas moi.

S’ensuit un dialogue de sourds entre moi aujourd’hui, l’homme que je suis devenu, et celui que j’étais le jour où la vie s’est arrêtée pour lui. 45 ans, beaucoup trop tôt.

Mais, je sais des choses maintenant.
C’est pour cela que je viens te demander pardon, papa ; tu as voulu nous épargner ta déchéance que le crabe aurait provoquée mais je ne le savais pas.

Je me demande s’il n’y avait pas des petites choses qui auraient dues attirer mon attention

Mais le vélo, le lycée  eh ! Le gamin, tu oublies les filles…


Chez François Bon - atelier d'été 2004 - Outils du roman : 4, Impossible retour

Toujours en route à la recherche d'un texte, un roman ?

Il faut essayer de suivre les directives. Elles sont ici.




Pourquoi aujourd’hui ?


Pourquoi aujourd’hui ?
Il décide qu’il ne sera pas professeur
Comme ce père qui vient de disparaitre
De l’abandonner

Pourquoi aujourd’hui ?
Il avait jeté son vélo, s’était immobilisé, n’en croyait pas ses yeux.
C’était cette fameuse Facel Vega dont son père était si fier d’être l’heureux propriétaire comme il disait.
Jusqu’à aujourd’hui, il ne l’avait jamais vu appuyer sur le champignon.
Son père avait été toujours très prudent.
Il voulait savourer l’ivresse de posséder cette voiture.
Il lui racontait les bruits du moteur.
Dis Papa, tu ne me raconteras plus d’histoire de voiture, de belles voitures !


Pourquoi aujourd’hui ?
Isabel, sa mère, allait fêter ses 43 ans.
Il lui avait dit, il y a un petit mois : « Je vais emmener Isabel pour un week-end de rêve. Samedi prochain, en route pour le bonheur. »
D’habitude, cela porte malheur de fêter l’anniversaire avant la date : il l’avait emmenée la semaine dernière fouler les planches de Deauville. Lui, leur fils, connaissait la destination finale. Sa mère avait suivi Filip les yeux bandés.
Elle était revenue avec un sourire qui en disait long sur leur temps passé ensemble.
Tout d’un coup, il pensa qu’il ne reverrait jamais cette lumière au fond de ses yeux. Seul, son père Filip pouvait la rendre si heureuse.
Dis Papa, ses yeux ne souriront plus ! Tu n’avais pas le droit !


Pourquoi aujourd’hui ?
Sur cette Route Nationale 5…
Et ses trois roses rouges qui devaient être symbole de joie, sont devenues hommage à ce père qui venait de l'abandonner.
Il venait d’avoir juste 15 ans. « Papa, tu ne devais pas. Tu n’avais que 45 ans ».
Son oncle l'avait fait asseoir, ses jambes tremblaient tellement.
Il ne voyait que du coin de l’œil l’avant fracassé de la voiture contre ce platane, ce maudit platane.
Dis Papa, toi qui aimes tant les arbres, pardon Papa, toi qui les aimais tant !


Pourquoi aujourd’hui ?
Goran promenait son regard sur la scène. Ses larmes coulaient sans qu’il semble s’en rendre compte. Il y a moins d’un quart d’heure, il pédalait avec dans les oreilles « Riders on the storm », dans les yeux la beauté de cette route, de ces platanes majestueux.
Il pensa soudain : pourquoi le platane a-t-il traversé la route ? Pourquoi s’est-il jeté sur la voiture de Papa ? Pourquoi, j’étais là, si heureux de vivre, de rentrer à la maison.
Je ne pourrais plus jamais lui souhaiter son anniversaire à Isabel, la maman qui ne sait pas encore que sa moitié, son double, sa raison de vivre nous a quittés.
Dis Papa, j’ai trop mal. Comment vais-je le dire à Maman ?


