samedi 30 juillet 2011

Chez Asphodèle (4), Corentin, Charlotte, Noémie - chapitre 4






  

COLLECTE
DALLE – DIVIN – DÉCLIN – DIAMANT – DÉSIR – DÉLIQUESCENCE - DANSE – DÉMON – DÉSAMOUR – DÉSESPOIR – DAUBE – DEVORER – DIPLOMATIQUE – DRUIDE et DIATRIBE. 


Épisodes précédents de l’histoire de Corentin et Charlotte :
Chapitre 1
110709_la lettre A
Chapitre 2
110716_la lettre B
Chapitre 3
110723_la lettre C

Épisodes précédents de l’histoire de Noémie :
Chapitre 1
110505_Édition 29
Chapitre 2
110512_Edition 30
Chapitre 3
110519_Edition 31

La gardienne des jardins de l'Anagramme

Charlotte et Corentin vous prient d’excuser leur absence et leur impossibilité de vous donner de leurs nouvelles. Ils sont partis passer une semaine divine à dos de dromadaire dans le désert du Ténéré, séjour qui leur a été offert par… mais c’est une autre histoire qu’ils ne manqueront pas de vous raconter à la prochaine occasion. Je suis même persuadée qu’ils nous rapporteront de leur séjour bon nombre de photos et ne manqueront pas de nous les commenter, plutôt deux fois qu’une. Un peu bavards nos amoureux !

Excusez-moi, je ne me suis pas présentée, je suis Noémie.

Corentin et moi, nous sommes amis d’enfance et continuons d’habiter la même ville et donc de nous fréquenter. J’ai été chargée par Corentin de veiller, pendant leur absence, sur son jardin potager dans les jardins de l’Anagramme. Il m’a beaucoup parlé du fameux bouquin qui a pris l’habitude de casser la dalle dans les plates-bandes de son potager. D’ailleurs, je devrais lui trouver un petit nom à ce trublion. Même plus, je devrais lui faire rencontrer Trèfle, le lapin héros des histoires que j’écris régulièrement. Je ferai ainsi d’une pierre deux coups. Il faut que j’y pense très sérieusement.

Un coup d’œil au calendrier me rappelle que nous sommes mardi. Un nouveau chapitre à écrire pour mon futur chef d’œuvre « SYSTÉMATIQUE » est ma tâche de la journée. Si je n’y crois pas moi-même, qui y croira.
Je relis le dernier chapitre écrit, ce dernier mardi. Le titre me plaît toujours autant « L’horloger ». Mais les larmes perlent à mes yeux.
Je me demande si ces dernières lignes ne sont pas l’histoire du déclin d’un amour fou, qui a toujours pour moi les éclats mais aussi les défauts du diamant.

Mon plus cher désir à ce moment précis, finir ce livre que je porte depuis si longtemps. Il faut que je me prépare à en écrire la dernière page.
Je dois regarder devant, je dois essayer de ne plus penser, je dois avancer, je dois… Une litanie digne d’une consigne oulipienne. Je dois, je me souviens, je craque, je ne craque pas.
Je ne vais pas tomber en déliquescence et exécuter la danse de Saint-Guy.
J’en serais pourtant bien capable. J’ai toujours été un peu du genre démon depuis ma tendre enfance. Étant en plein désamour, je ne sais vraiment plus de quoi je peux être capable. Mais je vais me ressaisir. Je ne vais pas me mettre à hurler mon désespoir à tout va.

Il y a pire que ma situation. Allons de l’avant et de ce pas au potager pour prendre des nouvelles de ce lièvre, un peu trop gourmand. Attention à lui, il risque de finir en daube s’il exaspère trop Corentin.
En effet, tel que je le connais, il n’est pas très diplomatique.
D’ailleurs, comment engager des négociations avec un lièvre. Cela n’existe que dans les histoires que je me plais à écrire et que mes lecteurs vont continuer à dévorer, je n’en doute pas. Mon éditeur ne m’aurait jamais sans cela commandé une trente-deuxième aventure de Trèfle. Il m’aime bien mais pas à ce point. Je reste lucide. Cette aventure en cours d’écriture se déroule dans la forêt de Brocéliande, terre de druides, de l’enchanteur Merlin et de légendes et non de diatribes.

lundi 25 juillet 2011

Une photo, quelques mots (1), Camille, chapitre 5


©Kot²

Épisodes précédents :
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4

Queue de cheval.


