16 février 2012
29 – 14 février 2012 - Printemps 1972
Quelques
soucis de santé m’ont tenue éloignée de l’écriture pendant quelques semaines.
Il est vrai qu’une année supplémentaire à la fin du mois qui arrive, pèse plus
lourd qu’à 20 ans. Je ne vous apprends rien.
J’en ai
profité pour ranger une nouvelle pile de photographies. Entre deux accès de
fièvre, cela me permettait de moins penser.
Jusqu'’à
ce que je tombe – oui tombe, au sens propre comme figuré sur cette photo
vieille de plus de 40 ans. Le chapeau et les yeux m’ont fait de nouveau
chavirer le cœur comme la première fois que je les ai rencontrés.
Ce jour-là,
« l’air s’est liquéfié comme de la bouillie [1]»,
mon cœur a battu très fort et ma vie rangée a volé en éclats. Justement, elle
était bien trop lisse ma vie, à cette époque.
D’avril
à juin 1972, un tourbillon m’a emportée. Trois mois… trop courts, beaucoup trop
courts. Ce n’est pas une excuse mais Grégoire, mon époux, le père de mes
enfants était absent depuis le début de l’année. Une mission de six mois
l’avait entraîné en Australie.
C’était
une opportunité pour sa carrière, je n’avais pas souhaité l’accompagner… six
mois, cela n’était pas le bout du monde.
Ce fut
juste un charivari dans ma vie. J’ai pleuré beaucoup après ce mois de juin,
j’en ai de nouveau les larmes aux yeux en retrouvant cette photo. Les souvenirs
qui refleurissent parfois font mal.
Je l’ai
rencontré ce fameux samedi 1er avril 1972. Le printemps est radieux,
les robes légères et mon cœur se met à battre la chamade pour cet homme au type
amérindien. Je l’avoue, je n’ai pas réfléchi et me suis lancée dans cette
aventure à corps perdu. Comment résister à ses yeux verts, à ses fossettes et,
je le découvris rapidement, au creux de ses reins. J’en frémis encore.
Il
répondait au nom d’Alan. Il est apparu dans ma vie, m’a bouleversé. Il a failli
me faire faire l’impossible et surtout l’irréparable, quitter tout pour lui.
Mais je
me suis ressaisie quand arriva le 30 juin, la date annoncée du retour de
Grégoire.
Ce fut
le dernier jour où je le vis. Je n’eus plus jamais de nouvelles de lui.
Je suis
allée chercher à l’aéroport mon mari. Mais avant, quatre heures plus tôt, au
même aéroport, j’avais conduit Alan prendre son avion pour Bryson, en Caroline
du Nord. Après plusieurs correspondances, il retrouverait les bords du fleuve
de Tuckasegee. Il retournait dans la patrie de ses ancêtres, les Cherokee.
J’ai
oublié de vous dire qu’il était venu partager son savoir pendant trois mois
dans l’université où j’étais responsable au département de la bibliothèque universitaire
des ouvrages d’histoire et de littérature en langue anglaise.
Trois
mois, une très jolie parenthèse dans ma vie que je n’ai jamais osé avouer à
Grégoire.
Cela est
resté mon jardin secret jusqu'’à aujourd’hui où j’ose enfin rendre hommage à ma
façon à mon tendre amant.
Les retrouvailles
avec cette unique photographie de l’époque que j’avais conservée avaient été précédées
l’année dernière par la réception d’une immense enveloppe grise, renforcée,
protégée en provenance des États-Unis. Une dénommée Dorian me faisait parvenir
des photos de ces trois mois restés enfouis au fond de ma mémoire.
« Madame,
Je n’ai
pas l’honneur de vous connaître.
Papa,
peu de temps avant de disparaître, m’avait fait promettre de vous envoyer ces
quelques photos. Il m’a parlé de vous comme d’un grand rayon de soleil dans sa
vie.
J’ai eu
de la chance de vous retrouver assez rapidement et facilement. Vous n’aviez pas
changé de nom, de ville et surtout vous étiez encore vivante.
Papa m’a
parlé de vous comme de son grand amour et surtout son dernier amour.
J’avais
six ans quand il vous a rencontré, maman avait disparu depuis cinq ans. Il
m’avait confié à mes grands-parents maternels pendant son séjour d’un trimestre
en France. Je lui en voulais de ne pas m’avoir emmenée mais j’aurais trop
manqué à mes chères études et cela, il ne le voulait pas.
… »
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