Dans le
cadre des vases communicants du
mois d’août 2013
Ne pas écrire
pour, mais écrire chez l’autre...
*« En ce temps-là, le
léopard n'avait pas de taches, mais une belle robe couleur de sable » est l'incipit de « Les taches du léopard » (« How the Leopard
Got His Spots »), un des contes
des Histoires comme ça (Just So Stories) de Rudyard Kipling.
Un incipit qui a donné naissance à une longue phrase…
Prenez votre souffle, appréciez, délectez-vous en…
Puis relisez-là à haute voix…
Une phrase (idiote) comme ça
En ce temps-là, le léopard n'avait pas de taches, mais
une belle robe couleur de sable* et, là où le félin vivait, le commerce se
portait à merveille puisqu'il n'avait pas encore été importé – la mode
vestimentaire non plus du reste (ce qui ne devrait même pas être précisé
puisque, comme tout le monde le sait, les animaux – hormis quelques-uns d'entre
eux, domestiqués, amourachés de créatures accrochées à leurs escalopes
milanaises ou alors tout simplement nés pour foutre le bazar – n'ont jamais
couru les soldes ni léché les vitrines sauf lorsqu'un porc-épic suicidaire ou
un lièvre inconscient ont eu l’outrecuidance de les tenter en venant frotter
leur croupe affamée de sexe contre la vitre d'un 4x4 abandonné) et comme le
commerce du prêt-à-porter n'avait pas encore fait son apparition dans ces
régions (bien que les félins auraient pu se demander pourquoi ces bipèdes
qu'ils apercevaient parfois – fusils, clopes, portables, filets, jumelles,
etc., dans leurs mains – s'emmitouflaient dans de drôles de feuilles et de
lianes colorées) jamais on n'en parlait lors des réunions mensuelles ou quand
on se retrouvait près du lac pour boire un verre et qu'on papotait longuement
avant la sacro-sainte sieste crapuleuse, mais voilà, comme toute chose, bonne
ou mauvaise, a une fin, il avait suffi qu'un drôle de zigue se pointât la
gueule enfarinée (on ne connaîtra jamais la vérité, le boxeur Australien ayant
été apparemment shooté dans son bush natal avant d'être largué en pleine
savane) dans l'antre de la première famille léopard venue, en slip et non à
poil comme il aurait dû l'être, pour changer à jamais la donne et le paysage et
les couleurs et les mentalités de toute cette région jusque-là préservée (comme
vous l'aviez sans doute deviné) et ce n'est pas rien vous savez ce que le
kangourou titubant a fait ce jour-là (malgré lui, il est sans doute devenu
l'inventeur de cette chose qu'on enseignera plus tard aux étudiants de première
année dans les écoles de commerce, de publicité, de marketing et de
communication : créer du désir mais surtout créer le besoin), ce n'est pas
rien, non, la famille léopard pourrait d'ailleurs témoigner qu'elle a commencé
à se déchirer à ce moment-là : trop classe son slibard, je veux le même,
maman, ce soir je vais à une teuf dans une grotte tu pourrais m'acheter le
même ? (exemple de demande qu'on aurait pu enregistrer si le ZOOM H4n
avait existé), les fils léopards sautant partout, les filles léopards ne
quittant plus des yeux le calfouette du rouleur de mécaniques, les mères se
signant, les pères devant reconnaître qu'ils se sentaient soudain dépassés par
les événements, si bien que, pour tenter de remettre un peu d'ordre dans la
savane, le vieux léopard avait dû demander au kangourou s'il pouvait céder son
calbute (il aimait le blanc), alors ce dernier (quel malin, ce roi du triple
saut) avait rétorqué qu'il avait besoin du sien mais que, s'ils le désiraient,
il pouvait leur en faire faire, mieux même, que, pour satisfaire toutes les
demandes (parce que bientôt il y en aurait des milliers), ils devaient
construire une usine et des machines et travailler et travailler et travailler
pour produire des calcifs comme le sien,... (pas la peine de s'étendre sur ce
procédé qu'on connaît bien), qu'il pourrait ensuite leur vendre le produit fini
à l'unité ou par lots (des nuits ensuite à créer une monnaie : sur ce
coup-là, ce sont les singes qui ont pris le dessus et le contrôle de la banque
centrale), qu'ils pourraient ainsi les acheter et que, pour aller plus loin
encore, on ne les ferait pas blancs, mais de la couleur de leur pelage (so
chic, bondissait le marsupial) mais voilà, alors qu'on était sur le point de
trouver un accord, les zèbres ont débarqué en masse, et les lions aussi, puis
sont venus les oiseaux, les papillons, les paons, toutes sortes d'animaux
tachetés, ocellés, tigrés, qui eux voulaient un slip rappelant leur pelage ou
leur plumage mais, malins chez les malins, ceux-là avaient d'emblée souhaité
pouvoir se les échanger lors des soirées très private (le paon rêvant
d'arborer un slip kangourou, le petit satyre des bois celui du jaguar, etc.),
si bien qu'à la fin seuls les léopards (les dindons de la farce) se sont
retrouvé avec des barslows unis, sans intérêt, mais fort heureusement (on a
choisi une histoire qui se termine bien), la petite d'un léopard, en tombant
amoureuse d'un ocelot, donnera naissance quelque temps plus tard à l'élu, au
patron : un animal tacheté (il en aura fallu du temps, n'est-ce
pas ?) qui deviendra naturellement (après dépeçage) le premier modèle de
slip léopard, ce must-have qui détrônera rapidement, et de loin, le slip
kangourou, kangourou qui, selon nos sources à sec, aurait disparu du jour au
lendemain (on n'est plus à une bizarrerie près) sans demander son reste ni son
froc.
Christophe
Grossi, 26 juillet 2013
Grand merci à Christophe Grossi
Merci également à Brigitte
Célérier dont il faut saluer la somme de travail
tout au long du mois pour rassembler tous les liens et allez lire ses
impressions de lecture… un petit bijou chaque mois.
Et que sont les VASES
COMMUNICANTS ?
« François Bon Tiers
Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ
cela s’appelait le Grand dérangement,
pas peu fier d’avoir trouvé ce titre de vases communicants) :
Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à
chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation
horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire
chez l’autre.
Beau programme qui a démarré le 3 juillet 2009 entre
les deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres
/ open space d’Anne Savelli et Liminaire.
Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes
le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants…
1 commentaire:
Une drôle de phrase bien peuplée et animée. J'ai souri à plusieurs reprises. J'ai particulièrement aimé au début l'idée de ces animaux ", domestiqués, amourachés de créatures accrochées à leurs escalopes milanaises ou alors tout simplement nés pour foutre le bazar
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