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dimanche 22 février 2015

Une photo, quelques mots (155), Dans la rue

 

Le principe de cet atelier ?

Chaque mardi Leiloona publie une photo qui servira de base pour les textes. Une semaine pour l’écrire : les textes sont publiés le lundi matin.
Ni genre, ni ton imposés. Seul le plaisir d’écrire. Encore et toujours.

Pour voir les liens de tous les textes, rendez-vous ici.

23 février 2015

Une photo, quelques mots (155)

Et voici la photo de cette semaine ! 

© Romaric Cazaux

Je m’appelle Emily.

Vous ne me connaissez pas encore mais les quatre hommes sous le grand arbre, eux, me connaissent. Pas réellement, mais quand même.

Ma maman leur a donné ma photo car elle ne me retrouve pas.
En rentrant de son travail, je n’étais pas à la maison.
Elle m’a appelée. Elle a crié mon nom des centaines de fois.
Elle m’a cherchée pendant deux heures, a téléphoné à mes copines, à mes copains.

Elle n’a pas appelé mon père, car je n’ai pas de père ou plus exactement, je n’ai plus de père, il a disparu il y a maintenant trente-deux mois. Il nous manque à toutes les deux. On n’arrive pas à s’y faire. 
Son rire nous manque, ses plaisanteries un peu lourdes aussi. Sa présence…

Comme je ne répondais pas à ma maman sur mon téléphone portable, elle a été au poste de police.

« Ne vous inquiétez pas, elle ne doit pas être très loin. À la nuit, elle va rentrer. Ne vous inquiétez pas, Madame ».

Mais ma maman s’inquiète. Elle s’alarme toujours et encore plus depuis que Papa est parti.

Eux, les quatre policiers, viennent de parcourir la grande cité où j’habite.

Eux non plus, ils ne m’ont pas retrouvée.
Ils n’y ont pas mis beaucoup d’énergie non plus.
Je le sais, je les ai vus faire. 
Leur porte à porte n'était ni fait ni à faire.

Ils auraient dû pousser dans la rue d’après, dans la rue où vit celui que j’aime.
Mais c’était trop loin peut-être pour eux.

Je voulais juste attendre que le soleil revienne pour sortir de ma cachette.



lundi 9 février 2015

Une photo, quleques mots (154), Ne pas faire dans la dentelle

 

Le principe de cet atelier ?

Chaque mardi Leiloona publie une photo qui servira de base pour les textes. Une semaine pour l’écrire : les textes sont publiés le lundi matin.
Ni genre, ni ton imposés. Seul le plaisir d’écrire. Encore et toujours.

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9 février 2015

Une photo, quelques mots (154)

Et voici la photo de cette semaine, elle est de Romaric Cazaux ! 

Ne pas faire dans la dentelle.
  
Je m’appelle Lace.

Un drôle de prénom me direz-vous. Mais très classe, moi je trouve. En plus, pas courant de ce côté de l’Atlantique.
Il est vrai que si mes parents m’avaient appelée Dentelle, cela aurait été dur à porter. L’officier d’état civil n’aurait pas accepté, Dentelle, inconnu dans sa liste des prénoms permis, fort heureusement.
Mes futures condisciples, même en maternelle, auraient pouffé de rire. J’aurais eu du mal à échapper, plus tard, au sobriquet de crêpe.
Heureusement, ils choisirent la traduction anglaise.
Moi, Lace… j’adore. Je me sens unique.

Dans la salle d‘attente de mon dentiste préféré, façon de parler, je feuilletais un magazine vieux de plus de trois ans.
Mon regard s’arrêta sur cette photo


© Romaric Cazaux

Je ne pus m’empêcher de dire à la jeune femme en tenue légère :
« Mademoiselle, il fait froid. Couvrez-vous… »
Cela me fit sourire de m’adresser à cette jeune femme quelque peu dénudée, placardée sur le côté de cette cabine téléphonique de Toronto.
Mais je ne pus me retenir ; elle me faisait trop froid. J’en tremblais pour elle et me mis à éternuer dix fois de suite, sans que rien ne l’ait laissé prévoir.

