Dans
le cadre des vases communicants d’avril 2016
Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...
Autour d’une photo proposée et partagée et mise
en mots.
La Baume Les Aix -
mars 2016 - DM
Je
n'avais jamais quitté la ville. J'avais toujours vécu dans ces réseaux de rues
inextriquées, ponctuées de squares, de pigeons et de hauts murs. Je suis une
fille sans mystère, disponible et sans rendez-vous fixes. Je travaille dans une
banque. Comment ai-je un jour atterri là, je ne m'en souviens pas. Je possède
la clé du sous-sol qui mène aux coffres, il faut croire que ma tête inspire
confiance. Régulièrement des types se pointent pour aller déposer quelque chose
; tous ces types plein de diamants, de lingots ne m'intriguent pas. Je suis une
fonctionnaire de porte : j'ouvre, je ferme, tape un code, accessoirement
j'accompagne ces hommes qui ont tous la même tête, les mêmes enveloppes
marrons, les mêmes mallettes. Sans moi ils ne peuvent rien. Avec ma clé
j'accède à leurs désirs profonds, mettre en sûreté l'argent, les possessions,
l'avoir. Je peux les observer de dos quand ils avancent dans le long couloir.
Ils ont les mêmes dos qui dissimulent, ils ne parlent pas, ils avancent et ont
hâte que ma clé ouvre leur paradis. Je vais, je viens, évidemment ce n'est pas
régulier mais pas un jour ne passe sans un accès aux boîtes. Ils cachent des
espèces, des faux papiers ou des testaments. Cette clé les guide et les inspire,
les fait bander. Parfois dans un angle mort sans caméra je suce un de ces types
dont j'ignore la tête. J'ai le pouvoir, j'ai une bouche, j'ai des mains, je
caresse, je soulève, je malaxe, je malmène, je soulage. Ma clé ouvre des
abîmes. Les femmes sont plus rares. Apparemment je ne les intéresse pas. Elles
ont tort, mais je ne peux pas les y obliger. Leur drogue, leurs bijoux, elles
les gardent et les observent. Dans les tiroirs, sous les dessous, on planque
les colliers de mamie ou d’un ex comme un souvenir, une marque dans la chair.
Les hommes s’en foutent. Les hommes ont une capacité à l’oubli. Et puis le soir
vient, je regagne la rue et les hauts murs. La clé bien au fond de mon sac, je
respire la ville noire.
Grand merci à Anne-Sophie
Et
que sont les VASES COMMUNICANTS ?
« François Bon Tiers
Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier
d’avoir trouvé ce titre de vases
communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit
sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les
échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens
autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Beau programme qui a
démarré le 3 juillet
2009 entre les
deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres / open space d’Anne Savelli et Liminaire.
Si vous êtes tentés
par l’aventure, faîtes le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants…
2 commentaires:
Noir sera ton dernier mot (ou plutôt noire !). Merci pour ce texte frappé clair et net comme je les aime...
Un diamant brut. Merci pour ce beau texte.
Enregistrer un commentaire