Camille passe ses vacances chez ses grands-parents.
C’est un garçon très curieux de leur histoire.
Il a tout voulu savoir de leur première rencontre et ainsi a fait connaissance avec Pâquerette. Puis il a commencé à feuilleter l’album de photo. Il a découvert une photo d’une plage avec un pin. Son grand-père lui a raconté cette fameuse journée de février 1968. Puis sa grand-mère a pris la relève en lui parlant de cette photo d’empreinte de pas sur le sable d’une plage. Elle lui a raconté l’histoire de cette photo ratée mais à laquelle elle tient beaucoup. Camille continue que de farfouiller dans les photos trouvées dans le grenier. Il veut mieux connaître Nestor et Natacha.

Mais laissons-lui la parole ou plutôt lisons ses mots écrits dans un grand cahier bleu.

Extrait du journal de Camille.

31 juillet 2011, au Resty

Aujourd’hui, c’est mon anniversaire, j’ai 7 ans, je rentre en cours élémentaire 1ère année en septembre mais je vais certainement sauter une classe car je suis drôlement fort.
Je sais lire et écrire et drôlement bien. (zut, je me répète drôlement beaucoup …).

Je vais demander à Papy Nestor de faire un blogue… mais je ne sais pas s’il va être d’accord. Ce serait pour faire comme Jen. Vous ne la connaissez pas ? Vous êtes drôlement nul… c’est Mamy Natacha qui m’en a parlé et qui m’a fait voir. Elle a 7 ans ½ , Jen, comme moi et elle écrit avec sa maman… moi ce serait avec Nestor.

Et le blogue s’appellerait « Nestor et Camille vous causent… » à moins qu’on l’appelle « Nestor et Camille racontent… » ou tout simplement « Nestor et Camille… ».

Et on mettrait aussi les textes de Mamy Natacha, car là elle les met en commentaires un peu partout. Dur à suivre ma Mamy, « écrimaginatrice » qu’elle dit qu’elle est. Quel drôle de nom. Elle en invente toujours. Vous voyez, j’ai de qui tenir du haut de mes 7 ans.

Je suis le spécialiste pour raconter des histoires avec les photos.
J’adore les photos, j’adore lire ce qu’il y a d’écrit derrière les photos.

J’ai trouvé plein de photos dans le grenier.

Et là, je viens d’en trouver une de drôlement bizarre.
Je me demande qui elle représente.
Rien d’écrit derrière.
Et je n’ose pas aller demander à Papy Nestor.

Pourquoi elle est de dos la dame ? Elle habite où la dame ? C’était quand la photo ? Qu’est-ce qu’elle attend la dame ? Qui sait le monsieur ? Son amoureux ? Pourquoi son sac à dos il est pas sur son dos ? C’est qui qu’a pris la photo ?

Pourquoi elle est dans la malle dans le grenier la photo de la dame ?

Dis, Madame, pourquoi t’es là ?

Et si la dame, c’était la maman de Papy ou celle de Mamie. Et si c’était une princesse. Et si c’était…

Zut ! Faut que j’y aille ! Ils crient « à table ! ».

Camille ferme son cahier bleu à grands carreaux.
Dessus, il est écrit : « Journal des vacances 2011 de Camille ». Il va le cacher dans la grande malle, sous les photos.

Camille a gardé dans sa main, la photo de la dame blonde, bien décidé à poser des questions sur l’inconnue. Mais il se demande comment il va faire.
Camille a 7 ans, un sourire d’ange et sait y faire.
Il va y aller par petites touches puis soudain mettra sous le nez de ses grands-parents la photo de celle qu’il a déjà appelée « Queue de cheval ».