Cela eut le don de m’emporter ailleurs et tout d’un coup, j’entendis cet étrange monologue :
« Allô ! Allô !!! Je suis trempée !
L’homme au balai, rendez-vous à 19 heures, pour un petit verre. Cela nous réchauffera.
L’homme au parapluie, osez me regarder, je ne vais pas vous dévorer.
Trois flocons de neige, ils détournent leur regard.
Attention, le poteau !!! L’homme au téléphone vous allez éclater votre arcade. Du sang sur la neige, cela fait désordre. »

Mais tout cela fut interrompu, trop rapidement, par un tonitruant
« Mademoiselle Lace Martin, c’est à nous »
Les hostilités étaient déclarées.




lundi 19 janvier 2015

Une photo, quelques mots (151), Nando

19 janvier 2015

Et voici la photo de cette semaine ! 



 19 janvier 2015, hommage à Nando


« Moi, c’est Nando. Mon plaisir me promener dans la ville dès le début de la matinée. Les magasins ne sont pas encore ouverts. Je flâne, je regarde à gauche, à droite et là… mais parfois, ils ne savent pas quoi inventer.
Une boutique attire mon attention. J’en traverse la rue. Sur la devanture, ce mot étrange en belles lettres cursives qui ravivent mes souvenirs.
Cela me rappelle un vrai semainier, celui qui trônait dans la salle à manger de ma grand-mère, un meuble de famille. D’ailleurs où est-il maintenant ? Sept grands tiroirs où, avec mes cousins et cousines, nous trouvions toujours plein de menus trésors. Un tiroir pour la réserve de bonbons de toutes les couleurs… un autre pour les tubes de peinture et les crayons de toutes sortes… un autre aussi pour… et un autre… et aussi, le dernier tout en bas, accessible par tout le monde, pour les petites culottes. Tant d’enfants de tout âge s’agitaient dans la grande bâtisse. Il pouvait arriver un accident de parcours ou de fous rires. Les petites culottes, toutes de la marque Petit Bateau.
Cinquante ans en arrière, je viens de replonger. Cela me fait doucement sourire.
Surprenant mais original cette devanture, pour preuve, cela fait une bonne demi-heure que je suis plantée devant.
Oui, c’est moi Nando, vous ne m’aviez pas reconnue. C’est vrai que je suis un peu plus voûtée que la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. Je vous assure, je n’ai pas changée.
Des étiquettes avec des prénoms, oui cela ne peut être que des prénoms aussi bizarres ou désuets les uns que les autres. Tiens, Marguerite comme ma petite sœur, celui est acceptable… je respecte la famille… Isabeau… inconnue au bataillon, là Éric, un autre Méphisto.
Et celui imprononçable, Chrysostome…
Mais ce ne sont pas des prénoms. Je divague.
Ce sont le nom des modèles.
Je me vois mal entrer dans la boutique et dire : une petite culotte Alice taille 4 ans, bleu clair s’il vous plaît. Ajoutez une grenouillère assortie.
Et une barboteuse. Comment cela vous n’avez pas de barboteuse pour ma première arrière-petite-fille Charlottine.
Charlottine, cela vous plaît. Vous pourrez l’utiliser pour votre prochaine création, je vous en donne la permission… »
Pourquoi a-t-elle parlé de Charlottine ?
Il n’y a jamais eu de Charlottine dans sa vie… il n’y a pas eu d’arrière-petite-fille, parce qu’il n’y a pas eu de petite-fille, parce qu’il n’y a pas eu de fille dans sa vie.
Dans la vie de Nando, il n’y a eu plus personne depuis le jour où son grand amour de jeunesse a été emporté un jour de grosse tempête sur son petit bateau.
Nando ne s’en est jamais remise et quand elle voit écrit « Petit bateau », elle est obligée de traverser la rue.
Attention, Nando en traversant !

