mardi 4 août 2015

Été 2015 - Fraçois Bon - 05 - le dictionnaire

Atelier d’écriture de l’été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique

05 – le dictionnaire


COCHON

Il n’arrive plus à se souvenir quel âge elle avait quand c’est arrivé. C’est bizarre, il ne s’en souvenait pas ou plutôt, il ne voulait pas s’en souvenir ; mais elle, toujours elle lui disait « Raconte-moi ma première séance ». Oui, la première séance et même l’unique séance car jamais plus il n’y est retourné avec elle. Elle devait avoir sept ans tout au plus, l’âge de raison. Donc, oui, cela devait être son cadeau d’anniversaire. S’il se souvient bien, il avait dû y aller avec la Dauphine, celle de la photo qu’elle garde toujours dans ses yeux ou son cœur. L’âge de raison mais non, cela avait un fiasco total. Tous les deux se rappellent le nom « le Royal », elle, il lui tant de fois raconté qu’elle croit s’en souvenir. C’était en début d'après-midi, il ne devait pas y avoir de match de basket ce jour-là. Il devait pleuvoir, oui, c’est cela il devait pleuvoir et il fallait tuer un dimanche après-midi. Oui tuer le temps en allant dans une salle obscure. Elle lui avait serré la main très fort en rentrant ; c’était la première fois. La première fois, la première séance, la première fois qu’elle allait seule avec lui, autre part qu’à un match de basket ou un combat de boxe ou un match de foot ou une course de vélo. « Profitez-en », d’une voix douce avait dit l’autre femme de sa vie. « Cela changera des terrains de sport ». Profitez. Cela elle s'en rappelle, profitez, elle ne savait pas bien ce que cela voulait dire à ce moment-là. Maintenant elle associerait cela au mot profiteroles, elle en est sûre. Mais ne pas s’égarer, essayer de tout revivre. Car elle, dans son souvenir, il n’y a qu’une image qui la hante encore aujourd’hui. Les lunettes 3D n’existaient pas encore, le cinéma en relief non plus, la Géode non plus mais là, à cet instant précis, elle hurla. Les cochons allaient sortir de l’écran et allaient fondre sur elle. Elle hurla ; son cri glaça les spectateurs. Elle hurla, hurla, hurla. Heureusement ils étaient en bout de rang, c’est lui qui lui raconta beaucoup plus tard. Il la tira par la main, il ne savait pas qu’il aurait pu la prendre dans ses bras pour la rassurer. Non, il la tira, il la tira hors de la salle de cinéma « Le Royal » où il l’avait emmenée pour passer un après-midi tranquille pour rire aux pitreries de Jean-Marc Thibault et Roger Pierre dans le film « Les motards ». Elle ne retourna pas au cinéma avant au moins vingt ans. Lui n’y retourna jamais, il avait eu tellement honte. Elle a collectionné les chats, les poules mais jamais les cochons. D’ailleurs, les cochons sauvages le lui rendent bien. Ils labourent le terrain autour de sa maison depuis des années. Hier, ils ont fait une razzia dans les courgettes et les tomates.





samedi 1 août 2015

Lundi, c'est déclencheurs, édition 2015 - 03 - un enjeu

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 (3) : un enjeu



Sur une idée de Lionel Davoust,
Cette semaine, nous allons introduire de la tension narrative avec un enjeu.




