Le
lundi 7 février 2012
La galerie de Kot² : Street Shades – 8 décembre 2008
Tous les textes sont ici
Agnès
J’y prends goût à cette
galerie de personnages qui s’allonge de semaine en semaine. Cela m’a redonné
goût à l’écriture.
Eh oui, il n’y pas d’âge
pour se faire plaisir. Cela me permet de m’évader une heure chaque semaine.
Là, j’ai pioché cette
photo. J’ai laissé les mots guidés ma main.
J’imagine qu’une belle
inconnue répondant au prénom d’Agnès hante les rues de la grande ville, tous
les lundis soirs.
Je la surnomme « la
fiancé des corbeaux ».
Regardez sa silhouette
noire dont les pas glissent tout doucement sur le trottoir. Elle avance sans
bruit.
Elle marche semaine
après semaine, suit toujours le même chemin, parcourt sans répit les mêmes rues
à la poursuite d’un fantôme.
Un jour, Agnès a perdu
la trace de celui qui lui avait retourné le cœur.
Un jour, il n’est pas
venu à leur rendez-vous habituel du lundi soir.
Un jour, Agnès a perdu
la tête et depuis ce jour, elle fait, refait le chemin qu’ils avaient
l’habitude d’emprunter tous les lundis soirs : du bureau d’Agnès où Pierre
venait la chercher à 18 heures précises, puis ils remontaient bras dessus-bras
dessous la longue avenue vers le petit bistrot où ils mangeaient un
croque-monsieur avant se rendre à la séance de 19.30 du cinéma du quartier, une
salle comme il en restait si peu, un film d’Art et essai. Puis Pierre la
raccompagnait chez elle, ils passaient la nuit ensemble et se séparaient le
mardi matin à 8 heures très exactement.
Cela avait duré
trente-deux semaines exactement et puis plus rien.
Plus personne n’était
venu chercher Agnès à son travail.
Un lundi, elle se dit
qu’il avait eu un contretemps, qu’il n’avait pas pu la joindre.
Mais au bout de cinq
lundis, Agnès commença à s’inquiéter. Mais elle ne connaissait que son prénom,
lui seul pouvait la joindre, lui seul avait son numéro de téléphone, lui seul
savait où elle habitait. Elle ignorait tout de lui.
Agnès perdit sa santé,
s’enferma chez elle, perdit son travail, se cloîtra pour ne plus sortir que
chaque lundi pour refaire toujours le même itinéraire.
Qu’était devenu Pierre,
elle ne le sut jamais.
Si Agnès avait lu le
journal, le mercredi suivant leur trente-deuxième lundi, elle aurait appris
qu’un homme de 32 ans avait été fauché par une voiture à un peu plus de
300 mètres de chez elle.
Elle aurait appris qu’il
était marié et laissait orpheline une petite fille de 5 ans, répondant elle
aussi au prénom d’Agnès.
10 commentaires:
bien construit... et belle journée Bises
Je viens de tout lire d'une traite, dérouler avec toi ton album photos était fort agréable.
Dans l'ensemble les textes ne sont pas très gais, sont-ce les photos en noir en blanc qui inspirent ce genre de choses Ou bien ce froid qui empêche les zygomatiques de se dérider ?
oh dis donc quelle histoire. cela me fait penser au livre le libraire a aimé. Bien écrit.
J'aime bien ce texte qui commence par un "je" auquel on peut s'identifier (surtout quand on a soi-même travaillé sur la photo), puis qu'on oublie vite pour suivre avec attention un personnage dont on sait pourtant qu'il n'est qu'imaginaire.
Bonjour
souvent on ne veux pas penser au pire, mais parfois il le faudrait: dure leçon de l'histoire!
j'aime
Antonio
J'aime beaucoup la structure de ce texte !
Et vive le retour du 32 ! ;)
J'ai bien aimé ton texte qui est d'un romantisme absolu. La chute, un peu inattenue, est racontée sobrement
et donne toute sa force au texte.
A tantôt
C'est très bon ... Force d'une nouvelle lorsque l'écriture est juste et incisive.
merci
Quelle belle et si triste histoire !
Et bien, c'est triste qu'une histoire si secrète tourne court dans le mensonge. Mais souvent dans l'amour, rien n'est logique, et on ne pense qu'à des choses insensées qd qqch ne s'explique pas...
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