Lundi,
c’est déclencheurs, édition 2015 (3) : un enjeu
Sur
une idée de Lionel Davoust,
Cette
semaine, nous allons introduire de la tension narrative avec un enjeu.
Je suis toujours là, je suis
Madeg.
Je suis toujours en vie, je revis
et je ne veux pas quitter la vie.
J’ai tant de fois frôlé la mort
que je me refuse à croire qu’elle rôde trop près de moi. Rien ne peut plus
m’atteindre, ni la blessure grave, ni le déshonneur.
Je ne veux plus rien abandonner.
J’ai laissé tant de moi à chaque fois que je devais tirer. Mais c’était moi ou
lui ou eux. D’accord, j’étais payé pour mais pas toujours. Je n’ai jamais été
un mercenaire. Je me suis toujours préoccupé des autres. Toujours pris soin de
ne pas atteindre un tiers. Pas de dommages collatéraux. Mais à la guerre comme
à la guerre.
J’ai tant de fois vu la mort en
face. Elle n’était pas la grande faucheuse. C’était elle ou moi. C’était plus
souvent lui ou moi. Mais combien de vies n’ai-je pas sauvé en donnant la mort à
un seul. Je me souviens de la première fois. C’était mon examen de passage, mon
entrée dans la grande famille des snipers. Je devais me faire accepter, je
devais gagner ma place. Je voulais être le Don Quichotte de ces gens que la
guerre chassait de chez eux. Je voulais qu’ils reviennent sur leurs terres. Je
voulais que les enfants n’aient plus peur. Je voulais revoir leurs sourires. Un
ballon rouge dans le ciel, un rire d’enfant. Ne plus entendre les tirs.
Je suis encore vivant, je suis
Madeg.
Je ne parlerais plus jamais de ma
vie d'avant, plus d’informations sur mon ancienne vie.
Je veux gagner le pari avec
moi-même : redevenir le Madeg qui aimait tant la nature.
Je veux redevenir celui que
j’étais avant d’avoir vécu toutes ces horreurs.
Même sans moi, elles auraient eu
lieu. Je voulais les empêcher à ma manière.
Ils ne m’ont pas eu. , j’ai sauvé
ma peau mais mes nuits ne seront plus jamais les mêmes. Toujours les mêmes cauchemars,
toujours ces cris qui percent ma nuit.
Je veux gagner mon pari de
redevenir le Madeg d’avant.
Redevenir celui qui ne sursaute
plus quand une porte claque.
E=tenter d’accrocher à nouveau un
sourire à mes lèvres en voyant l’enfant qui rit en courant après le pigeon, qui
crie que cela va trop vite dans la pente quand son vélo bleu l’emporte vers la
vie. Je ne veux plus que l’image de l’enfant blotti dans les décombres surgisse
à chaque instant. Je en veux plus entendre le cri d’horreur de l’enfant quand
il découvre sa mère… non je ne veux plus.
Je veux défier la mort pour
redonner la place à la vie.
Je suis Madeg, celui qui est bon
et qui n’aura plus jamais peur.
Je veux enfin pouvoir rire ou au
moins sourire à la vie.
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