Je suis toujours là, je suis Madeg.
Je suis toujours en vie, je revis et je ne veux pas quitter la vie.
J’ai tant de fois frôlé la mort que je me refuse à croire qu’elle rôde trop près de moi. Rien ne peut plus m’atteindre, ni la blessure grave, ni le déshonneur.
Je ne veux plus rien abandonner. J’ai laissé tant de moi à chaque fois que je devais tirer. Mais c’était moi ou lui ou eux. D’accord, j’étais payé pour mais pas toujours. Je n’ai jamais été un mercenaire. Je me suis toujours préoccupé des autres. Toujours pris soin de ne pas atteindre un tiers. Pas de dommages collatéraux. Mais à la guerre comme à la guerre.
J’ai tant de fois vu la mort en face. Elle n’était pas la grande faucheuse. C’était elle ou moi. C’était plus souvent lui ou moi. Mais combien de vies n’ai-je pas sauvé en donnant la mort à un seul. Je me souviens de la première fois. C’était mon examen de passage, mon entrée dans la grande famille des snipers. Je devais me faire accepter, je devais gagner ma place. Je voulais être le Don Quichotte de ces gens que la guerre chassait de chez eux. Je voulais qu’ils reviennent sur leurs terres. Je voulais que les enfants n’aient plus peur. Je voulais revoir leurs sourires. Un ballon rouge dans le ciel, un rire d’enfant. Ne plus entendre les tirs.

Je suis encore vivant, je suis Madeg.
Je ne parlerais plus jamais de ma vie d'avant, plus d’informations sur mon ancienne vie.

Je veux gagner le pari avec moi-même : redevenir le Madeg qui aimait tant la nature.
Je veux redevenir celui que j’étais avant d’avoir vécu toutes ces horreurs.
Même sans moi, elles auraient eu lieu. Je voulais les empêcher à ma manière.
Ils ne m’ont pas eu. , j’ai sauvé ma peau mais mes nuits ne seront plus jamais les mêmes. Toujours les mêmes cauchemars, toujours ces cris qui percent ma nuit.

Je veux gagner mon pari de redevenir le Madeg d’avant.
Redevenir celui qui ne sursaute plus quand une porte claque.
E=tenter d’accrocher à nouveau un sourire à mes lèvres en voyant l’enfant qui rit en courant après le pigeon, qui crie que cela va trop vite dans la pente quand son vélo bleu l’emporte vers la vie. Je ne veux plus que l’image de l’enfant blotti dans les décombres surgisse à chaque instant. Je en veux plus entendre le cri d’horreur de l’enfant quand il découvre sa mère… non je ne veux plus.

Je veux défier la mort pour redonner la place à la vie.

Je suis Madeg, celui qui est bon et qui n’aura plus jamais peur.
Je veux enfin pouvoir rire ou au moins sourire à la vie.



Été 2015 - François Bon - 04 - compter jusqu'à 5 (rêves)

Atelier d’écriture de l’Été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique

04 –  compter jusqu’à cinq (rêves)




Maintenant, à vous de rêver...


1, je rêve que je rêve et que je ne me souviens pas du rêve que je viens de rêver ; je rentre, sors, rentre de nouveau, ressors de la chambre aux rêves ; soudain, une porte claque, dans la vraie vie ou dans le rêve ; je ne sais pas ; je ne veux pas savoir ; je ne saurais jamais. 2, je rêverai que je me souviendrais de mon rêve du jour où tu étais là-bas, à la Pointe du Raz ; je rêverai que tu me tendrais ta main, tu me prendrais la main ; je rêverais que nous sauterions pour toujours ; nous volerions avec les mouettes. 3, je rêvais devant la photo de l’enfant au vélo bleu ; reviens Milán, s’il te plaît. 4, j’ai rêvé du champ de coquelicots ; tu voulais chercher la pâquerette pour me dire « je t’aime à la folie », le myosotis pour me dire « ne m’oublie pas » ; j’ai rêvé d’un champ de coquelicots multicolores. 5, je rêve que tu es là ; j’ai rêvé que tu serais toujours là ; je rêvai d’un autre rêve ; rêve ! C’est un ordre. 6, je rêve qu'un jour je me souviendrai de mes rêves.






dimanche 26 juillet 2015

Lundi, c'est déclencheurs, édition 2015 - 02 - Un lieu et un genre


Sur une idée de Lionel Davoust,
TECHNIQUE D'ÉCRITURE

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 

Un lieu et un genre





C’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix.
Cette semaine, nous allons prendre le protagoniste apprivoisé la semaine dernière et nous allons le mettre en situation.



Un petit rappel, je suis Madeg.

Je suis breton et le revendique.
Dans une de mes nombreuses vies, j’ai été sniper et cible à la fois.

Je m’en suis réchappé et essaie maintenant de mener une vie un peu plus calme.

Visiter la nef d’une cathédrale ou la cour d’une forteresse, pas trop ma tasse de thé. Je n’ai rien du touriste qui va de monument en monument à la recherche de son passé.

Le pont d’envol de la Jeanne, que de souvenirs, que de frayeurs aussi.
Là-bas, j’ai fréquenté quelque fois la salle à manger du Capitaine.
C’était avant que je ne devienne ce mercenaire de la mort.
Lors des escales, jamais je n’allais me prélasser sur la plage.
Je préférai rester dans ma cabine et lire, écrire, rêver.
J’étais l’observateur du théâtre de la vie.

Que de souvenirs joyeux de mon enfance dans le living-room ou plutôt comme on le disait, à cette époque, dans la grande salle à manger de la maison de mes grands-parents maternels. La salle à manger, la cuisine, le tout en un avec la cuisinière à charbon au coin de laquelle cuisait toujours un grand faitout de soupe aux légumes ou dans le four cuisait une délicieuse tarte aux pommes ou aux abricots, suivant la saison.

J’ai fréquenté plus de salles de tir pour m’entraîner à sauver ma peau que de salles de bal et de taverne qui n’ont pas mes faveurs ou l’école, sauf la cour où je jouais au petit chef.

Depuis que j’ai réchappé à la mort et ai décidé de ne plus la donner, assidûment je fréquente le seul endroit où je peux me dépasser et où mon seul ennemi est le chronomètre.

Quand je pousse la porte de la box d’Anthony et que je pénètre dans ce lieu si semblable à ceux que je pourrais retrouver aux quatre coins du monde, je deviens un autre, je côtoie des aussi fêlés que moi.
La première fois que je suis venu, d’un seul coup d’œil, j’ai vu que tout y était : les tapis de gymnastique, les barres pour les tractions, les cordes à sauter, les haltères, les bancs de musculation, les rameurs. Tout y est, pareillement que dans les autres salles que j’ai fréquentées.

Je pousse, je tire, je lance, je soulève. D’après leur publicité, j’ai dix bonnes raisons d’y venir chaque jour ou même parfois deux fois par jour quand je n’y reste pas la journée entière.

Faire plusieurs fois le même mouvement dans un temps minimal, temps que je m’emploie à réduire au fil des séances. Me battre contre moi-même en plus de ce nouvel ennemi juré, le chronomètre, que demandez de plus à la vie pour oublier l’avant.

Je ne suis plus seul contre les autres. Tout le monde est logé à la même enseigne.
Je m’échauffe avec le groupe qui n’est plus ce commando de mon ancienne vie ; tout d’un coup, ce n'est plus chacun pour soi mais tous tournés vers le même but, le dépassement de soi. Tout le monde est là pour se dépasser dans un esprit de compétition bon enfant

La ponctualité est de rigueur ; sinon des burpees - exercice qui consiste à faire une pompe et enchaîner avec un saut - sont infligés par tournée de dix à chaque minute de retard. J’arrive bien en avance mais j’accompagne les retardataires dans leurs efforts, la solidarité comme avant.

Il y a eu la rencontre avec Tabata. Ne croyez pas que c’est une belle blonde ou rousse. Non, c’est une pratique dans cette salle. Le principe: 20 secondes d'un exercice donné, dix secondes de repos, le tout pendant quatre minutes et le tout répété pendant une demi-heure. Au début, aïe aïe mais maintenant, une véritable addiction.

Je suis devenu un fanatique du WOD (Workout of the Day – entraînement du jour). Je le découvrais à chacun de mes passages avec plaisir et envie de me dépasser dans cette salle de CrossFit®.

Je m’éclate avec ce mélange d'athlétisme, d'haltérophilie et de gymnastique.

Je suis devenu un autre, je suis le nouveau Madeg, toujours aussi breton et aimant de plus en plus la vie et dépasser mes propres limites.



vendredi 24 juillet 2015

Été 2015 - François Bon - 03 - Aller perdu dans la ville

Atelier d’écriture de l’Été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique



Pour cette troisième proposition, à nouveau un thème et une contrainte formelle.

« - faudrait pas qu’il se perde ; elle m’a dit tout au bout ; quoi déjà ? Ah oui, une borne à incendie mais tout droit ou à droite – je suis sûre qu’il ne va pas venir, cet inconnu ; je crois qu’elle m’appelle son inconnu de – non, ne pas prononcer le nom de la ville, restez dans le vague, je suis l’inconnu ; - que fais-tu mon bel inconnu ? mille kilomètres, tu te rends compte, avoir fait mille kilomètres et se retrouver chacun à un bout de cette même ville ; - elle parle toujours du village, pourtant il y a 16 000 habitants maintenant ; oui, c’est le village quand lui et moi sommes arrivés il y a dix ans c’était encore un village ; - allez, viens me retrouver au bout du chemin, à l’autre bout du village, sur un bout de banc – Pstt , il y avait déjà 12 000 habitants quand nous sommes arrivés ; tu te souviens – mais comment tu pourrais te souvenir, on ne se connaissait pas - je croyais qu’il n’y avait que 4 000 habitants mais non c’était quand la chair de ma chair est née mais à mille kilomètres – quel méli-mélo de mots et de pensées ; il cherche, il ne sait plus, elle a dit « passer sous le pont de chemin de fer, puis à droite, puis le petit pont, puis à gauche – je ne sais plus – à gauche oui c’est cela juste avant le tri sélectif –pas les cuves enterrées de maintenant, le vrai avec les grands bacs de couleur – c’était la première fois exactement il y a 76 518 heures – non il faut être plus précis – il y a 4 591 080 minutes – youpi ! chaque jour, chaque heure, chaque minute, chaque seconde compte, a compté, comptera – «  dis tu je sais «  je te l’ai redit ce matin à 5.55 pétantes » - tu te rappelles l’opposition a dit que la ville avait payé bien trop cher pour les trois enfouiements ou enfouissements ou, zut pour les machins dans la terre pour trier – oui c’est cela avant le tri sélectif – maintenant il y a un totem avec Cocci – elle monte, monte sans me demander rien – mais si il monte, elle veut qu’il monte, elle veut le contraire de rien, sur le coin d’un banc il monte, monte, monte pour me faire un câlin -





mercredi 15 juillet 2015

Lundi, c'est déclencheurs, édition 2015 - 01 - Un protagoniste



Sur une idée de Lionel Davoust,

Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015 

01 - Un protagoniste

 

C’est parti pour vingt minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix.


Je suis Madeg.
Il me reste juste vingt minutes pour vous parler de moi. De mes multiples vies.
Ma vie, mieux qu’un roman, une épopée.
Être breton, avoir un prénom qui veut dire « bon », ça campe le bonhomme, vous ne croyez pas.
Le compte à rebours a démarré. Plus que vingt minutes à vivre ou vingt minutes avant de mourir.
Mais par où commencer.

Par le Héros flamboyant que j’aurais aimé être : sauver la veuve et l’orphelin, me prendre pour Batman ou Superman. Oui, je l’ai été mais juste dans la cour de récréation en maternelle quand j’ai sauvé Margaux auquel l’affreux jojo de Jocelyn tirait sans arrêt sur les boucles dorées. Elle était belle Margaux mais elle ne me regardait même pas.

Par l’assassin professionnel que j’étais devenu des armées de fourmis qui osaient coloniser et élever des pucerons sur les rosiers de Mémé Berthe. Armé de ma bombe, de mon arrosoir, rien ne me résistait. Mon surnom du moment, l’Exterminateur. Mais cela n’a duré que les étés entre mes dix et seize ans quand je passais les vacances chez mes grands-parents.

