vendredi 27 mai 2011

Désir d'histoires (5), Moi, Olivier


Recherche perle rare, très rare.

Je me présente, Olivier.
32 ans, yeux bleus, blond.
Presque 2 mètres, sportif.
Responsable d’une agence de voyages dans une ville de moyenne importance.

Je recherche l’âme sœur.

Je vous propose pour notre première rencontre, un voyage que vous choisirez dans un des catalogues mis en tête de gondole. Un week-end, mieux que cela, un viaduc à la prochaine Ascension.
Pas besoin d’un abonnement à un club quelconque pour cela, je me fais fort de nous organiser ce voyage en trois heures chrono.
Pas d’euphémisme à utiliser dans ce cas. Tout ce que je vous dis est vrai et je le réaliserais pour vos yeux, que je ne peux qu’imaginer, irrésistibles.

Quelle profession exerceriez-vous ? J’en suis sûr… une sortante de l’ordinaire… une où vous seriez, en uniforme, dirigeant sans faiblesse ces hommes qui protègent biens, vivants et environnement. Vous seriez… pourquoi pas… capitaine des pompiers.
Sérieuse et même plus dans votre travail mais dans l’intimité, un brin friponne.
J’imagine votre joie de vivre débordante.
Je ne souhaite aucun changement dans votre vie ; vous y êtes si épanouie.
Et surtout, j’espère que vous ne fumez pas… car je tousse et éternue dès que je sens une cigarette à moins de deux mètres de moi. Mais vous ne fumez pas, j’en suis certain.
Vous aimez trop la vie.
Et pas du genre à prétexter une migraine pour un oui ou un non.
Une dernière question : aimez-vous les whoopies ? J’en raffole et grâce à mes livres de recettes, je vous en ferai déguster des fameux… mon préféré, celui à la vanille et à la cerise… si vous êtes gourmande, vous ne résisterez pas… 




dimanche 22 mai 2011

L'atelier du dimanche (4), L'énigme des perroquets, sans regret


L’atelier du dimanche, l’atelier d’écriture de Skriban


Une nouvelle aventure


Sans regret…


Kelly-Anne lui avait encore fait des reproches, ce matin quand elle lui avait demandé de se dépêcher. En effet, elle voulait prendre la route rapidement, rêvant d‘aller errer dans ce petit village dont ses inséparables copines lui avaient vanté les petites boutiques, toutes plus charmantes les unes que les autres.
Il paraît qu’il y avait des découvertes à faire et qu’ils iraient de surprise en surprise.
Elle voulait s’en mettre plein les yeux.
-       Quentin, hier, tu étais d’accord pour que nous partions de bonne heure. Qu’est-ce que tu peux être lunatique ! aller, active-toi ! que nous en profitions. J’ai réparé le pique-nique et déjà tout mis dans la voiture.
-       Hier, c’était hier. Me faire lever si tôt un dimanche matin pour aller traîner dans des ruelles mal pavées, rentrer dans des magasins sans aucun intérêt alors que j’aurais pu…

Il préféra capituler et ne poursuivit pas sa phrase. Il ne souhaitait pas voir sa mine boudeuse et supporter sa mauvaise humeur toute la journée.

Il reconnut intérieurement qu’elle avait toujours de bonnes idées, mais il se serait bien gardé de lui dire. Cela faisait partie de leurs jeux amoureux.

Ils prirent la route. Une heure après, il dut reconnaître que le spectacle en valait le coup. Comment avaient-ils pu passer à côté d’un tel lieu lors de leurs promenades dans l’arrière-pays. Pourtant ils sillonnaient depuis maintenant plus de trois ans les alentours. Les amies de sa Clémence n’avaient pas menti. Pour une fois, elles avaient été de bon conseil.
Heureusement qu’il n’avait pas oublié son appareil photo, au moins cela l’occuperait pendant qu’elle courrait d’échoppe en échoppe.
On se serait cru dans un village de poupées ou dans un paysage de carte postale.
Le soleil était de la partie. Dès ces premiers jours de printemps, un parterre d’au moins mille anémones accueillait les visiteurs. Des anémones de toutes les couleurs. Un vrai régal pour les yeux.

Il ne devait pas la lâcher des yeux, car, comme d’habitude, elle volait d’un lieu à un autre. Elle semblait sans arrêt danser, virevolter. Les nombreuses années de danse classique qu’elle avait faites lui avaient donné une grâce sans pareil. Il la vit comme transformée en statue devant la devanture d’un magasin s’appelant « L’Étoile de mer ».
Que venait-elle de découvrir qui la laisse sans voix, comme pétrifiée.
Étoile, mer, dans quel songe était-elle encore perdue ? Pas devant l’étal d‘un poissonnier, elle n’aimait pas manger de poisson.
Alors devant quelle vitrine était-elle arrêtée ?
Elle, si iconoclaste, ne pouvait s’être arrêtée devant un magasin de bondieuseries. Le nom écrit en grandes lettres bleues n’aurait pas correspondu d’ailleurs au contenant.
Il s‘approcha et resta comme elle, admiratif devant cet étalage de tissus bayadères. Jamais, il n’avait vu un tel échantillon de couleurs. Tout semblait digne de la caverne d’Ali-Baba. Il lui prit la main et ils pénétrèrent dans ce drôle de magasin.
La découverte de tout un univers coloré et d’objets disparates s’offrit à leurs yeux, qui durent s’habituer à cette semi-obscurité. Il ne semblait y avoir personne dans ce lieu dédié aux rayures.
Elle ne savait plus où donner de la tête.
Ses yeux allaient des couvertures, où elle s’imaginait s’enrouler les soirs d‘hiver devant la cheminée aux couvertures des cahiers et divers autres calepins. Il y en avait de toutes les tailles. Du plus petit, qu’elle pourrait sans peine glisser dans son sac pour noter ses pensées au fil de l’eau au plus grand, où elle se voyait déjà coller les nombreuses photos ou récoltes de leurs promenades.
Elle regrettait de ne pas avoir pris son immense cabas pour rapporter sa future récolte.
Mais elle devait être raisonnable et ne pas se laisser emporter par toutes ses envies.
Il la regardait en souriant et en définitive, pas mécontent d’être là. Ils échangèrent un sourire complice.
Elle continua de l’observer du coin de l’œil et le surprit en train de toucher, presque caresser de grands coupons aux camaïeux de bleus, qu’elle verrait bien transformés en rideau dans son bureau. 
Il prit son air primesautier et lui mit dans les bras cinq pièces de tissu.
-       Tiens, pour faire coussins, rideaux, et tout ce que tu imagineras pour mon bureau.
Ils s’étaient compris sans même se parler.
-       Aller, laisse-toi aller. Prends des cahiers, des pochettes, des classeurs. Faisons-nous plaisir. On mangera des pâtes le reste du mois.
Heureusement qu’elle aimait les pâtes et il ne restait plus que neuf jours pour être le 1er juin.


PS : texte écrit sur la proposition de Gwenaëlle,
le 22 mai 2011 – seule modification, désormais Elle s’appelle Kelly-Anne et Lui, Quentin.

N.B.
L’énigme des perroquets – Quentin Kelly-Anne
Photo crédit ©Ernesto Timor



jeudi 19 mai 2011

Désir d'histoires (4), Noémie, chapitre 3





Épisodes précédents de l’histoire de Noémie :
Chapitre 1
110505_Édition 29
Chapitre 2
110512_Edition 30

