Une photo, quelques mots (47)
Je viens juste de retrouver cette photo dans le grenier de
grand-père en marque-page d’un livre au titre bizarre « Mon
grand-père était un cerisier ».
Je ne connais pas ce livre. Je ne me souviens pas de cette
photo.
Pourtant c’est bien moi sur cette photo.
Je regarde, je m’étonne.
Cela ne peut être que moi. Mais où, quand, comment, pourquoi,
avec qui ? Que de questions.
Je m’appelle Majolique.
Oui, c’est moi. C’est bien moi.
L’écriture de grand-père au verso de la photo, je la reconnais,
et cette date… illisible… en partie… je vois juste 9 septembre…
Le jour de sa fête… le jour de sa fête… grand-père...
Un jour important pour lui, plus que le jour de son
anniversaire.
Il m’a dit pourquoi un jour… mais cela ne me revient pas.
Je m’appelle Majolique.
Et tout d’un coup, tout remonte... Cela va déborder.
Je suis obligée de m’asseoir. La chair de poule m’envahit. Je
tremble de la tête aux pieds.
Je crois entendre la voix de grand-père « Tu veux mon
doigt ?».
J’entends aussi le klaxon d’une voiture qui passe dans mon
dos.
Je revois aussi l’homme au chapeau qui semble me faire un clin
d’œil.
Je m’appelle Majolique.
Mais quelle surprise en regardant la photo !
À qui appartient cette longue jambe ? Un pied au bout
d‘une échasse ? Un géant ?
Je ne me souviens pas de l’avoir vu.
Mais je ne me rappelle pas non plus qui a pris cette photo.
Nous étions tous les deux avec grand-père. Y avait-il
quelqu’un avec nous ? Qui ? Pourquoi, je ne me souviens plus.
Je m’appelle Majolique.
Cette photo, je la vois pour la première fois.
Je me découvre, je me redécouvre.
J’ai de longs cheveux blonds, une robe à smocks… bleue – je
m’en souviens.
Il y avait plein de petits boutons ronds en nacre pour la
fermer dans mon dos.
Je me rappelle, je chantais 1,2,3 nous irons aux bois à chaque
bouton attaché. Jusqu'’à 9, comme mon panier neuf.
Je m’appelle Majolique.
6 commentaires:
petit fragment d'enfance, papi qui sermonne, la petite robe qu'on aime..Joli !
Oui jolie évocation des souvenirs qui remontent...
C'est très parlant et si joli ! Cette situation est familière pour tout un chacun, je pense. Et elle est ici très bien rendue !
J'aime beaucoup l'évocation de ces souvenirs, on ne peut s'empêcher de penser aux siens aussi. :)
C'est probablement ce que que je dirais à mon petit fils s'il mettait ses doigts dans son nez. Pourtant qui ne le fait pas ? Regardez ce que font les conducteurs à un feu rouge !
Un petit morceau d'enfance qui remonte, comme une bulle. Tout y est le grand-père qui gronde, la robe à smock et ses boutons et la comptine. On s'y croirait, on y est!
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