Le temps presse. Plus que seize minutes pour vous conter ma vie. Mes mains sont moites, ce n’est pourtant pas le moment. Je dois garder la tête froide, malgré les gouttes de sueur qui commencent à perler à mon front.

J’ai été aussi Madeg, l’adolescent hanté par le remords. J’avais tout juste dix-sept ans et je n’ai rien pu empêcher. Mais je n’arrive toujours pas à en parler. Pourtant, il faudrait. Il faut que je soulage ma conscience. Mais non, ce serait trop long à raconter. Le temps presse. Il va falloir que je me concentre, que j’aille prendre ma position, que j’exécute les ordres.

J’ai rêvé aussi un jour d’être en haut de l’affiche, le débutant rêvant de gloire grâce aux histoires que j’envoyais dans les nombreux concours pour écrivaillon. Deux ou trois fois, j’ai été récompensé mais jamais un tirage à des milliers d’exemplaires. Je me suis rêvé grand reporter de guerre, digne successeur de Joseph Kessel ou Jean Lacouture. Je n’ai même pas fait le salon littéraire de mon village. Mes histoires ne les passionnaient pas. Pourtant s’ils avaient su qui j’étais. Tout ce que je racontais, je l’avais vécu. Rien n’était inventé. Mais ils l’ignoraient.

Madeg, le ténébreux et sans conscience, cela a été longtemps mon surnom dans les rangs de la légion où j’avais fini par m’engager. Il fallait que je disparaisse, que je me fasse oublier de ceux qui étaient dévorés par la vengeance. Encore trop long à vous raconter. Plus que cinq minutes avant que je sois en position. Je me concentre, mes mains ne doivent pas trembler.

Je me remets dans la peau de celui que je suis depuis longtemps, trop longtemps, le soldat professionnel que je suis devenu. Mais de sniper, je suis devenu la cible d'un autre. Ma tête est mise à prix. Les minutes sont comptées

Plus que deux minutes avant mon dernier tir.
Ce sera lui ou moi.

Ce sera moi car il me reste tant à vous raconter.




mardi 14 juillet 2015

Eté 2015 - François Bon - 02 - La maison vide

Atelier d’écriture de l’été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique




Sur la route d’Angers… démolition … ne pas y assister… juste faire revivre la maison… la maison de l’enfance. La maison le jardinet le tas de charbon encore la maison le jardin de fleurs le bout de la maison le poulailler les toilettes dans le jardin le potager le cerisier. Revoir sentir ressentir revivre toutes ces années la maison joyeuse…..Sur la route d’Angers… démolition un jour pour toujours… refus de voir la pelleteuse… tout au bout il y a longtemps la dernière maison plus de maison après... juste la maison aux volets de bois… Les volets qui sont de quelle couleur déjà ? Pousser la porte à deux battants aux rideaux à carreaux rouge et blanc. Le grand buffet et le carillon. La table avec ses quatre chaises. La cuisinière à bois pour que chauffe la soupe et mijote la compote de pommes. Le grand évier blanc ébréché. La fenêtre ouverte sur la route d’Angers. Sur la route d’Angers… démolition il y a combien d’années déjà… mal au cœur… pousser la porte en bois qui grince… découvrir la grande table de la salle à manger… s’asseoir sur la chaise à barreaux où les jambes se balancent sans cesse… faire des mots croisés… inventer des définitions… sentir la bonne odeur de la tarte aux pommes… encore un grand buffet. Entendre le carillon Westminster… le quart la demie… la grande cheminée qui était toute noire. Sur la route d’Angers… démolition après la mort, les morts… les jambes qui tremblent… nouvelle porte… le lit contre le mur pour faire la sieste… pour jouer au loup… 1 2 3 loup y es-tu ? 4 5 6 rire jouer pleurer courir chanter 7 8 9 la vie quelle était belle… la buanderie les outils la grande bassine l’eau chaude le linge qui fumait la course autour du poêle. Sortir marcher regarder par la fenêtre le jardin les odeurs courir dans l’allée. Sur la route d’Angers… démolition dans la vraie vie… pas dans le souvenir.




