lundi 30 avril 2012

Une photo, quelques mots (37), Le piano


Sur proposition de Leiloona

 

 

17 avril 2012







Dimanche fin d’après-midi, visite surprise de Camille et de son Jérôme, toujours plus amoureux. Cela me rend nostalgique et me renvoie des années en arrière quand mon Grégoire venait me chercher. C’était il y a si longtemps.
Aujourd’hui, Jérôme vient me faire voir son dernier reportage photographique. Son sujet, toujours le même, Romuald, le frère de Camille.
-       Romuald, je ne le reconnais pas. C’est flou et est-ce bien lui, cet homme derrière le piano ?
-       Mais oui, je vous assure. Cette photo, je l’ai faite, hier soir, lors de la fête de la musique, le jour de l’été.
Il était si absorbé par sa musique qu’il ne m’a même pas vu. Il semblait dans un autre monde, tout à fait étranger au monde autour de lui.
J’étais fasciné par la petite fille près de lui. Elle semblait transformée en statue : en pleine admiration devant Romuald dont les doigts semblaient voler sur les touches.
Il jouait, jouait sans arrêt le même morceau, le Boléro de Ravel. Obsédant !



lundi 16 avril 2012

Une photo, quelques mots (36), La maison de Jacob


 

Sur proposition de Leiloona

Pour voir tous les textes, c’est ici

 

10 avril 2012

Une photo, quelques mots (36)


 Cette photo a été prise le 26 décembre 2011 en Haute-Garonne, Midi-Pyrénées, France

La maison de Jacob.

Le temps est tellement triste que je ne sors plus depuis presque deux semaines. Presque un temps de Toussaint en ce début avril.
Un brin de solitude ne fait pas de mal non plus. Il faut bien que ma fidèle Alice prenne quelques congés et aille se ressourcer en compagnie de son Richard en marchant. Quelle idée ! Ils sont peut-être partis vers cette maison dont je viens de retrouver la photo.
Drôle de lumière qui chevauche vers l’infini au-dessus de ce toit qui vient me chatouiller la mémoire. Pourquoi Grégoire a-t-il été la cacher dans le tome 1 du livre de Dina.
Difficile de remettre mes pensées dans les siennes. Pourtant, il ne faisait rien sans raison. Cette maison, je ne sais plus où elle est. Y suis-je même aller ?
Pourquoi ma mémoire me joue-t-elle des tours de plus en plus pendables ?
Qui l’a bâti ? Et toujours ce lancinant où qui me vrille les tympans. Impossible de me souvenir. Pourtant, je suis persuadée d’y avoir séjourné.
Mais tout cela me désole.
Pourtant, elle est présente en moi.
Grégoire a toujours été un rêveur et je me doute que c’est une des maisons qu’il a remise en état. Mais pour nous, pour un de ses clients ou est-ce une maison qu’il aurait aimé investir, remodeler, révéler à elle-même ?
Les souvenirs se mêlent dans ma pauvre tête.
Derrière, il est écrit « Jacob ». Mais pas de date, pas de lieu.
Pourquoi Grégoire étais-tu si secret ?
Qui était ce Jacob, le propriétaire de cette maison, son futur acquéreur ou le nom d’un de tes clients ?
Nom ou prénom, quel Jacob a mérité de voir son nom figurer derrière cette photo ?
Je me suis assoupie. La photo a glissé à terre.
Je la ramasse.
Et là tout me revient.
C’était en fin de l’année 1960. Nous étions partis tous les deux sillonner les routes des Pyrénées dans notre Dauphine rutilante. Tu venais juste de te remettre d’une mauvaise pneumonie. Tu commençais à être reconnu comme architecte. Tu redonnais âme aux vieilles demeures. Tu en avais fait ta spécialité.
Au détour d’un chemin, nous étions tombés en arrêt devant cette demeure majestueuse. Tu avais sorti ton appareil photo. Tu l’avais mitraillée. Tu étais parti dans un grand discours, luiimaginant une nouvelle jeunesse, une nouvelle vie.
Tu rêvais à haute voix quand un homme était venu vers vous.
Je m’appelle Jacob, c’est la maison de ma grand-mère. Vous voulez la visiter ?

samedi 14 avril 2012

Chez Asphodèle, les mots en P (13) - Le temps presse



LES PLUMES DE L’ANNÉE 16 – mots en P



 ne pas oublier d'aller lire les textes de la semaine, ici 


Le temps presse.


