jeudi 5 novembre 2015

Les Vases Communicants (48) : Lamber Savigneux

Dans le cadre des vases communicants de novembre 2015

Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...

L’aventure du 1er vendredi du mois de novembre 2015 est ici.


Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Lamber Savigneux dont les mots sont habituellement ici.

Nous avons échangé, je lui ai proposé une phrase.
Découvrez son texte…


Aborder sur la page d'un livre qui n'a pas vos habitudes d'écriture s'apparente à la traduction. Il faut respirer un grand coup avant de se demander ce qui a changé. C'est comme accoudé au rebord d'un ferry pour ne pas tomber à l'eau. Le quai est juste ce rebours de brouillard qui enveloppe l'étranger. Il maintient à distance comme une carapace douce, comme une excroissance de l'ineffable.


Je me souviens, je ne voyais plus son visage, il y avait les joues, les lèvres et les arcades sourcilières mais on ne voyait plus au travers, toute tentative de pénétrer était renvoyé par la peau qui avait cette capacité de rétracter, de noyer le regard sous une soudaine vapeur cutanée. J'aurai été incapable de me rappeler son visage sans doute sa mèche balayait toute intrusion. 
On est venu jusque-là sur une idée et peu de bagage, c'est l'essentiel dans l'entreprise, un désir de rencontre presque désespéré, quand pour l'instant du bateau il y a peu, non que la vapeur, ni la peau ni le brouillard ne trouble, ce qui trouble plus que tout c'est d'être là, en cet endroit ininvité, comme décollé d'une rétine et collé sur un lieu sans rien colmater comme s'il y avait un trou alors qu'il n'y a pas de trou et qu'une feuille tombe.
Nous nous étions échangés des mots sans couleur écrits pour ainsi dire sur la paume, il y avait écrit :"Une poule qui glousse est la meilleure maman du monde" ou "Faites attention à ne pas marcher sur les glands tombés à terre en automne" Ces mots je les regarde sur un bout de papier froissé et usé par la traversée, j'ouvre la boite et je les vois rassemblés sans histoire ni épisodes ou anecdotes, des prises des croquis trainent, mais l'histoire, il n’y a pas d’histoire.
Pourtant je suis quand même parti. Sur la pointe des mots sur les lèvres j’apprends à prononcer, il n’y a pas de glands entre les lignes et l’automne n’est déjà plus de mise

  
Kodoshin, chute d'eau

Est-ce l'illusion que l'autre est semblable à soi, qu’il n’y a qu’à tendre des équivalences entre nous comme des droites à l’aide du compas, la vérité c'est que l'autre est situé sur un plan décalé de la géographie, à distance d'un regard ou d'une brassée, parallèle sans que rien de nos corps rapproche comme un bateau rapprochant du quai et que sa lourdeur va faire éperonner ce lieu curieux. 
Alors dans cet entredeux où tout est indistinct, et moi qui suis en attente, il y a comme à recréer un langage, tous les marins et les marchands s'y sont essayés, dans les cales les caisses contiennent toutes sortes de départs que du lointain on a comme jeté vers ces côtes et que l'on accompagne. Accoster. Tout s'écoule et le vertige est sur le bord.

Grand merci à Lamber

Si vous voulez lire mes mots, c’est ici.


Et que sont les VASES COMMUNICANTS ?
Emprunté à Pierre Ménard, car pourquoi dire mal ce qui a été si bien dit :

« François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier d’avoir trouvé ce titre de vases communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Beau programme qui a démarré le 3 juillet 2009 entre les deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres / open space d’Anne Savelli et Liminaire. 

Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants

Merci à Marie-Noëlle Bertrand d’avoir repris le flambeau.