Alan

Il s’appelait Alan, mais elle l’appelait Trésor. Jamais en public, il n’aurait pas supporté. Juste dans les moments intimes, juste quand elle lui écrivait, juste quand elle lui parlait dans sa tête. Juste quand elle voulait qu’il sache l’importance qu’il avait pour elle, ce gentilhomme d‘un autre siècle qui un certain 32 octobre était entré dans sa vie.
Mais aujourd’hui, elle pleurait. Elle pleurait, car il avait oublié de lui donner des nouvelles. Elle pleurait, car il avait tant changé ces derniers mois. Trop changé. Elle ne savait pas pourquoi. Elle essayait de se souvenir, ce qui avait pu provoquer ce revirement. Elle n’avait pas changé, mais lui tant.
Elle essayait de se remémorer ce qui pouvait avoir provoqué un tel revirement. Cela pouvait dater du jour où ils avaient dîné dans le meilleur restaurant de la ville de leur dernière escapade et surtout ce qui aurait dû être le début d’un week-end de rêve.
Le restaurant avait un nom qui l’avait fait sourire quand elle avait réservé : « Chez l’Archiduc Gilbert ».
Lors du repas, un chaton était apparu dans la salle à manger du restaurant. Cela l’avait amusée, lui beaucoup moins. Elle s’était moquée de cette réaction. Mais il n’en démordait pas. Dans un restaurant de prestige, d’après les guides lus, cela le mécontentait au plus haut point.
Et, cerise sur le gâteau, un coup de tonnerre assourdissant, suivi d’éclairs et d’un gros orage, éclata. Il eut pour effet d’éteindre toutes les lumières du lieu. Quand tout va mal, tout va mal. Malgré l’empressement des serveurs à apporter des bougies, il ne décolérait pas. Elle s’amusa de cet incident. Lui non. Il y a des jours comme cela.
Nénuphar, le chaton, pris de panique avait sauté sur les genoux d’Alan. C’étaient les plus proches.
Elle crut qu’il avait vu un fantôme, tellement son visage se décomposait de seconde en seconde. Elle ne comprenait pas cette panique qui semblait le prendre à la gorge. Il respirait difficilement. Soudain elle comprit. Il était allergique au fameux chaton.
Elle lui emprunta le chaton et le cajola. Le pauvre tremblait. Il avait compris qu’il s’était trompé en choisissant les genoux de son compagnon. La soirée se termina, mais lui laissa un arrière-goût.
Le lendemain matin, ils furent réveillés de bonne heure. Une brocante était installée presque sous leur fenêtre. La nouvelle journée qui commençait mal.
Des marchands dont les muscles des bras ressortaient mettaient en place de grands bahuts et tables. Ils ne faisaient pas preuve de beaucoup de discrétion, malgré l’heure matinale.
Ce samedi matin, qui aurait dû être jour de fête, vit la libido d’Alan en berne.
La panne
Tout d’un coup, elle ne s’était plus sentie désirable

Elle repensait à tout cela.
Pourquoi tout d’un coup, plus de nouvelles. Lui si jaloux, qui ne supportait pas d’ignorer ce qu’elle faisait, qui elle voyait…
Elle ne comprenait toujours pas.
Il était l’horloger de ses journées. Elle réglait son temps sur le sien, ne voulant et ne pouvant prendre le risque de manquer un seul instant de sa présence.




jeudi 12 mai 2011

Désir d'histoires (3), Noémie, chapitre 2



Épisode précédent de l’histoire de Noémie :
Chapitre 1

Systématique

Toc ! toc ! moi, Noémie, je sursaute… la tourterelle frappe à la porte-fenêtre. Quelle idée : que veut-elle ! il n’y a plus de pain dans la corbeille garde-manger des oiseaux… le coq l’a poursuivi ou le chat ?  Toc ! toc ! elle insiste ! je sors… elle s’envole… trois fois, elle refera le manège. Mais je n’ai rien compris ! Je ne parle pas tourterelle !
Mais que vois-je ? Elle s’est posée sur l’armure qui sert de topiaire au lierre dans le jardin. Eurêka ! aurait-elle fait son nid dedans ? Je m’approche tout doucement et y découvre un nid où elle trône. Voilà ce qu’elle voulait me faire savoir et voir.
Aucune aspérité pour empêcher une chute malencontreuse du nid au changement de tour de garde.
De nombreux fils bleus dépassent du nid. D’où viennent-ils ?

Je ne vais arriver à rien faire aujourd’hui.
C’est le jour des oiseaux. Les hirondelles viennent d’arriver et visitent leur dernier appartement. L’état des lieux est-il convenable ? Cela semblerait. Leurs talents de bâtisseur me sont révélés.
Elles vont et viennent et ne se montrant pas suffisantes. Aucune prétention dans leur vol majestueux.
Le ciel s’est paré de nuages de toutes les formes ce matin. Le grand sculpteur s’est régalé et n’a pas hésité à nous créer une énorme volière.
Mince !
Avec tout cela, je n’ai pas mangé ma poignée de canneberges comme tous les matins. Une très bonne habitude à laquelle je ne dois pas déroger si je ne veux pas aller faire un trajet express vers les urgences les plus proches.
Ce ne serait pas ma fête, donc évitons cela et soyons raisonnables.
L’assurance de ma meilleure forme est à ce prix.
Voir la couleur écarlate des fruits chaque matin me donne comme un coup de fouet et me met de bonne humeur. À cela, ajouter un œuf à la coque et un yaourt aux cerises et me voilà paré pour commencer la journée tout à fait d’attaque.
Ajouter à cela, en fond sonore, un disque de Sidney Bechet et sa célèbre clarinette

Maintenant, au travail !

Toujours le même cérémonial. Préparer le plateau décoré par d’énormes marguerites blanches et jaunes avant de descendre au jardin écrire mes mots matinaux. La bouteille de jus d’orange, le grand verre où des vaches rêvent à des moutons, ma boîte de stylos, une dizaine de feuilles de papier de toutes les couleurs pour écrire, dessiner, plutôt gribouiller. Paré pour écrire.
Et toujours la même petite voix : « aujourd’hui votre mission sera d’écrire sur…. Ouverture au hasard du dictionnaire… et le doigt pointe sur le mot… astéroïde… »

Et je vais reprendre l’écriture de ce livre, auquel je m’attelle depuis maintenant déjà trente-deux mois, chaque mardi, dont le titre est « SYSTÉMATIQUE ».




mercredi 11 mai 2011

Désir d'histoires (2), Noémie, chapitre 1




Noémie.

Jeudi, 17.44… un grand vacarme dans le ciel encore bleu de cette fin de journée ensoleillée. Le vrombissement d’un hélicoptère. Cela se produit de plus en plus souvent depuis maintenant une bonne semaine. Parfois même la nuit.
Elle angoisse. Elle n’aime pas ce bruit.

À la recherche d’un voleur, d’une disparue, d’un meurtrier, d’un homme en cavale. Que de questions et surtout aucune réponse. Le plus souvent, l’hélicoptère est blanc et vole à basse altitude. Il lui qu’elle pourrait presque le toucher.
Trois fois aujourd’hui, l’hélicoptère a traversé le ciel. Les mailles du filet se resserreraient-elles autour d’un individu ? Rien ne filtre dans la presse. Le bruit est assourdissant.
Elle angoisse. Elle n’aime pas ce bruit.

Allez protester, mais où, elle ne savait. En savoir plus… elle aimerait. Elle souffre de voir ses temps de repos dans ce lieu sublime gâchés par ce bruit. Elle se sent poursuivie. Elle n’arrive plus à se reposer. Elle écoute le moindre bruit, tend l’oreille et sursaute quand le bruit de l’hélicoptère déchire le ciel.
Elle qui a toujours été admiratrice des grands pilotes qu’ont été Mermoz ou Saint-Exupéry n’éprouve aucune sympathie pour ces trublions, ces empêcheurs de calme.
Elle en deviendrait violente et souhaiterait que le pilote aille rapidement manger les pissenlits par la racine, elle l’apôtre de la non-violence. Mais sa patience a des limites. Elle s’imagine tout d’un coup en vengeresse, en une héroïne de science-fiction que rien n’arrêterait.
Son angoisse monte. Elle déteste ce bruit.

Sa chevelure, ordinairement disciplinée est tout ébouriffée. Elle ne cesse de se passer la main dans les cheveux, d’enrouler ses boucles autour de ses doigts. Sa manière à elle d’essayer de vaincre son stress et sa peur.

Elle se demande si elle ne va pas aller voir son voisin le plus proche, un Québécois exilé en cette terre de Provence. Elle croit se souvenir qu’il a ses entrées auprès du commandant de la gendarmerie.
Ce bruit fait par l’hélicoptère va l’obliger à surmonter sa timidité. Ce voisin, elle ne l’a vu qu’une fois, quand il est venu se présenter comme le nouveau propriétaire de la maison voisine de la sienne. Voisine, façon de parler.

C’est vrai qu’elle avait choisi cette demeure pour ne pas être dérangée. Elle souhaitait pouvoir être isolée pour essayer de mener à bien ses nombreux projets d’écriture.
Elle cherche une excuse pour aller déranger ce voisin. Elle trouve. Lui apporter les premières fraises du jardin. Il ne pourra refuser de les partager avec elle et d’en manger quelques-unes.
Elle va chercher son chapeau de paille et se prépare à parcourir le chemin qui mène à la demeure de son voisin. Pas besoin de dromadaire pour parcourir les quelques hectomètres les séparant.

Elle oublie son angoisse. Elle est toute à sa joie de sa trouvaille et de son initiative. Il est vrai, que le beau Québécois lui a tapé dans l’œil quand il est venu se présenter, il y a maintenant presque trois mois. Une visite de courtoisie ne peut être malvenue.

Elle espère ne pas rester sur sa faim de découverte.

Son imagination a toujours été très féconde. D’ailleurs, l’hélicoptère, elle l’a glissé dans son dernier texte. Elle a osé construire une histoire autour de son mystérieux voisin qu'un individu viendrait rencontrer nuitamment.
Elle a même osé déjouer une tentative d’attentat qui aurait pu provoquer une explosion soudaine de sa maison.
Elle délire sur le papier, mais ce bruit l’obsède.
Son écriture en a été modifiée.