Pourquoi aujourd’hui ?
Goran ne sait pas encore qu’il reviendra dans quinze ans, trois roses rouges sur le siège de sa voiture trop voyante, qui ne lui ressemblait pas, pour  faire la paix avec son père qui venait de se retirer de leur vie.
Il ne s’entendait pas hurler, il avait plaqué ses mains sur ses oreilles.
Il fermait ses yeux, voulant chasser cette dernière image.
La voiture heurtait de plein fouet cet arbre qui garderait à jamais la cicatrice du choc.
Dis Papa, pourquoi tu n’as pas cru que nous aurions pu t’aider. Je t’aime Papa.



mardi 5 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 3, brève folie

Et je présiste et signe, je continue l'atelier de l'été 2014.

Je veux en savoir plus sur Malt Olbren,
C'est ici.


Un platane l’a tuer…

1.      Première couche, avec blancs et trous

Goran Le Mut
Fils de Filip Le Mut
Fils d’Isabel Le Bihan


Un samedi
retour du lycée
Vélo bleu


Un orage couve
Temps s’obscurcit

Une avenue infinie bordée de platanes
Juste avant la pancarte de son village
Village fleuri
3 fleurs


Pédale pédale
Casque audio sur les oreilles
Album des Doors
L.A. Woman
Riders on the storm


Bouquet de 3 roses rouges
Sur le guidon

Une voiture le double

À vive allure

La voiture fait une embardée
S’écrase contre un platane
Qui borde la route

(Le narrateur omniscient, donc absent)



2.      Deuxième couche


Goran Le Mut
Fils de Filip Le Mut
Fils d’Isabel Le Bihan
Filip Le Mut
Père de Goran Le Mut
Époux d’Isabel Le Bihan

Un samedi de janvier 13.50
retour du lycée où il est en pension
Vélo bleu


Un orage couve
Le temps s’obscurcit

Une avenue infinie bordée de platanes
Juste avant la pancarte de son village
Village fleuri
3 fleurs


Pédale pédale sans se douter de rien
Casque audio sur les oreilles
Album des Doors
L.A. Woman
Riders on the storm

pense à la soirée qui arrive
Bouquet de 3 roses rouges
Sur le guidon

Pour l’anniversaire de sa mère
3 roses pour le 3 de ses 43 ans

Une voiture rouge le double

À vive allure

La voiture de son père ?
Il croit la reconnaitre
En un dixième de seconde
La voiture fait une embardée
S’écrase contre un platane à gauche de la route
Qui borde la route

Le premier sur les lieux
Jette son vélo par terre
Court vers la voiture
Ne réalise pas

Toujours la même question : la voiture de son père ?

Le temps paraît infini
Avant qu’une autre voiture s’arrête

Réalité : moins de deux minutes

Réalise : C’est la voiture de son père

Tétanisé
Ne peut s’approcher

Entend seulement : « il est mort ! Plus rien à faire ! »

Un cri effroyable s’élève :
Papa !






3.      troisième couche

Goran Le Mut, 17 ans
Fils de Filip Le Mut
Fils d’Isabel Le Bihan
Filip Le Mut, 47 ans
Père de Goran Le Mut
Époux d’Isabel Le Bihan

Un samedi de janvier 13.50
retour du lycée où il est en pension
Vélo bleu
Possesseur d’une Facel Vega
Conducteur de la dite voiture

Un orage couve – impossible, on est en janvier, pense-t-il
Le temps s’obscurcit

Une avenue infinie bordée de platanes
Juste avant la pancarte de son village
Village fleuri
3 fleurs
Sur la Nationale 5


Pédale pédale sans se douter de rien
Casque audio sur les oreilles
Album des Doors
L.A. Woman
Riders on the storm

pense à la soirée fin de journée qui arrive

à tout ce qu’il va raconter
à ses parents Filip et Isabel le Mut

                                              
Bouquet de 3 roses rouges
Sur le guidon


Pour l’anniversaire de sa mère
3 roses pour le 3 de ses 43 ans


Une voiture rouge le double

À vive allure

La voiture de son père ?
Il croit la reconnaitre

En un dixième de seconde
La voiture fait une embardée
S’écrase contre un platane à gauche de la route
Qui borde la route

Le premier sur les lieux
Il jette son vélo par terre
Court vers la voiture
Ne réalise pas

Toujours la même question : la voiture de son père ?

