vendredi 2 septembre 2011

Désir d'histoires (6), Une orchidée noire pour un poisson rouge



Des mots, une histoire 37

  


Découvrez les textes proposés ici,
Après avoir lu le mien. C’est évident, mon cher… lecteur !

Merci à Olivia pour ce temps d‘écriture, un peu difficile, mais j’y suis arrivée, tout du moins j’espère.


1er septembre 2012,
Aujourd’hui, grand jour, au théâtre des Écrins, installé sur la place principale de mon village, création de ma dernière pièce. Soyons plus précis, de ma première et unique pièce. Elle est tirée du livre dont j’ai eu beaucoup de mal à accoucher.

Pour trouver son titre, que de tergiversations. Je ne pouvais plagier un titre déjà existant, mais qui me poursuivait, « L’orchidée noire ». Mais titre déjà pris par le film de Martin Ritt. Rappelez-vous, Sophia Loren et Anthony Quinn. J’aurais pu nommer mon opus, « La tulipe noire », mais là un film de cape et d’épée, aucun rapport avec l’histoire qui germait en mon esprit.
Eurêka ! en écoutant une chronique sur ma radio préférée, le « Cartier libre de Caroline Cartier[1] », j’ai eu le déclic. Un titre s’imposa : « Une orchidée noire pour un poisson rouge ».

Plus de doutes, d’hésitations. Le déclic, la révélation quand j’eus le titre de mon roman. Le sujet, je l’avais déjà. Tout tournerait autour de Milan, l’enfant bleu.

Je n’avais plus qu’un combat à mener, mais le plus dur, contre moi-même. Je devais me discipliner et me préparer comme pour une rentrée, comme je l’aurais fait si j’avais encore l’âge de Milan.
Mais pas besoin de cartable. Juste ce que j’y aurais mis : un stock de carnets bleus pour noter mes idées et réflexions, des crayons de papier, des HB uniquement, un taille-crayon, une gomme, que je glissais dans la sacoche de mon fidèle compagnon, mon ordinateur. Sans lui, je suis complètement perdu.

Je me sentais même lyrique par instant, me prenant pour Léon Daudet, le paraphrasant dans mon texte que je commençais par : « Le mistral bouffait sur la mer verte du champ qui s’étendait à perte de vue devant l’enfant. »
Il est vrai que le climat du lieu où se déroulait mon récit n’avait rien de tropical. Il était juste provençal. Heureusement pour Milan.

J’avais eu beaucoup de mal à commencer mon texte.
Le début était comme une contemplation du paysage.
J’aimais faire des descriptions, le résultat de ma passion pour les textes de Marcel Proust.
La description du clocher de Combray a toujours été pour moi un morceau d‘anthologie parmi les écrits de Marcel Proust.

J’avais commencé mon texte le 32 octobre 2010 ; mais, il n’était pas question que j’hiberne.

Tout devait être dans la boîte courrielle de mon éditeur dans les six mois, condition qu’il m’avait imposée pour me verser un avaloir. Pas mirobolant, mais suffisant pour changer mon réfrigérateur qui venait d’un temps assez ancien.
Je devais apprivoiser les mots et aussi Milan. Il m’habitait depuis si longtemps. Je devais m’appliquer pour coucher sur papier, sa vie.

Une ritournelle m’obsédait.
Celle que je voulais mettre en tête de chacun de mes chapitres.
« Je m’appelais Milan, je m’appelle Alexis. J’ai sept ans. »

Mais ne risquerais-je pas l’asphyxie à répéter sans cesse cette phrase. Trois bouts de phrases combinées à l’envie.

Je campais mon personnage principal, Milan-Alexis. Je me l'appropriais.  Je ne voulais pas qu’il sombre dans la folie. Il aurait pu. Si jeune et tant de tourments et d’atrocités déjà vues.
Mon texte devait rester sobre. Rien d’ostentatoire.

Je me fixais des règles. Mes cinq pages par jour si possible, en tout cas au moins 32 pages dans ma semaine. Un nombre à respecter à tout prix pour être dans les temps.
Si l’inspiration avait du mal à être au rendez-vous de la page blanche, un déclencheur d’écriture volé chez les OuLiPiens me sauverait.

Mais à éviter par exemple ces mots que mon doigt avait pointés, par hasard dans le dictionnaire : Azulejo et chromosome. Heureusement, je m’étais octroyé deux jokers par semaine.
Cette semaine-là, dès le matin, ils furent dévorés.
Je me demandais quel subterfuge j’allais imaginer si un autre mot allait venir me perturber.

Aucun problème, le mot ardoise pointa son bout de nez.
Une scène, la première rentrée à l’école de Milan-Alexis vient me sauver d’un mauvais pas qui n’aurait ainsi pas lieu d’être.
Ma semaine d’écriture était lancée.