« Qui c’est ? »


samedi 23 juillet 2011

Chez Asphodèle (3), Corentin, Charlotte - chapitre 3



Collecte !

carotte – cercle -Chili ou chili* – castor -cage – camomille – caravane – casserole -chronique – carnaval -charivari – caravelle – chavirer – chocolat.


 


  

Nous avions laissé Bouquin, à la fois lièvre blanc et drôle de chenapan en train de prendre son bain de soleil sur la desserte faite des blanches mains de celui que j’ai l’honneur d’être, moi, Corentin. Tout cela se passait dans les jardins célèbres de l’Anagramme.


Donc, comme j’ai l’avantage de vous le dire, moi, Corentin, je passe toujours autant de temps dans mon jardin, m’occupant de mes tomates et carottes, de mes poireaux et céleris, enfin de mon jardin potager.

Bien sûr, toujours lié à mon amour du jardin, j’ai une autre passion, les cucurbitacées.
D’ailleurs, je suis le président depuis peu du « Cercle des courges et Cie »


Lors de la clôture de la dernière assemblée générale, j’ai mis à l’honneur les produits des jardins des adhérents et de mon jardin. j’ai convié à cette manifestation Monsieur le Maire, avec qui je m’étais réconcilié (voir le 1er épisode conté), suite à mon petit chantage qui a mis à mal notre amitié assez longtemps. Après les délibérations et autres formalités, il nous fut servi, contre une modeste contribution, un chili con carne dont je n’ose vous parler : un vrai chef d’œuvre culinaire. Des oignons, des poivrons rouges, des poivrons verts, de l'ail, du cumin, de l’origan et surtout deux cuillères à café de chili en poudre. Ce savant mélange a été ajouté aux haricots rouges, à la viande hachée et aux tomates. Puis cinq heures aux fourneaux pour de nombreux bénévoles qui régalèrent une centaine de convives.

J’avais demandé à Charlotte, rappelez-vous l’affriolante infirmière, de m’y accompagner. Elle était devenue ma compagne quelque temps après mon hospitalisation et surtout après la fin de son aventure avec Monsieur le Maire. Je lui avais donné un surnom, Castor, en raison de son amour immodéré pour l’œuvre de l’auteur du Deuxième sexe, Simone de Beauvoir.

J’adore me montrer avec Charlotte. Elle n’est pas du genre à rester en cage d’ailleurs. Elle apprécie quand nous sortons. Cinéma, théâtre, petit resto, tout la ravit.
Rester savourer le temps qui passe à deux lui va aussi bien.

Notre cérémonial du soir, quelque soit la saison : une camomille pour moi, et pour elle, un mélange  parfumé de thés noirs de Chine, la Caravane russe de la célèbre marque Twinings.

J’ai oublié de vous préciser que Charlotte a de lointaines origines russes et connaît sur le bout des doigts l’histoire de ce thé. Paraît-il, il devrait sa saveur à son transport par caravane de chameaux à travers ce pays qui l’a toujours passionné. C’était avant l’ouverture du Canal de Suez en 1869. Elle aime tous ces détails. Je m’emploie à la distraire avec ce genre de petites informations.

Elle utilise toujours la même casserole bleue pour faire frémir l’eau destinée à son breuvage.

Je pourrais écrire une chronique sur Charlotte et le thé, Charlotte et sa théière bleue. Mais promis, je ne tomberais pas dans la parodie des Martine de notre enfance.

D’ailleurs j’ai commencé à prendre un certain nombre de notes car elle me surprend de jour en jour. Tout l’amuse, rien ne la chagrine. Un de mes prochains travaux programmés sera de faire un album souvenir en scrapbooking de nos voyages.

Je note, je note, j’ai si peur d’oublier.
Si nous avions le temps, je vous ferais voir quelques photos que je me suis amusé à prendre et que je conserve précieusement.

Ses yeux brillent toujours comme lors de notre dernier voyage, en Italie lors du Carnaval de Venise. (ne pas oublier que je dois envoyer quelques photos de nos hôtes masqués le plus rapidement possible. Nous sommes revenus depuis déjà dix jours)


Là, elle parade en Bavière. Elle avait emprunté une robe traditionnelle sur laquelle elle posa un charivari. Elle se fit si charmante que le dit charivari, cette sorte de guirlande rapportée comme un trophée, lui fut offert et il trône maintenant dans l’entrée de notre demeure.