                                                                    


lundi 30 avril 2012

Une photo, quelques mots (37), Le piano


Sur proposition de Leiloona

 

 

17 avril 2012







Dimanche fin d’après-midi, visite surprise de Camille et de son Jérôme, toujours plus amoureux. Cela me rend nostalgique et me renvoie des années en arrière quand mon Grégoire venait me chercher. C’était il y a si longtemps.
Aujourd’hui, Jérôme vient me faire voir son dernier reportage photographique. Son sujet, toujours le même, Romuald, le frère de Camille.
-       Romuald, je ne le reconnais pas. C’est flou et est-ce bien lui, cet homme derrière le piano ?
-       Mais oui, je vous assure. Cette photo, je l’ai faite, hier soir, lors de la fête de la musique, le jour de l’été.
Il était si absorbé par sa musique qu’il ne m’a même pas vu. Il semblait dans un autre monde, tout à fait étranger au monde autour de lui.
J’étais fasciné par la petite fille près de lui. Elle semblait transformée en statue : en pleine admiration devant Romuald dont les doigts semblaient voler sur les touches.
Il jouait, jouait sans arrêt le même morceau, le Boléro de Ravel. Obsédant !



lundi 16 avril 2012

Une photo, quelques mots (36), La maison de Jacob


 

Sur proposition de Leiloona

Pour voir tous les textes, c’est ici

 

10 avril 2012

Une photo, quelques mots (36)


 Cette photo a été prise le 26 décembre 2011 en Haute-Garonne, Midi-Pyrénées, France

La maison de Jacob.

Le temps est tellement triste que je ne sors plus depuis presque deux semaines. Presque un temps de Toussaint en ce début avril.
Un brin de solitude ne fait pas de mal non plus. Il faut bien que ma fidèle Alice prenne quelques congés et aille se ressourcer en compagnie de son Richard en marchant. Quelle idée ! Ils sont peut-être partis vers cette maison dont je viens de retrouver la photo.
Drôle de lumière qui chevauche vers l’infini au-dessus de ce toit qui vient me chatouiller la mémoire. Pourquoi Grégoire a-t-il été la cacher dans le tome 1 du livre de Dina.
Difficile de remettre mes pensées dans les siennes. Pourtant, il ne faisait rien sans raison. Cette maison, je ne sais plus où elle est. Y suis-je même aller ?
Pourquoi ma mémoire me joue-t-elle des tours de plus en plus pendables ?
Qui l’a bâti ? Et toujours ce lancinant où qui me vrille les tympans. Impossible de me souvenir. Pourtant, je suis persuadée d’y avoir séjourné.
Mais tout cela me désole.
Pourtant, elle est présente en moi.
Grégoire a toujours été un rêveur et je me doute que c’est une des maisons qu’il a remise en état. Mais pour nous, pour un de ses clients ou est-ce une maison qu’il aurait aimé investir, remodeler, révéler à elle-même ?
Les souvenirs se mêlent dans ma pauvre tête.
Derrière, il est écrit « Jacob ». Mais pas de date, pas de lieu.
Pourquoi Grégoire étais-tu si secret ?
Qui était ce Jacob, le propriétaire de cette maison, son futur acquéreur ou le nom d’un de tes clients ?
Nom ou prénom, quel Jacob a mérité de voir son nom figurer derrière cette photo ?
Je me suis assoupie. La photo a glissé à terre.
Je la ramasse.
Et là tout me revient.
C’était en fin de l’année 1960. Nous étions partis tous les deux sillonner les routes des Pyrénées dans notre Dauphine rutilante. Tu venais juste de te remettre d’une mauvaise pneumonie. Tu commençais à être reconnu comme architecte. Tu redonnais âme aux vieilles demeures. Tu en avais fait ta spécialité.
Au détour d’un chemin, nous étions tombés en arrêt devant cette demeure majestueuse. Tu avais sorti ton appareil photo. Tu l’avais mitraillée. Tu étais parti dans un grand discours, luiimaginant une nouvelle jeunesse, une nouvelle vie.
Tu rêvais à haute voix quand un homme était venu vers vous.
Je m’appelle Jacob, c’est la maison de ma grand-mère. Vous voulez la visiter ?