Je pouvais faire sauter le bouchon de ma bouteille de jus d’orange. Pardon, dévisser ce qui sert à boucher le récipient à goulot étroit destiné à contenir la partie liquide des fruits de l’oranger obtenue par pression.

J’ai oublié de me présenter : je suis A. et ai décidé d’écrire l’histoire de Milan-Alexis, l’orphelin de Sarajevo que nous avons adopté Clémence et moi. C’est aussi notre histoire à tous les deux et à quelques autres.





C’est aussi un hommage
au grand Henry Bauchau
et à son livre « L’enfant bleu ».





Liste des mots
imposés pour l’édition 37 de « Des mots, une histoire » sont : création – orchidée – révélation – combat – cartable – bouffer – tropical – contemplation – passion – hiberner – boîte – ancien – apprivoiser – ritournelle – asphyxie – folie – ostentatoire – azulejo – chromosome – imaginer – ardoise – bouchon

[1] l'émission du jeudi 1 septembre 2011 - La dépression des poissons rouges
disponible jusqu’au 27/05/2014 06h24
Le député UMP du Territoire de Belfort, Michel Zumkeller, a adressé une question écrite au Ministre de l'Agriculture pour faire interdire les aquariums trop exigus, notamment des aquariums boules. Car selon lui, cela nuit au bien-être des poissons rouges. Écoutons l’avis du Docteur Coste, président de l'Aspiraux, l’Association de Sauvegarde des Poissons Rouges.

13 commentaires:

Jean-Charles a dit…

Un bel usage des mots. Les Oulipiens existent toujours à la BNF et se réunissent un jeudi soir par mois pour lire, en public, des textes de leur création. Il paraît que c'est cocasse

32 Octobre a dit…

oui... c'est retransmis sur le site...en collaboration avec Arte... vous qui êtes parisien... plus le dimanche sur France Culture, Les papous dans la tête...

luzycalor a dit…

Difficile, c'est rien de le dire. Pari réussi :)

Olivia a dit…

J'aime beaucoup le titre de ce roman, vraiment, et cette phrase aussi, d'ailleurs : "Le début était comme une contemplation du paysage."
Bravo !

Asphodèle a dit…

Je trouve (aussi) que malgré la difficulté initiale, tu t'en sors très bien ! Encore de nouveaux personnages dans le paysage "octobrien"... Nous n'avons que 31 jours mais soyons fous... J'aime beaucoup (et le titre me plaît tout particulièrement).

claudialucia ma librairie a dit…

Tu as réussi à intégrer les mots tout en donnant un aperçu de tes talents et de tes goût littéraires.(Proust, Oulipo).Bravo! Donne-moi quelques clefs, cependant : pourquoi 32 Octobre? D'autre part tu admires Léon ou Alphonse Daudet? Pas tout à fait la même chose!

Eiluned a dit…

Jolie cette confession, ce dialogue de l'écrivain qui lutte pour accoucher de son œuvre...

32 Octobre a dit…

Merci de vos petits mots déposés.

@ Asphodèle, nouveaux personnages ici mais qui me suivent ou me poursuivent depuis plus de 5 ans et que je réveille de temps en temps... maintenant il doit y avoir plus de 32 pages, si ce n'est près de 320 pages...

@ Claudialucia, je préfère Alphonse Daudet mais pour jouer avec le mot bouffer c'était Léon qu'il fallait voir le site http://www.cnrtl.fr/lexicographie/bouffer
site que j'utilise beaucoup quand j'écris, une vraie mine... je crois qu'il est très prisé de Jean-Charles aussi

@ Eiluned, oui dur dur d'écrire... comme dit plus haut... ce pourrait être le premier chapitre d'une histoire écrite très en désordre

merci également à Luzicalor, Olivia de leur visite.

Tout cela fait bien plaisir.

Anonyme a dit…

Je suis à chaque fois bluffée par ta culture et l'utilisation intelligente que tu en fais !!:-)) ( On se tutoie n'est-ce pas?)

32 Octobre a dit…

@ Ella, merci beaucoup de TON commentaire. Alors nous nous bluffons mutuellement. @ bientôt

Valentyne a dit…

Texte très intéressant qui m'a donné envie de lire ce livre, l enfant bleu

32 Octobre a dit…

@ Valentyne,
pour vous donner encore plus envie, aller lire mon petit billet chez les Chats de bibliothèque
http://chatsdebiblio.blogspot.com/2009/09/lenfant-bleu-henri-bauchau.html

Aymeline a dit…

Je suis persuadée que les Oulipiens apprécieraient autant que moi cet texte :)