Encore une photo, la dernière, je vous promets, celle que je préfère. Charlotte posant devant une Caravelle rouge, datant de 1958, l’année de sa naissance.

Charlotte me fait chavirer le cœur tout autant qu’un carré de chocolat au beurre salé. Je craque pour eux ! Je craque !!!



lundi 18 juillet 2011

Rdv avec un mot (1), Alan - chapitre 1





Lundi 18 juillet 2011 : colère

 


Donald ne comprenait plus rien. Il sentait la colère monter en lui. Une colère noire, pendant laquelle il risquait de voir rouge.
Tout cela à cause d’un de ses amis, son meilleur ami, Alan.
Ils se connaissaient depuis l’école maternelle. Ils avaient à peine quatre ans et en avaient presque cinquante maintenant.

Leurs vies avaient pris des directions différentes : Donald était devenu animateur et Alan écrivain. Ils étaient restés très proches. Ils se retrouvaient régulièrement surtout pendant les mois d’été.

Comme depuis déjà vingt ans, il l’attendait comme convenu, le dernier dimanche de juin sur la place du village. C’était leur règle d’or : ce rendez-vous pour reprendre contact avant d‘aller déjeuner. Ne pas arriver sans crier gare chez Alan. Ne pas risquer de tomber au mauvais moment. Il respectait cette règle depuis, il ne savait plus exactement, depuis le jour où, arrivé à l’improviste, il avait surpris Alan avec une femme qui n’était pas sa femme, la sienne non plus. Il avait contenu sa colère et était parti en claquant la porte. Il cessa de venir pendant cinq ans. Ils se réconcilièrent et reprirent leurs habitudes.

Mais ce dimanche-là ne fut pas un dimanche comme les autres.

Donald est arrivé en avance comme à son habitude. Il s’est assis en face de l’horloge de la mairie. Il a attendu. Il a vu les quarts d’heure défilés. 1, 3, 5… il commençait à s’impatienter. Alan ne décrochait pas son téléphone. Toujours ce foutu répondeur et ce message : « Alan, je suis absent. Laissez votre message, je vous rappellerais dès que possible. » Il essayait de garder son calme mais la moutarde commençait à lui monter au nez. Il avait fait 200 kilomètres pour venir le retrouver. Et personne au rendez-vous.

Il se dirigea vers le restaurant « Chez Agathe ». Il espérait en savoir plus.

Il interrogea le serveur. Pendant ces derniers mois, Alan se faisait de plus en plus rare. Personne ne l’avait vu dans le village qu’il habitait depuis le 1er mai. Presque deux mois. Même pas le dimanche, alors qu’il venait habituellement manger une sole meunière seul, en galante compagnie ou avec des amis, et cela depuis déjà plus de cinq ans. Un fidèle client. Un vrai rituel. Il réservait le mercredi, pour toujours avoir la même table et indiquer le nombre de convives. Mais là aucune réservation faite par ses soins depuis sa dernière venue en avril.

Donald avait noté tout cela. Il s’interrogeait sur ce changement soudain d’habitudes. Il n’en trouvait aucune raison.

Le serveur se rappelait qu’il prenait toujours du céleri rave en entrée. Alan avait des habitudes et en dérogeait très peu. Il était un  peu fort en gueule, surtout à partir du troisième verre de rosé. Si un bouquet de lys n’ornait pas la table, il ne manquait pas de le rappeler au moment du paiement de la note.

Son absence commençait à inquiéter Donald et le serveur. Pas dans ses habitudes.

Donald se décida et passa outre leurs conventions. Il monta à sa demeure en grommelant.

Il le trouva absorbé dans un livre écrit en grec ancien parlant de fleurs : un trésor qu’il avait déniché au dernier marché aux puces qu’il avait fait. Il était plongé dans l’histoire de Narcisse.

 

Donald alors laissa éclater sa colère.

 

 ՙ© 2011 32 Octobre