vendredi 1 mars 2013

Les vases communicants (19), Anne-Charlotte Chéron


Dans le cadre des vases communicants de mars 2013

Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...

L’aventure du 1er vendredi du mois de mars 2013 est ici.

J’ai eu le plaisir d’offrir une page blanche à Anne-Charlotte CHERON.
Prenez le temps de découvrir son blogue.

Merci également à Brigitte Célérier dont il faut saluer la somme de travail tout au long du mois pour rassembler tous les liens et allez lire ses impressions de lecture… un petit bijou chaque mois.

Mais place à cette photo, découverte sur sa page FB sur laquelle nous avons décidé d’écrire toutes les deux….




Lo Stadio di Wimbledon


Je me souviens de cet étonnant roman qui n’avait rien à voir avec le tennis, enquête toujours reportée sur le mutisme scriptural incarné par Robert Bazlen, « figure intentionnelle du silence ». On pouvait alors côtoyer Joyce ou Saba, traduire Musil et Kafka, être un écrivain sans écrit, s’accommoder d’un destin littéraire annoté en bas de page, choisir de vivre la vie des autres plutôt que de l’imaginer.



Inscrire au cœur d’une première fiction littéraire le refus de l’écriture est une belle façon de lutter contre l’inéluctabilité morale et économique d’une telle entreprise et de la transcender. Daniel Del Giudice se pose là, avec une attention bienveillante et pleine de tendresse à l’égard des choses que retranscrira sommairement Mathieu Amalric. Jeanne Balibar, à qui il confiera le rôle de l’enquêtrice, peut balibarer sans entrain autant qu’elle le peut, cette séduction fainéante qu’elle incarne ici n’égalise pas le regard du narrateur du Stade de Wimbledon.




À un moment le héro/narrateur hésite : « C’est étrange, je n’ai pas envie de rester ici, mais je n’ai pas non plus vraiment envie de retourner là-bas. »



Que faire de cette étrangeté constituante de l’existence humaine ?



Ici, où je fais plus d’histoires que je n’en écris, où les journées s’étalent devant moi sans que je puisse trouver un moyen de les emplir.



Il m'a semblé que chaque matin de ce monde nouveau pourrait commencer au garage. Puis : revenir à la maison, faire un feu dans le poêle, un café, une tisane. Se démener avec le quotidien, se satisfaire de victoires provisoires : trouver son chemin ou des accessoires de cuisine égarés dans des espaces que votre rationalité ne pénètre pas. Tous les matins de ce monde passé naissaient dans une rame de métro. Du passé à l’avenir: la locomotion au seuil des jours nouveaux.



Je repense à ce mouton qui a choisi de s’aventurer seul sur le terrain. Il n’y a plus de balle comme dans la partie de tennis de Blow up, il n’y a plus de joueur comme dans le roman de Del Giudice mais un mouton égaré qui paraît trébucher et s’enquérir hasardeusement d’un reste de végétation, ahuri de la nature de ce sol faussement verdoyant, de ce terrain stérile. 



Je m’inquiète de ces herbes fallacieusement plus attirantes ailleurs, de ces ailleurs rêvés pour se rasséréner des ici qu’on peine à investir. Quand l’ailleurs et l’ici ne sont que des prétextes spatiaux pour occuper le temps. L’exotisme comme divertissement passager est un faux-fuyant sophistiqué dont il faudrait se méfier.




Grand merci à Anne-Charlotte Chéron.

Et que sont les VASES COMMUNICANTS ?
Emprunté à Pierre Ménard, car pourquoi dire mal ce qui a été si bien dit :

« François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier d’avoir trouvé ce titre de vases communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Beau programme qui a démarré le 3 juillet 2009 entre les deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres / open space d’Anne Savelli et Liminaire. 

Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants