Dans le cadre des vases
communicants d’octobre 2014, mon 36ème échange de mots,
Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...
Un échange de photos, de phrases d’une auteure que j’apprécie
beaucoup, Anne Luthaud.
Merci
également à Brigitte Célérier dont il faut
saluer la somme de travail tout au long du mois pour rassembler tous les liens
et allez lire ses impressions de lecture… un petit bijou chaque mois.
Place aux mots de Dominique ...
Nature et découvertes
« L’eau sur laquelle
je suis, c’est l’Atlantique, mais
on dirait la Méditerranée,
plate, chaude, sans odeur,
brillante. Immobile
surtout, égale. Et sans fin. Tant
mieux.
Il était où ton phare, le
gardien ? » [i]
Le tangage n’avait pas cessé, la houle persistait et me
roulait comme un galet. Il n’y avait rien où s’accrocher, pas de rambarde, de
barre anti-roulis, de bastingage, de corde permettant de s’attacher au mât en
attendant les sirènes, de cabine où enfouir les assauts de la mer.
Sur cet empilement de vagues, j’étais comme un fétu de
paille, mais déjà trempé, détrempé, transi jusqu’aux os, je flottais comme un
bouchon de liège, une bouteille sans papier glissé à l’intérieur, le mot SOS
gravé sur le verre en transparence.
Personne ne m’apercevrait ni dans le jour, ni dans
l’obscurité. Le vent avait trouvé un petit jouet et il me poussait vers cette
île au loin : ce serait un havre de repos, de répit, mais là d’autres
périls seraient cachés avant qu’ils ne fondent sur moi, qu’ils ne m’apportent
de nouvelles tempêtes terrestres.
L’écume aux lèvres, l’écume partout, la mousse des vagues,
le liquide salé de la Méditerranée, l’implacable mouvement de va-et-vient,
l’escalade qui se retourne sur elle-même comme dans une toile d’Hokusai, un
tsunami en réduction qui sortirait du cadre et envahirait le musée soudain
inondé.
J’avais perdu tout espoir, nager n’était plus une priorité.
Les flots me ballottaient et je me laissais faire, la terre approchait
lentement, je distinguai maintenant les contours de la plage, l’eau claire et
verte laissait passer les silhouettes de poissons bizarres, striés de noir et
blanc.
Le ciel ne reflétait rien d’autre que l’absence de toute
réponse. Les nuages, que je regardais à travers mes cils collés par le sel, semblaient négliger mon
naufrage : leur espace de déplacement était tellement plus vaste.
Le rythme du déferlement me rapprochait de la côte, ma
montre s’était arrêtée sur 14 heures 15. Elle ne m’était plus d’aucune utilité
sauf celle d’un accessoire auquel je tenais, peut-être parce qu’elle portait le
nom de Nature et découvertes ?
Ainsi le temps pouvait-il se figer, comme dans une fraction d’éternité où les
aiguilles interrompent de manière extraordinaire leur course inexorable.
Je fis quelques dernières brasses, plus ou moins coulées, et
je m’affalai enfin sur le sable mouillé. La terre semblait effectivement ferme.
La marée était en gris. Des vaguelettes me léchaient les pieds nus. Je
m’amusais à éplucher les pétales d’un souvenir de jardin flottant sur
l’immensité et le grondement étales : « Un peu, beaucoup,
passionnément, à la folie, pas du tout… », puis soudain je m’endormis.
texte :
Dominique Hasselmann
photo : Danielle
Masson
Grand merci à Dominique.
Et
que sont les VASES COMMUNICANTS ?
« François Bon Tiers
Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier
d’avoir trouvé ce titre de vases
communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit
sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les
échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens
autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Beau programme qui a démarré le 3 juillet 2009 entre les deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres / open space d’Anne Savelli et Liminaire.
Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes
le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants…
6 commentaires:
suis je vraiment cruelle d'avoir si souvent souri devant ces mots de détresse ? (très réussi)
@ brigetoun : non, il faut savoir prendre de la distance, surtout en mer.
On peut dire que n'as pas échoué à faire dans ce texte un éloge de la brasse coulée... (un peu à la folie)... (il fallait la faire, je m'y colle)
PdB
@ PdB : je n'ai peut-être pas assez planché sur le sujet...
Nature ou découvertes ou découverte de la nature du temps qui s'arrête... en tout cas je me suis régalée;)
@ Christine Zottele : merci pour votre traversée...
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