lundi 17 septembre 2012

Une photo, quelques mots (48), 120 photos d'un fou


 

Sur proposition de Leiloona

 

Publié par Leiloona le 11 septembre 2012 

tous les textes ici

Bonjour, c’est moi Camille… sur une photo prise par mon amoureux, Richard.
Cela faisait longtemps que je ne vous avais pas fait voir une de ses photos. Et là en premier plan, moi… enfin !

Car si j’osais et je vais oser, il photographie, photographie et moi… jamais.
« Je ne peux pas, je t’aime ! » vous parlez d’une excuse.
Il ne veut pas faire de photo trop personnelle, Monsieur. Mais chut ! Juste pour son travail qui pourrait être publié.

Mais là, une commande… plutôt une maquette à faire pour une future grande campagne d’agrément des couloirs du métro de Marseille.
24 heures pour le réaliser… donc en avant ! Pas le temps de partir au hasard, de chercher le bon angle… il lui fallait improviser. Tout d’un coup, il eut une idée.

Le titre s’était imposé : « 120 photos d’un fou » pour faire un clin d’œil au titre du spectacle qu’un de ses amis avait joué « 120 voyages du fou ». Il appela ledit ami, il voulait le mettre en scène dans les entrailles du métro marseillais. Mais un projet à la fondation Vasarely pour les journées du patrimoine 2012 lui mangeait tout son temps. Il déclina son offre.
Pas le temps de beaucoup réfléchir. Il était pressé, il lui fallait un élément commun dans les 120 photos à présenter.
Il me regarda… j’ai craint le pire… et ce fut le pire…
« Je n’ai que toi sous la main ! ». Une moue offusquée de ma part alors qu’enfin il m’appelait au secours. « Tu te rabats sur moi car ton copain est indisponible ». Je minaudais… alors que j’en crevais d’envie.
Cinq minutes pas plus à le faire maronner. Et moi, triomphante.
« Tu n’es pas encore prêt ? ».
Nous partîmes… très vite. Il m’expliqua en très peu de mots sa ligne directrice. Je faillis lui dire que je savais ce qu’il allait me demander. J’avais entendu ses explications à ce copain faux-bond que je ne devrais pas oublier de remercier. Avec son débit encore plus rapide que d’ordinaire, il me résuma ses idées : je devais m’asseoir, me tenir bien droite (j’ajouterais bien raide..), être très attentionnée au livre qu’il avait pris au hasard dans notre bibliothèque. Je devrais lire… Oui, ne pas faire semblant après m’être posée auprès d’un passager dont j’ignorerais royalement la présence.
La journée commencée sur les chapeaux de roue se termina en nous trouvant fatigués, usés mais ravis de ce travail sans filet. Je vous livre la photo qui sera sur l'affiche annonçant l’exposition. Car il ne doute de rien, mon Richard : il m’imagine déjà en 4x 3 dans les couloirs du métro.
Nous croisons les doigts et attendons pour demain le verdict… souhaitez-nous bonne chance. Non, cela nous porterait malheur. Dites-nous juste M…


samedi 15 septembre 2012

Désir d'histoires (20), Edition 73 Malakhi





Des mots, une histoire 73





Une nouvelle récolte de mots !



Tous les textes sont ici

Création d’un personnage, Malakhi

Il en rêvait depuis longtemps : une paire de tennis bleu avec des rayures jaunes.
Il se doutait bien que cela n’existait pas, mais il les imaginait à ses pieds.
Et aussitôt, sa fatigue s’envolerait.
Ce poids immense sur ses épaules ne serait plus qu’un mauvais souvenir.
Il volerait presque.

Désolé, ce début d’histoire ne mènera à rien.
Sans queue, ni tête.
Juste cinq phrases jetées sur un écran qui essaient de dresser le portrait d’un personnage.
Ce personnage aurait pu se construite tout autrement.
Il pourrait être un autre.

Il aurait pu ainsi rêver de verrines remplies des meilleurs mets.
Il serait devenu un restaurateur célèbre, affublé de 3*.
Il serait à la tête de l’ancienne auberge que sa grand-mère aurait créée dans le village, berceau de la famille, niché à flanc de colline.
Il en aurait conservé le nom « La bagatelle de Léa ».
Léa est le prénom de ladite grand-mère, anglaise par son père.

Il se souvenait de sa longue chevelure brune, de sa ligne de guêpe, comme disait grand-père. Ce mot l’étonnait toujours. Grand-mère et Maya l’abeille, tout se mélangeait dans ses souvenirs.
Il se rappelait les longs récits dont il ne se lassait jamais.
Encore, encore, disait-il.
Léa racontait l’exil de son père pour les yeux d’une belle normande venue parfaire son anglais lors de si lointaines vacances scolaires.
Léa lui a raconté, au moins cent fois, l’histoire de la vilaine cicatrice qu’elle avait sur la jambe gauche, souvenir de la morsure de son chien Félix. (Normal, appeler son chien du nom d’un chat, de quoi le faire devenir enragé).

Le personnage de cette histoire, à ce moment précis, voudrait retrouver le médaillon où une mèche de cheveux de cette aïeule est encore enfermée.
Il se souvient du médaillon. Il le revoit.
Ce n’était pas un camée, mais un simple médaillon sur lequel une fleur d’hortensia était gravée.
Il souffrait, une mèche de cheveux bruns y était encore cachée.
(parenthèse rajoutée à la relecture : Lapsus révélateur, l’auteur a écrit « souffrait » au lieu de « s’ouvrait ». Vous en étiez-vous aperçu ? Peut-être pas, votre cerveau aura rectifié de lui-même. L’auteur s’en sort comme il peut.)

Le personnage en question continue d’avancer dans la vie.
Il aurait inventé un nouveau concept : commencer le repas par le dessert. Comment ? Ce n’est pas lui l’initiateur de cette riche idée.
Alors, il reprendra une autre idée : les cuisiniers, commis, plongeurs et autre personnel se déplaceront sur patins à roulettes.
Idée à abandonner au plus vite pour éviter des catastrophes inévitables.
Il ne serait pas à prendre avec des pincettes.

D’ailleurs, tout ce qui concerne sa vie tient du passionnel.
Rien ne l’arrête.

L’auteur a oublié de vous donner son prénom : Malakhi, en français, « Mon ange ».

 

lundi 10 septembre 2012

Une photo, quelques mots (47), Je m'appelle Majolique


 

Sur proposition de Leiloona

 

 

Une photo, quelques mots (47)

Publié par Leiloona le 4 septembre 2012 | 1 Response




Je m’appelle Majolique.
Je viens juste de retrouver cette photo dans le grenier de grand-père en marque-page d’un livre au titre bizarre « Mon grand-père était un cerisier ».
Je ne connais pas ce livre. Je ne me souviens pas de cette photo.
Pourtant c’est bien moi sur cette photo.
Je regarde, je m’étonne.
Cela ne peut être que moi. Mais où, quand, comment, pourquoi, avec qui ? Que de questions.

Je m’appelle Majolique.
Oui, c’est moi. C’est bien moi.
L’écriture de grand-père au verso de la photo, je la reconnais, et cette date… illisible… en partie… je vois juste 9 septembre…
Le jour de sa fête… le jour de sa fête… grand-père...
Un jour important pour lui, plus que le jour de son anniversaire.
Il m’a dit pourquoi un jour… mais cela ne me revient pas.

Je m’appelle Majolique.
Et tout d’un coup, tout remonte... Cela va déborder.
Je suis obligée de m’asseoir. La chair de poule m’envahit. Je tremble de la tête aux pieds.
Je crois entendre la voix de grand-père « Tu veux mon doigt  ?».
J’entends aussi le klaxon d’une voiture qui passe dans mon dos.
Je revois aussi l’homme au chapeau qui semble me faire un clin d’œil.

Je m’appelle Majolique.
Mais quelle surprise en regardant la photo !
À qui appartient cette longue jambe ? Un pied au bout d‘une échasse ? Un géant ?
Je ne me souviens pas de l’avoir vu.
Mais je ne me rappelle pas non plus qui a pris cette photo.
Nous étions tous les deux avec grand-père. Y avait-il quelqu’un avec nous ? Qui ? Pourquoi, je ne me souviens plus.

Je m’appelle Majolique.
Cette photo, je la vois pour la première fois.
Je me découvre, je me redécouvre.
J’ai de longs cheveux blonds, une robe à smocks… bleue – je m’en souviens.
Il y avait plein de petits boutons ronds en nacre pour la fermer dans mon dos.
Je me rappelle, je chantais 1,2,3 nous irons aux bois à chaque bouton attaché. Jusqu'’à 9, comme mon panier neuf.

Je m’appelle Majolique.

                            

vendredi 7 septembre 2012

Désir d'histoires (19), Edition 72 - Je m'appelle Majolique



Des mots, une histoire 72




 
La nouvelle récolte pour Des mots, une histoire 72 a donné ceci comme mots imposés :



Tous les textes sont ici.

Course éperdue vers l’impossible étranger.


Je m’appelle Majolique.

Drôle de prénom, as-tu pensé immédiatement en le découvrant.
Je dois être la seule à m’appeler comme cela.
D’après ce que l’on m’a dit, j’ai été conçue sur cette île où je n’ai encore jamais traîné mes pas, à Majorque. Une péripétie parmi tant d’autres dans la vie de ceux qui m’ont offert la vie.

Je te le dis et redis pour que jamais tu ne l’oublies.

Je m’appelle Majolique.

Je dois prendre de la distance… facile à dire… il y a déjà trop de kilomètres entre toi et moi… pas tant que cela pourtant… si je réfléchis bien….
Combien ? Je n’ai jamais calculé. Mais il y en a trop.
Si trop…
C’est trop…
Il va falloir faire un choix.

Mettre en parenthèse notre histoire… quelle idée… d’ailleurs c’est impossible…
Quelle aporie !

Mon instinct de conservation m’en empêcherait.
Trop peur de me noyer.
Comment respirerais-je ? Cela te fait sourire.
Tu m’imagines tout d‘un coup sous une tente à oxygène…
Tu m’imagines… j’imagine ce que tu imagines.
Je ne changerais jamais, penses-tu.

Et tout d’un coup, tu m’imagines
Emmurée…
Oui, c’est cela…
C’est vrai que j’en serais capable.
J’irais là-bas…

Oui, tu sais tout là-haut…
À droite…
Au bout du bout des terres.
Où je t’ai dit et redit que je voulais que tu disperses ce qui resterait de moi.
Je sais, je rabâche...

Je m’appelle Majolique.

Là-bas, personne ne m’entendrait hurler,
Igolo… rigolo… gigolo… igolo… rigolo… gigolo…

L’écho en resterait coi.
Allez, répète l’écho après moi…
Igolo… rigolo… gigolo… igolo… rigolo… gigolo…

Rien. Je n’entends rien.
Répète, s’il te plaît.
Igolo… rigolo… gigolo… igolo… rigolo… gigolo…

Je suis lasse. Et si…

Si j’étais peintre, je prendrais mon crayon de charbon.
Je te croquerais et laisserais partir au vent ces traits non satisfaisants de toi.
Normal, je ne sais pas dessiner…
Donc inutile d'essayer.
Ce ne seraient que gribouillis inutiles et informes.

Si j’étais musicien, j’aurais pu faire vibrer mon archet et jouer ce titre que tu aimes tant…
Mais je ne sais même pas reconnaître un la d’un si.
Mes oreilles sont sourdes et mes mains gourdes.
Il ne faut pas rompre le charme du bruit des vagues furieuses
Elles s’écrasent sur les rochers qui entourent le phare d’Ar Men

 (image éloquente et toute en force - © www.jean-guichard.com)

Je m’appelle Majolique.

Me voilà repartie toute en exagération !!!
Comme tu le dis parfois, toi mon impertinent, cela chapeaute là-haut.
C’est le moment de la rentrée des foins.
Il faut que je retourne chez moi, vers nous.
Changement de direction, j’abandonne la mer.

Et suivant mon inspiration, je prends la route.
Je suis à perte de vue les rubans d’asphalte à travers la Beauce.
Je veux rentrer chez nous.
Je reprends la route.
Je fais une halte au Clos des raisins…

Tu te souviens…
C’était un 32 octobre.
Mais je n’ai pas voulu pousser la porte…
Tu n’étais pas là. J’ai eu peur de ton fantôme.
Pourtant…

Je m’appelle Majolique.
J’oublie ma détresse.
J’oublie les flots qui m’attiraient tant.
L’euphorie me gagne.
Les blés ondulent à perte de vue.
Mais tu es toujours présent dans mon esprit.

Tu me poursuis.
Je suis trop sensible.
Je sens.
Je ressens…
Je suis à fleur de peau.

Ton absence me fait toujours aussi mal.
Ton attitude hautaine me jette à terre.
Tout se bouscule.
Je ne sais plus où j’en suis.
Je suis Majolique, ta magique.

Je m’appelle Majolique.




Les vases communicants (13), Eve de Laudec Mes Moires


Dans le cadre des vases communicants de septembre 2012

Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...


J’ai commencé à échanger avec Ève, si je peux me permettre.

En regardant d’un peu plus près, un ami, façon de parler, commun sur FB : Hervé le Tellier.

J’ai eu le plaisir de participer à quelques ateliers avec lui et donc de le côtoyer au village.
Et tout d’un coup, une envie soudaine d’OuLiPo m’a prise.

Maladie contagieuse parfois… quand on avale la potion magique concoctée par les mots des Oulipiens…

J‘ai fouillé dans ma bibliothèque.
Et cela s’est imposé…
Et si on s’amusait au « Je me souviens »…
mais il y en a tant…

Et j’ai regardé de nouveau le nom du site d’Ève

J’avais mal lu… c’était

Bienvenue sur l'emplume et l'écrié


Et j’avais lu… la plume et l’encrier…

Et si on écrivait des « je me souviens » autour de ces deux mots…

Qu’en pensez-vous Ève ?

A cette proposition charmante, j’ai bien évidemment répondu oui, avec plaisir et  me suis plongée avec un peu d’appréhension dans les profondeurs de mon subconscient qui avait  guidé ma main  pour ce choix de l’Emplume et l’Ecrié. Au-delà de la sonorité et du jeu de mots, j’ai donc sondé profond pour vous présenter quelques ressentis que m’ont dicté ce plongeon. J’écris rarement sous une contrainte, aussi j’espère que dans cet échange je ne vous décevrai pas !


Mes Moires ondoyantes, je me souviens.

Je me souviens du geste, la
 Cigarette du père, bout ondoyant, irisé, naissent de la nuit ombreuse mille danseuses, arabesques chatoyantes, plumetis rouge sang, la
Main calleuse, sèche du grand-père qui cisèle au couteau le radis en pétales, en libère l’âme, sculpte les plumes roses.

Je me souviens de l’innocence
 Marquise de papier crépon, petite fille modèle à l’aigrette opaline
Caresses légères, cils vibratiles, peau rétractile,
Petite fille papier buvard, assaillie, pétrifiée, diaprures de soleil pâle violant le sous-bois,
Le rapace noir plane et attaque, plaque et atteint, plumes souillées sombres, suintent, encre invisible, l’emplume s’éparpille, ébouriffe la luette, se rejoint en amas et se fond sans criée.

Le pistil venimeux
Des ailes du corbeau
Dans un halètement d’ailes
Sur une âme perchée



Je me souviens du temps
 L’emplume est tapie sous le froid,
Rémiges lustrées, nacrées d’un crachin breton béton, larmes effilées, penne mort-dorée, mort-léchée, langue verte de gris
Elle attend, sans conscience, elle attend
L’écrié

Et le temps s’amollit
Et rit de ses avants

Je me souviens que le froid cède aux saisons
 Elle a deviné météo.  Savoir le vent caresse, au sens zéphir, au sens désir, isohypses emmêlés et pinceau effleuré, et de trille engorgée en ramage libéré, mélopée oulipienne, la plumée poésique  se répand au courant ascendant, mais

Je me souviens de
 Lui, l’aigle arc-en-ciel aux plumes exaltées, pointillées de murmures, en feu et à corps et à rire et à rire et… à cri, et les plumes en nervures, soufflées, explosées, balayées,  ramassées à l’appel, gong acier, enclume, emplume.
 Lui, l’aigle arc-en-ciel perce le cœur de l’O qui s’écarte, se distend, ne veut rompre, cède, éclate, enfin parler, enfin, hurler l’effroi originel qui déplume, tournevrille, tourneboule, ronde infernale des danseurs de la pluie, échassiers aux cernes mauves, les derviches insensés torsadent la couleur passée d’un avant dépassé, mots fulgurance, clamés calmés, gueulés, rugis rougis, éructés, vomis, éjectés, encrés ancrés, pondus, griffonnés griffés,


Incandescente mémoire criée, écrite, décriée, écriée

Le temps réconcilie
L’emplume et l’écrié

Eve de Laudec 12 août 2012
Les deux tableaux sont de Belsinski 

La liste de tous les autres échanges est ici.

Les vases communicants (12), Pour Claude Favre


Pour Claude Favre

Vase communicant collectif septembre 2012

Grâce à Ana B
Et à son message du 8 août 2012
« je devais en septembre accueillir Claude Favre dans le jardin sauvage, mais en juillet la voix les yeux le corps de Claude Favre se sont tus - depuis quelques jours Claude Favre voit de nouveau la couleur du jour - alors pour ces vases communicants de septembre je souhaiterais écrire pour elle et avec vous - vous c'est à dire lecteurs de Claude Favre porteurs comme moi de sa voix de son écriture forte cinglante si particulière - merci de me répondre - les textes seront mis dans le jardin sauvage (Claude n' a pas de blog ) et envoyés à Claude Favre –« 

Un collectif de mots qui fait vibrer… et donne encore plus envie de lire, relire, découvrir Claude Favre…

Découvrez ces textes…

Les yeux de Claude Favre – Brigitte Célérier



Les yeux de Claude – les yeux de Claude ont repris vie, dit-on – leur souhaitons, leur demandons de lui porter joie.
Les yeux de Claude, la rare, la toujours présente – les mots de Claude, force, violence, et tendresse, et justesse et rire parfois – besoin en avons
Eux, yeux de Claude Favre leur demandons juste l'acuité qu'elle en attend, juste
et mes yeux lisent, entendent:

ça râl'caboche et son branle
ça crac le cœur

et nœuds des yeux dans le
ciel étonnant

et racl d'faces cœur bunker
plus on sait plus des espoirs (Cargaison – Atelier de l'agneau)

Claude Favre, derrière ses mots –résistance, rouge - leur poésie forte, leur violente tendresse
Les yeux, les mots, Claude, suis là lointaine et timide, ne peux qu'essayer de comprendre, vraiment, ne peux que ne pas oser penser pouvoir le ressentir



À Claude Favre - Sabine Huynh



lire qu'en juillet la voix les yeux le corps de Claude Favre se sont tus & se dire chère Claude Favre la mer devant vous la mer derrière vous courage Claude Favre dont on ne connaît que la respiration le souffle obstiné la "mal langue" les défis & les dérapages fulgurants

penser à Claude Favre dont on a vu des photos entendu la voix deviné les bracelets monter et descendre sur son bras & dessous les os & se dire que dans leur moelle s'échafaudait déjà le gris du jour où la main a cessé de répondre le visage de sourire la rétine de capter

imaginer Claude Favre fauchée Claude Favre à terre_ du malaise noir plein la tête les cheveux comme un rideau de crêpe tiré sur ses traits fatigués Claude Favre en mémoire muette en bouche fermée sur des plaisirs enterrés vivants roulés en boule en chute libre dans sa gorge sèche

voir Claude Favre à la fois immense & minuscule Claude Favre touchée atteinte éteinte volée vouloir étreindre Claude Favre pour ramener Claude Favre à la voix à la danse à l'illusion s'il le faut comme si l'on détenait un quelconque pouvoir au-delà du vouloir & du croire

savoir que Claude Favre a fichu le camp voir Claude Favre autrement dans l'antichambre immobile Claude Favre harcelée par les tais-toi le visage tourné vers le mur & se demander si lamentations il y a eu si de l'autre côté du seuil on est aussi seul que du côté de la frayeur de vivre

être loin de Claude Favre mais espérer que ces lignes lancées par-dessus les ondes atterriront chez elle écrire "j'irai vous voir demain" en le pensant étirer les doigts les bras le cou jusqu'à Claude Favre jusqu'à la caresse jusqu'au baiser jusqu'au réveil au retour de Claude Favre

aux dialogues avec Claude Favre à ses mots qui s'ébrouent et merdRent gaiement en évacuant le goudron de leur ailes pour l'envolée




 
À Claude Favre - Jean - Yves Fick



quelque   /   du   /   soir   /   l’heure
la   /   voix   /   passe   /   l’ombre
d’une   /  aile  /  inaudible
la   /  nuit   /   s’enracine.

les   /   sources  /   vont   /   rares
au   /   mitan   /   des   /   pierres
l’âpreté   /   des   /   vents
dessine   /   des   /  runes.

un   /   lent   /   brasier   /    – l’étoile
glisse  /  sur  /  l’eau   /   nocturne
le   /   silence  /   dilate
l’obscurité   /  des  /  voûtes.

ni   /   chemins   /  ni   /   pas
d’ici   /   le   /   lieu   /  seuil
à   /  toujours   /   rejoindre
quelque   /  feu   /   aveugle.

le  /   dièdre   /   se   /   clive 
où   /  la  /  forme  /    incline
le   /   rêve   /    déferle
le   /   souffle   /   s'emporte.


que   /   le   /    pas   /   délaisse
d’un   /    geste   /   la   /    nuit
une   /   voix   /   diurne
endort   /   les   /   étoiles.


d’où /   sont   /   les  /   visages
la    /   rive   /  les   /   flots –
mais   /   l'eau   /    impassible
reflète   /   cette   /    aube.



REPOS DU MINOTAURE - André Rougier



À Claude Favre, sans qui rien n’aurait été comme il est

Ce qui vient:
ruban qui se dévide,
butin furtif,
lent en ses enfances, ruine
que tout ronge et que
rien n’interrompt,
affût des faucons
que le temps toujours
finit par assouvir,
pans, strates et viles
questions pour de bon arpentées,
imbibant toutes poignes,
toutes saisies, toutes infortunes,
et les paupières pliées,
la fièvre veuve, l’âge sans raccord,
l’ombre qu’on mutile,
le regard comme déchu
sous les doigts en sang
de l’accoucheur,
don des rages du retour,
de l’acte comme oubli,
et (même flairant le piège)
de l’obscur plaisir de s’en aller
jusqu’aux bois de passage,
et la tenaille du feu,
tâche à parfaire, toujours,

mais à l'écart, là où
rien, ne fut en vain
forgé et soupesé,
ni la blessure de grandir,
ni la plaie de trop
qui moque, mais ne t’altère ni ne
te discerne



En gueuloir & veines saillantes -    Christian -- g@rp

---------------------------------

Le chaos n'est pas là où on croit
Mais d'un mot ça saute à l'autre & dans l'espèce d'espace né entre les deux qui pas n'existe,
ce pas, de côté, l'interstice, fracturant le vide du silence de la page, des forces en présence
apparaissent, combat se livrent, avec cri de guerre hallali à l'assaut du son, de la langue, les mots,
l'écho du son des mots de la voix, se heurtent, entre chocs,
croisent le faire jusqu'au jaillissement des étincelles de la - vois ! - langue de guingois
- première impression -
l'avant garde qui jamais ne se rendra
- tordue pour mieux t'écouter lire mon enfant
- deuxième impression -
jusqu'à ce que la langue
d'abord lue en tête à tâtons résonne en voix de l'envers
et contre tout à la fin touche.
Du k.O apparent des mots jaillit alors l'ordre dissimulé
camouflé de la langue en tenue de combat à l'assaut du réel lancée en roquette,
en flammes
avec l'o(r)eil(lle) aiguisé(e) d'un sniper
- shot ! -
tranchant net sec l'épaisseur du quotidien âpre paré de la ouate étouffante anesthésiante administré à la volée en becquetée à moineaux
- nous.
Le chaos n'est pas où on croit, car lui veille -
- shoot ! -
- un jour demain la vie est belle comme une overdose -
- shot ! -
discussions
à bras le corps à haute voix
à prendre
à lire
en gueuloir & veines saillantes





(pour Claude Favre) - Arnaud Maisetti


Pas le silence
(pour Claude Favre)

le cadavre sort par la
langue, c’est quand même
une histoire vraie
le tournis c’est sûr que
pas le silence, c’est sûr
que pas le silence,
C. F.

Dit la langue est matière de vivant, celle qu’on mâche dans la bouche longtemps dans le noir pour pouvoir ensuite, fort, la lancer, parois du monde qui résiste ; dit la langue résiste le monde, l’arrête, ses scandales ses douleurs ses blessures, c’est dans la bouche les mots comme du verre pillé et quand ensuite tu l’ouvres, coulent tant, et tes doigts trempés, à la source pure des lèvres, et la page qui vient s’écrire elle porte cela aussi, qui la nomme, coulure transparente aux amertumes ; dit aussi quand délire le monde ses fables et que soudain on voit, nous, ce qu’on ne verra jamais de nos yeux tus : et les rêves partout qui débordent, les lèvres comme des mains portées sur le noir partout pour l’agrandir, et sur les parois les ongles, qui s’arrachent, y déposent de la peau, ce n’est rien, ce n’est rien, et avance la langue encore pour, encore, arracher la peau morte des murs, les doigts à l’encre sèche reviennent à la bouche pour encore rouge de noir ainsi léchés reprendre la marche, plus loin plus loin ; dit la vie n’est pas ce que l’on nous avait dit, toute cette masse inerte de corps qui dans les rues forment ce caillot de pensées dans le corps inerte du monde amassé partout, il faut bien qu’un vienne et dise : non, ce n’est pas cela, du monde j’en ai le corps plein aussi, et c’est un autre, oui : la langue viendra à sa blessure pour dire : ce n’est pas cela, ce n’est pas cela, parole de vivant ; dit le rêve quand on ferme les yeux possède la même couleur de nuit mais c’est pour mieux la voir, alors la langue s’y enfonce, et parfois plus longtemps qu’une nuit, parfois plus longtemps que deux nuits ; trois commencent l’éternité du réel qui lui résiste ; alors le prix à payer ; dit la vie le prix à payer de la vie, je n’ai pas la monnaie et le froid quand il fait froid, je n’ai pas la monnaie du temps qui passe, dit le corps qui là au milieu de la pièce peut tomber, et se réveille ailleurs, et toutes ces visions de la mort quand on la met au passé ; dit la mort enfin, mais c’est seulement pour ne pas la dire jamais, et dire : parole de vivant puisque l’au-delà n’existe qu’en moi, c’est cela que mon visage porte sur le visage ; dit le visage de mon corps, blessé, mais tenu à bout portant de nous, comme pour nous dire : je dis encore ; dit le monde impossible, son organisation aberrante, un port d’où on ne part pas, juste un quai, le monde comme un quai, et tout ce monde là qui tourne le dos à la mer pour vider les poissons, dit les corps des poissons quand on les vide, comme on viderait le corps et la tête de toutes ses pensées, mais la pensée résiste, et chaque poissons morts entre les doigts portent la mer en lui et son désir, et la rejoindre aussi, masse mouvante sur corps vague qui dérive ; dit la dérive, mot de dérive : s’être retrouvée au bord extrême du vieux monde, et n’avoir rien pour franchir que la langue : la langue franchit, alors ; dit chaque mot dans le noir pour l’enfoncer, et dans la gorge, se dira autre chose que le mot mais parole de vivant, la vie qui insiste, qui ne cesse pas de réveiller le corps même si après être tombé, le corps articule les mots plus lourds, ceux qui demeurent vivent encore plus loin que nous ; alors, dit la langue pour nous dire ce qui au plus profond de la langue vit encore, pour que nous, pauvres de corps et sans la mort pour nous, puissions suivre des yeux la trajectoire de la vie sur la peau morte du monde qui l’invente ; dit après le silence, que le silence est mort, lui aussi, d’avoir été accompli et franchi, et qu’au réveil, la langue puisse dire : pas le silence, et tout ce qui lui résiste, le corps posé au travers de la gorge du monde, pas le silence, jamais
  
play contre play - ana nb



elle jette la langue suppliante - play - elle jette la langue disciplinaire - play - elle jette les lignes les phrases les chapitres  - play - à la gueule ouverte des conclusions sans X
play - contre play- de quel temps sa voix incarnée
elle rapte les signes des abysses - play - street abysses - play -
 elle bat l'écriture glorieuse - play - elle bat l'écriture vaillante - play - elle bat toutes les écritures trompeuses - play -
elle porte l'épée dans sa langue elle enfonce les sons hurlés sous ses ongles dans son palais dans la crypte du récit à purger
play - contre play- de quel temps sa voix incarnée
elle rapte l'apesanteur - play - street apesanteur - play
elle abat le roi malheureux -  play - elle abat le procurateur de l'introduction - play - elle abat le lexique captivant - play - elle abat le ciment serré de la  juste syntaxe - play
elle claque sa voix contre les ruines de la confusion  elle trace un cercle les yeux fermés - et au- delà elle brise la lenteur sonore du ciel
elle crache l'air vide - play - elle crache l'air du rien - play elle brise le cercle aux origines brumeuses -play
elle tourne elle tourne elle vacille elle tangue  elle tourne avec la solitude de l'araignée
elle se tient là - elle cache dans ses os dans sa peau dans ses yeux la luz luces lumière
elle capte l'inverse des pierres - play
le corps arrêté de l'enfant - play - dans sa bouche le mot peur -le corps arrêté de l'enfant - play - dans sa bouche le mot faim - le corps arrêté de l'enfant -play - dans sa bouche le mot sommeil - le corps arrêté de l'enfant - play- dans sa bouche le mot froid - le corps arrêté de l'enfant -play - dans sa bouche le mot guerre - le corps arrêté de l'enfant - play - dans sa bouche le mot feu - le corps arrêté de l'enfant - play -dans sa bouche le mot maison - le corps arrêté de l'enfant - play - dans sa bouche le mot soldat -le corps arrêté de l'enfant - play - dans sa bouche le mot cicatrice - le corps arrêté de l'enfant - play - dans sa bouche le mot frontière - le corps arrêté de l'enfant -play - dans sa bouche le mot - musique
play - contre play - de quel temps sa voix  incarnée  



« ça me triste » - Danielle Masson


- 1 -

« ça me triste » de ne vous avoir découverte que dans le feuilleton de Poezibao en ce début d’été 2012 !!!!

- 2 -

« ça me triste » de ne pas avoir appris le pluriel des mots en –ou avec vous.
Un bijou ce poème (Poux et peaux).
Il m’en reste un caillou dans ma chaussure qui me fait mal de ne pas vous avoir entendu le dire ou le lire, je ne sais le mot approprié.
Mon genou se serait-il plié en signe d’admiration ?
Les hiboux veillent et écoutent eux aussi. Ils sont choux.
Vous avez fait joujou avec les mots conjugués au passé ; ils me vrillent les oreilles.

- 3 -

« ça me triste » de ne pas avoir lu plus tôt votre « pas de titre ni rien ».
J’étouffe.
je sombre.
je litanie à bout de mots autant de « es-tu là. » hurlés que vous.
Je mets un ? contre votre ..
Je suffoque à chacun de vos points posés.

- 4 -

« ça me triste » d’être entrée à reculons dans votre Agencement Répétitif Névralgique (ARN) « brûleurs ».
je ne savais pas quelle page commencer.
L’ordre était-il vraiment si important ?
Les mots sont trop forts.
Ils hurlent dans mes oreilles.
Quelle terre d’asile vous nous tend les bras ?

- 5 -

« ça me triste » de lire et relire « Vrac conversations, ». Il n’est jamais trop tard.