dimanche 5 juillet 2015

Été 2015 - François Bon - 01 - Les peurs

Atelier d’écriture de l’été 2015
Proposé par François Bon

Vers le fantastique


Ne plus avoir peur que le 31 octobre 2006 n’ait jamais eu lieu. Avoir eu très peur quand toi le jeune adolescent, tu as failli m’étrangler quand mon cou se retrouva coincé entre le mur de la cave et la chaise longue. Parfois, j’ai encore du mal à respirer. C’était il y a plus de quarante-cinq ans. Avoir peur que le 31 octobre 2006 n’ait jamais existé. Avoir eu peur ce jour quand toi, mon compagnon numéro 6, tu as roulé trop vite sur la bretelle de sortie de l’autoroute. Un cri jaillit « Maman ! ». Et tu éclatas de rire. Rien ne fut plus comme avant. Tu me quittas définitivement trente-deux jours plus tard. Avoir peur de ne plus pouvoir célébrer avec toi le 31 octobre 2006. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où toi Ayrton Senna tu quittas la vie. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où des avions s’écrasèrent sur deux tours. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où toi, Papa tu choisis de devenir une étoile. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où toi, mon fils, tu choisis de ne pas venir au monde. Avoir eu peur de la mort, ce jour, où la porte de l’hôpital se referma derrière toi, qui seras mon dernier amour. Avoir toujours peur que tu ne remontes pas le chemin comme ce 31 octobre 2006.




100 graines d'idées #15

Sur une idée lancée le mardi 16 juin 2015 ici
ma participation à
« 100 graines d’idées »

DIMANCHE 5 JUILLET 2015 - 100 graines d'idées #15


Question du jour :

D'où viennent les nuages ?

Étude, Eugène Boudin.


Désolé, ce jour, le ciel est tout gris.

Où êtes-vous nuages ?
Un voile uni plombe le ciel.

Vous, le grand ciseleur des nuages
Impossible de vous voir à l’œuvre.
Est-ce que vous vous êtes endormi ?
N’avez-vous pas oublié d’affûter votre immense paire de ciseaux ?
N’avez-vous pas égaré votre pointe magique ?
Étonnez-moi de nouveau !
Né de votre imagination,
Tout un monde merveilleux peuple le ciel.

Les nuages aux formes improbables
Établissent leur quartier dans l’immensité,
S’épanouissent,

Nous régalent de leur beauté.
Uniques en leur genre,
À cœur joie, ils naviguent
Gesticulent
Embrasent parfois la voûte céleste
S’évanouissent pour mieux renaître …


Entrée en scène de
-        Gustave




samedi 4 juillet 2015

100 graines d'idées #14

Sur une idée lancée le mardi 16 juin 2015 ici
ma participation à
« 100 graines d’idées »

consigne du samedi 4 juillet 2015 - 100 graines d'idées #14


J'ai un crayon magique qui...

Oui ça compte aussi, ici.


J’ai au fond de ma poche percée un crayon magique.

Au doigt et à l’œil
Il m’obéit.

Un, dit de façon énergique, le fait se réveiller
Neuf, le fait se mettre en route

Ce crayon magique
Rouge pour son habit d’apparat
Aiguisé pour ne pas faillir à sa mission
Youtsant quand il se sent prêt à accomplir des prouesses
Objectant parfois quand mes mots ne lui conviennent pas
Niant les fautes d’orthographes faites – pas de sa faute – jamais de sa faute

Mon crayon magique
À la pointe de sa mine
Guerroie
Invective
Quelle barbe quand il se prend pour un quadrumane
Unique en son genre
Écrivaillon à ses heures perdues…

Qui croit écrire un chef d’œuvre
Une fois par jour
Impossible de le tenir en main : il est branché directement sur mes pensées
Quand il ne fait pas l’école buissonnière
se mettant en mode
Écriture automatique


Les personnages, par entrée en scène
-        Gustave