Trouvé ce petit mot, ce matin, pointé sur la porte de ma cabane en planches :
«  Plumes de l’année. Mots en P. Parfait pour toi. Au travail. Occupée par la collection de livres poussiéreux de Grand-père. »

Elle en profite. Il est vrai qu’il tombe une pluie drue et que je ne peux mettre le nez dehors sans risquer une pneumonie. Mais un peu cavalière sa manière de me refiler sa tâche hebdomadaire.

Surtout que ce matin, j’avais prévu d’aller au pré faire des photos des premières fleurs ou plantes s’épanouissant.

Je vais donc m’exécuter.

Mais l’inspiration n’est pas au rendez-vous. La collecte de mots est très hétéroclite.
Mais, je vais faire preuve de persévérance et lui rendre copie avant… mais le délai est déjà dépassé.

Je ne vais pas faire preuve de parcimonie.
Dix-huit mots à caser… je me lance le défi d’en mettre au moins trente-deux de ces mots qui commencent par un P. il me faut des aiguillons pour déclencher ma plume (il ne comptera pas deux fois, je ne tricherai pas)
Je vais aller picorer dans le dictionnaire accepté par le règlement quelques mots sortis de derrière les fagots pour me rendre intéressant. Elle me lance un défi, car elle a décidé de se transformer en parfaite femme de ménage.
Rassurez-vous, je ne couvrirais pas trente-deux pages de ma petite écriture, faite de pleins et déliés appliqués.

Déjà, trop de temps perdu.
En bas de sa missive, un PS : « trente-deux minutes, si vous acceptez votre mission ».

Je craque devant ses yeux si pétillants de malice que je vais encore m’exécuter. Il y a pire châtiment que de rester au chaud à manier les mots.
Aller faire du pédalo ne pouvait être au programme aujourd’hui en raison du temps. Je vais faire contre fortune, bon cœur.
Mais, il y a des limites, aller caser le mot putréfaction, nenni. Même en regardant tous les sens possibles, impossible de le glisser. Je vais devoir le laisser au bord de la page. Je m’octroie un joker.

Rester derrière mon bureau va m’éviter d’éternuer à tout va ; les pollens ne faisant aucun cadeau cette saison encore. 
Pardon, je m’égare.

Mais ce matin, je m’étais concocté un emploi du temps aux petits oignons.
Je voulais finir le troisième livre de 1Q84 avec mon chat  ronronnant auprès de moi. Il n’a rien d’un persan, est seulement un chat de gouttière répondant, quand il ne fait pas la sourde oreille, au nom de W, hommage à ma façon à Georges Pérec. Mais c’est vous faire injure que de vous le préciser.
En face moi, un énorme bouquet de pivoines. Elles ne se sont pas échappées du jardin d’Asphodèle, mais juste de la boutique d’une jeune fleuriste, « Mon premier coquelicot ». Rien que pour le nom, je fais le détour pour acheter le bouquet du jour, « petit prix – grand plaisir ».

Il va falloir que je m’active.
Les mots doivent régner sans partage. Je dois lui rendre ma feuille noircie ou bleuie.
J’aimerai me prendre pour Théophile Gautier et avoir inventé ces vers « Avec une houppe de cygne, Poudrer à frimas l'amandier. » Mais non, n’est pas poète qui veut. J’aligne les mots et essaie de les ordonnancer pour votre plaisir, et le mien et le sien aussi, la reine du plumeau.

En plus, moi qui suis du genre très enclin à la procrastination, je me vois obligé d’écrire en un temps imparti et plus que réduit.

Le temps presse.






La récolte des mots en P

Les plumes de l'année (5) Christine, L'homme qui court



LES PLUMES DE L’ANNÉE 16 – la lettre P



Les mots de Christine,
de tout là-bas en Chine



L’homme qui court.

Premier tour.