D’ordinaire, elle écrit et illustre des histoires mettant en scène un personnage ressemblant fort à un lapin, répondant au doux nom de Trèfle. Elle devrait être en train d’écrire sa 32ème aventure, mais à cause d’un hélicoptère, tout son travail est remis en question.

Elle n’arrivera pas à rendre à temps ce nouvel album.




dimanche 8 mai 2011

L'atelier du dimanche (3), L'énigme des perroquets, résonances




L’atelier du dimanche, l’atelier d’écriture de Skriban


Une nouvelle aventure,


Il y avait dans son regard un mélange de tendresse et de douleur, une lumière propre à ceux qui vivent la vie avec infiniment plus d’acuité que les autres.

Et soudain, je me suis rappelé notre première rencontre et la lumière que j’avais vue dans ses yeux verts.

Tout à fait par hasard, nous nous étions croisés dans ce village qui pour nous était, le village de l’exil, loin, trop loin de notre région natale. Il m’avait bousculé, tout à fait involontairement, sur le marché ce fameux mardi 32 octobre. Les allées n’étaient pas très larges sur ce marché provençal où je n’allais disons que trois ou quatre fois dans l’année.

Ce jour-là, ma vie a changé.

Mon panier a répandu son contenu par terre. Je riais jaune, mais, en voyant sa tête, je me suis mise à rire franchement. Il m’a aidée à ramasser mes pommes de terre égaillées ainsi que mes pommes en l’air.



Sa réflexion m’a clouée :
-       Des reinettes de chez moi
-       De chez moi aussi.



Et la conversation s’est terminée autour d’un café pour lui, d’un chocolat pour moi, sur la place du marché.
C’était il y a maintenant presque cinq ans.

Et aujourd’hui, il a monté le chemin. Il avait eu soudain envie de temps pour nous, comme il dit. Trop peu souvent à mon goût.

J’ai posé deux assiettes sur la table.


J’ai posé deux assiettes sur la table.

Les deux survivantes du service de table du dimanche de grand-mère que j’ai reçu en héritage. J’y tiens comme à la prunelle de mes yeux. Juste deux survivantes des cinq qui restaient quand le partage a été fait.

Elles ont presque cent ans. Elles en auraient des choses à raconter.

Grand-mère m’avait dit qu’elle les avait reçues en cadeau de mariage de son frère, son cher grand frère Paul.

Ce frère si mystérieux qui hante, trop souvent à mon gré mes moments d’écriture. Je voudrais tant écrire sur lui. Je garde précieusement les lettres que ce grand-oncle Paul lui a écrites pendant la Grande Guerre. Je n’ai toujours pas pu les lire. Elles sont dans la boîte aux secrets.


-       Tiens, pourquoi ressors-tu ces assiettes-là aujourd’hui ?
-       Ce sont celles de grand-mère. Et je suis sûre qu’elles sont liées de près à l’oncle Paul. Je crois me souvenir que j’ai une photo de lui en militaire



Il a hésité un moment et il a dit, J’aimerais juste retrouver cette photo.


Il a hésité un moment et il a dit, J’aimerais juste retrouver cette photo.

-       De quelle photo parles-tu ?
-       De celle des sucettes en gare de Saint-Étienne
-       Je ne vois pas le rapport entre les assiettes et les sucettes
-       Si… rappelle-toi

Et me revoilà, rembobinant le temps, revivant une de nos escapades.
Saint-Étienne, l’hôtel en face de la gare, le repas.
Tes yeux qui brillaient, tes fossettes, la fossette au creux de tes reins.
Nos éclats de fous rires.
Le temps qui passait trop vite.
L’insouciance des moments hors du temps.
C’était quand déjà…
Presque deux ans… notre deuxième escapade…

Je n’arrivais pas à détacher mes yeux des siens.
Je m’y noyais.
Je m’y raccroche encore aujourd’hui.

-       Je ne sais pas…

Si tu dis que tu ne sais pas, c’est que tu acceptes. 





PS : texte écrit sur la proposition de Gwenaëlle, le 8 mai 2011 – seule modification, désormais Elle s’appelle Kelly-Anne et Lui, Quentin

N.B.
L’énigme des perroquets – Quentin Kelly-Anne
Photo crédit ©Ernesto Timor