Le temps paraît infini
Avant qu’une autre voiture s’arrête

Réalité : moins de deux minutes

Réalise : C’est la voiture de son père

Tétanisé
Ne peut s’approcher plus près

Entend seulement : « il est mort ! plus rien à faire ! Il a été tué sur le coup

Un cri effroyable s’élève :
Papa !

La sirène des pompiers déchire le silence.

Le cartable de son père est sur le bas-côté de la route
Goran Le Mut s’en empare.

Quelqu’un lui parle.
Il n’entend pas.
Ses jambes tremblent.
Un pompier le rattrape au moment où il allait tomber.

Ce pompier est son oncle.
Le frère de Filip Le Mut.




4.      quatrième couche

Goran Le Mut, 17 ans
Fils de Filip Le Mut
Fils d’Isabel Le Bihan
Filip Le Mut, 47 ans
Père de Goran Le Mut
Époux d’Isabel Le Bihan

Un samedi de janvier 13.50
retour du lycée où il est en pension
Vélo bleu
Possesseur d’une Facel Vega
Conducteur de la dite voiture
Goran se souvient de la première fois où il est monté dedans, le jour du 45ème anniversaire de son père, le jour de son 15ème anniversaire : ils étaient nés le même jour.

Un orage couve – impossible, on est en janvier, pense-t-il
Le temps s’obscurcit

Une avenue infinie bordée de platanes
Juste avant la pancarte de son village
Village fleuri
3 fleurs
Sur la Nationale 5


Pédale pédale sans se douter de rien
Casque audio sur les oreilles
Album des Doors
L.A. Woman
Riders on the storm

pense à la soirée fin de journée qui arrive

à tout ce qu’il va raconter
à ses parents Filip et Isabel le Mut
Sa satisfaction d’avoir trouvé ce qu’il fera plus tard : dessinateur de Bd. Mais comme cela risque de ne pas le nourrir, lui et sa future famille, il a décidé de devenir professeur, comme ses chers parents, en 2ème métier


Bouquet de 3 roses rouges
Sur le guidon




Pour l’anniversaire de sa mère
3 roses pour le 3 de ses 43 ans


Une voiture rouge le double

À vive allure

La voiture de son père ?
Il croit la reconnaitre

Il n’a pas le temps de réaliser
En un dixième de seconde
La voiture fait une embardée
S’écrase contre un platane à gauche de la route
Qui borde la route

Il est 13.55, sa montre s’est arrêtée
Goran ne portera jamais plus de montre

Le premier sur les lieux
Il jette son vélo par terre
Court vers la voiture
Ne comprend pas

Toujours la même question : la voiture de son père ?

Le temps paraît infini
Avant qu’une autre voiture s’arrête

Réalité : moins de deux minutes

Réalise : C’est la voiture de son père

Tétanisé
Ne peut s’approcher plus près

Entend seulement : « il est mort ! plus rien à faire ! Il a été tué sur le coup.»

Un cri effroyable s’élève :
Papa !

La sirène des pompiers déchire le silence.

Le cartable de son père est sur le bas-côté de la route
Goran Le Mut s’en empare.

Quelqu’un lui parle.
Il n’entend pas.
Ses jambes tremblent.
Un pompier le rattrape au moment où il allait tomber.

Ce pompier est son oncle.
Le frère de Filip Le Mut.

Pourquoi aujourd’hui ?
Il décide qu’il ne sera pas professeur
Comme ce père qui vient de disparaitre
De l’abandonner