L’homme qui court frémit pivoines
L’homme qui court picore pollen
L’homme qui court frémit pivoines rejette pollen

Deuxième tour

L’homme qui court halète
L’homme qui court crie halète
L’homme qui court coudes aines halète et crie

Troisième tour

L’homme qui court crie
Souffle haine et cri sourd
L’homme qui halète et court et crie à l’aide

Quatrième tour

La femme qui lit sur banc
La femme qui lit et l’homme qui court
L’homme qui court tremble pages
L’homme qui tremble sur banc attend

Cinquième tour

L’homme qui attend raideur momie
Parcimonie persévérance
L’homme qui attend corps penché révérence

Sixième tour

La femme qui lit parcourt histoire
Mots écourtés courent sur pages
L’homme qui court parcours en transe

Septième tour

Les pas de plus en plus lourds
Les pas de l’homme qui court et crie
L’homme qui attend écrit aigri sur banc

Huitième tour

L’homme sueur pluie pleure seul
Grains saule grincent sur tracé poussiéreux
Chat persan  regard égaré traversant pré

Neuvième tour

près de l’homme qui attend
L’homme qui court jette regard passant
Aux passant, regard souffrant chat errant

Dixième tour

L’homme qui crie et s’essouffle
Souffle court costume ville sueur aisselles
Tous les jours tourne en rond
Costume ville halète et court et crie
L’homme qui court expie pardon

Onzième tour

La femme qui lit perdue dans histoire
L’homme qui attend aiguilles tournent montre
Pétillantes soixante secondes abattue minute
Course temps l’homme qui attend

Douzième  tour

L’homme qui court jambes pédalo genoux très hauts
Pieds dans eau flaque regard droit
Fixe regard poings serrés contractés
La femme qui lit étonnée pages cornées

Treizième tour

L’homme qui court autour étang
La femme sang jambes étendues
L’homme qui attend muscles sanglés
L’homme qui court et crie le sang montant mâchoire tendue


(Ellipse)

             Vingtième jour    de     l’homme     qui  court

L’homme qui court   suffoque       et râle     et        ralentit

La femme qui lit poudre son nez

L’homme qui attend, putréfaction

Fraction de temps  
de l’homme
qui ne court plus

Temps partagé


Deux


Inconnus


Jardin de la place Wenxi, Suzhou,Chine




Une autre vision du jardin, ici ou ici

La récolte des mots en P
Poussiéreux (se) – pluie – pré – persévérance – parcimonie – picorer -page – perdu(e) – pétillant(e) – procrastination* – pédalo – putréfaction – pollen – pardon – persan – pivoine – partage – poudrer.

mardi 10 avril 2012

Une photo, quelques mots (35), Charlie et Charly


03 avril 2012

Une photo, quelques mots (35)


©Kot² - Cette photo a été prise le 26 août 2009. – Fred Perry style

Charlie et Charly
Nous sommes en retard. Heureusement qu’il me tient la main très fort car c’est l’angoisse. Cette plongée dans le vide. J’ai peur. Je suis déjà à la marche 32… il en reste au moins autant et encore autant. J’ai peur du vide.je suis sûre que je me suis trompée en les comptant. Je sens une sueur froide couler entre mes omoplates.
Je me cramponne à sa main.
Une fois en bas, je pourrais enfin souffler. Là, j’ai du mal à respirer. J’ai le vertige. Quand même, quelle idée de le suivre jusqu'’ici. Il sait que j’ai peur du métro… Je n’aime pas ne pas voir le ciel. Il me fait descendre dans les entrailles de la terre. C’est pour gagner du temps qu’il m’a dit. Mais combien de temps encore ici ?
Je me cramponne à sa main.
J’ai le cœur sans dessus-dessous. Je crois qu’il va sortir de ma poitrine. Il le sait pourtant. Et moi, j’ai voulu faire la fière. T’inquiète, je t’accompagne, j’ai paradé. Oui, il doit aller se présenter dans un cabinet de chercheurs de tête. Il dit que je suis son porte-bonheur. Pourtant, il sait. En bus, j’aurais moins eu moins le cœur en dehors.
Je me cramponne à sa main.
Il ne faut pas que je tombe. Je m’imagine déjà étalée en bas de l’escalier, la tête ensanglantée. Il faut que je me tienne à la rampe. Je ne dois pas faiblir. Je dois mettre encore un pied devant l’autre. Allez, encore un effort. Je dois ‘l’accompagner. Mais pas en métro. Qu’est-ce que l’on ne ferait pas quand on aime.
Je me cramponne à sa main.
Ce matin, j’ai mis une robe noire sage et mon foulard indien, offert par Grand-mère quand elle est revenue d’un de ses voyages au bout du monde. Grand-mère, elle, ne tremblerait pas dans un escalier du métro. Elle n’a jamais eu peur de rien. Un raid dans le Sahara en pleine guerre, un autre en Asie quand les frontières n’étaient pas encore ouvertes aux étrangers… donc aux femmes, n’en parlons pas. Je ne suis pas aussi baroudeuse que Grand-mère. Là je tremble devant cet escalier sans fin. Encore combien de marches ? Envie de me retourner, de remonter celles que ‘j'ai eu du mal à avaler et revenir à la surface. Respirer enfin. Mais non, je continue de descendre dans le ventre de la terre.
Je me cramponne à sa main.
Au fait, je m’appelle Charlie et lui Charly. Nous étions faits pour nous rencontrer.
Je me cramponne à sa main.



samedi 7 avril 2012

Chez Asphodèle, les mots en O (12) - Octave



LES PLUMES DE L’ANNÉE - la lettre O !!!




Dialogue avec mon autre moi.

Octave ! Où es-tu ?

Aujourd’hui, mon ombre a disparu.

Mais, une petite précision d’abord, mon ombre n’est pas une ombre or-dinaire.
Oui, habituellement, une ombre est noire ou chinoise. Mais la mienne est couleur de l’opale.
Vous pouvez imaginer, je pense, sa couleur facilement : blanche laiteuse avec des reflets irisés. Du meilleur goût mais surtout unique et très chic.
Certains jours, elle change d’atours et se revêt de la couleur orange. Surtout quand le soleil brille, cela est du plus bel effet.

Avec mon ombre, quelque soit sa couleur, nous sommes en parfaite osmose.
À une exception près, les mauvais jours, quand elle est de couleur noire, là, elle me donne le bourdon.

Je me suis fabriquée mon calendrier des ombres et je les consigne scrupuleusement car j’aimerai bien comprendre ses habitudes et parfois essayé de l’influencer.

Ainsi j’ai remarqué que chaque premier lundi du mois, elle est bleue.
Et là, j’y vais de ma petite ode au saint du jour que j’écris sur un des successeurs du petit recueil bleu que j’ai retrouvé au fond d’un tiroir. Il m’a ramené vingt ans en arrière.
C’était un vrai plaisir jamais une obligation. Je me régalais.
Aujourd’hui, j’ai décidé de renouer avec cette habitude.
Ce serait comme réparer une offense au temps passé, à cet oubli d’avoir continué à poser les mots sur le petit carnet bleu.

Oh !

Nous sommes vendredi aujourd’hui et mon ombre a disparu.
Bizarre car d’ordinaire, le vendredi, elle est noire, elle m’accompagne et ne fait aucune fantaisie. C’est juste avant la fin de la semaine et elle a l’humeur chagrine.

Et cerise sur le gâteau, nous sommes vendredi 13.
Il y a de l’orage dans l’air. Mon ombre craint le tonnerre et encore plus les éclairs. Je crois qu’elle a pris la poudre d’escampette
C’était pour elle une opportunité à saisir !

Il vous faut croire à mon histoire. Je n’enfonce pas par plaisir une porte ouverte. N’est pas onirique qui veut !

Mais je reconnais que mon ombre et moi, cela tourne à l’obsession.

Je la surveille sans arrêt car, sans en avoir l'air, elle me dicte mon humeur du jour.

Jamais elle ne s’est déguisée en ombrelle ; elle n’aime jouer qu’avec les couleurs.

Pourtant cela serait assez distrayant de voir son ombre avec un parapluie les jours de soleil ou un chapeau de sorcière les jours de pluie.

Je divague mais je vous assure, elle a de l’humour et pourrait bien me jouer un de ces tours-là un jour.

Mais aujourd’hui, quel oubli… elle s’est absenté et me laisse désemparé.

Je lui ai pourtant donné un joli nom, Octave et je lui parle tout le temps.
Alors pourquoi cette fuite ?

C’est le point d’orgue de notre relation : une rupture que je n’ai pas vu venir.
Se serait-elle enfuie vers l’océan ou partie courir sur les flancs d’un sommet himalayen ou partie voir les camélias en Chine ?


Ou pourquoi pas, d’humeur joueuse, elle est montée au sommet d’un orme. Elle veut m’obliger à lever la tête.

Mais je préfère, en ce vendredi 13, admirer les orchidées sauvages dans mon jardin.