Des mots, une histoire 72
La nouvelle récolte pour Des
mots, une histoire 72 a donné ceci comme mots imposés :
Tous les textes sont ici.
Course éperdue vers
l’impossible étranger.
Je m’appelle Majolique.
Drôle de prénom, as-tu pensé
immédiatement en le découvrant.
Je dois être la seule à
m’appeler comme cela.
D’après ce que l’on m’a dit,
j’ai été conçue sur cette île où je n’ai encore jamais traîné mes pas, à Majorque.
Une péripétie parmi tant d’autres dans la vie de ceux qui m’ont offert la vie.
Je te le dis et redis pour que
jamais tu ne l’oublies.
Je m’appelle Majolique.
Je dois prendre de la
distance… facile à dire… il y a déjà trop de kilomètres entre toi et moi… pas
tant que cela pourtant… si je réfléchis bien….
Combien ? Je n’ai jamais
calculé. Mais il y en a trop.
Si trop…
C’est trop…
Il va falloir faire un choix.
Mettre en parenthèse notre
histoire… quelle idée… d’ailleurs c’est impossible…
Quelle aporie !
Mon instinct de conservation
m’en empêcherait.
Trop peur de me noyer.
Comment respirerais-je ? Cela
te fait sourire.
Tu m’imagines tout d‘un coup
sous une tente à oxygène…
Tu m’imagines… j’imagine ce
que tu imagines.
Je ne changerais jamais,
penses-tu.
Et tout d’un coup, tu
m’imagines
Emmurée…
Oui, c’est cela…
C’est vrai que j’en serais
capable.
J’irais là-bas…
Oui, tu sais tout là-haut…
À droite…
Au bout du bout des terres.
Où je t’ai dit et redit que je
voulais que tu disperses ce qui resterait de moi.
Je sais, je rabâche...
Je m’appelle Majolique.
Là-bas, personne ne
m’entendrait hurler,
Igolo… rigolo… gigolo… igolo…
rigolo… gigolo…
L’écho en resterait coi.
Allez, répète l’écho après
moi…
Igolo… rigolo… gigolo… igolo…
rigolo… gigolo…
Rien. Je n’entends rien.
Répète, s’il te plaît.
Igolo… rigolo… gigolo… igolo…
rigolo… gigolo…
Je suis lasse. Et si…
Si j’étais peintre, je
prendrais mon crayon de charbon.
Je te croquerais et laisserais
partir au vent ces traits non satisfaisants de toi.
Normal, je ne sais pas
dessiner…
Donc inutile d'essayer.
Ce ne seraient que gribouillis
inutiles et informes.
Si j’étais musicien, j’aurais
pu faire vibrer mon archet et jouer ce titre que tu aimes tant…
Mais je ne sais même pas
reconnaître un la d’un si.
Mes oreilles sont sourdes et
mes mains gourdes.
Il ne faut pas rompre le
charme du bruit des vagues furieuses
Elles s’écrasent sur les rochers
qui entourent le phare d’Ar Men
(image éloquente et toute en force - © www.jean-guichard.com)
Je m’appelle Majolique.
Me voilà repartie toute en
exagération !!!
Comme tu le dis parfois, toi
mon impertinent, cela chapeaute là-haut.
C’est le moment de la rentrée
des foins.
Il faut que je retourne chez
moi, vers nous.
Changement de direction,
j’abandonne la mer.
Et suivant mon inspiration, je
prends la route.
Je suis à perte de vue les
rubans d’asphalte à travers la Beauce.
Je veux rentrer chez nous.
Je reprends la route.
Je fais une halte au Clos des
raisins…
Tu te souviens…
C’était un 32 octobre.
Mais je n’ai pas voulu pousser
la porte…
Tu n’étais pas là. J’ai eu
peur de ton fantôme.
Pourtant…
Je m’appelle Majolique.
J’oublie ma détresse.
J’oublie les flots qui
m’attiraient tant.
L’euphorie me gagne.
Les blés ondulent à perte de
vue.
Mais tu es toujours présent
dans mon esprit.
Tu me poursuis.
Je suis trop sensible.
Je sens.
Je ressens…
Je suis à fleur de peau.
Ton absence me fait toujours
aussi mal.
Ton attitude hautaine me jette
à terre.
Tout se bouscule.
Je ne sais plus où j’en suis.
Je suis Majolique, ta magique.
5 commentaires:
la mélancolique mélodie de ton texte me touche énormément...
J'aime cette façon de prendre un mot à bras le corps,majolique en l'occurrence.J'aime aussi beaucpup l'inutile et l'informe,les oreilles sourdes et les mains gourdes.
C'est génial! Bravo !
C'est superbe, je me laisse envoûter volontiers...
Ton poème est émouvant et tendre, sous le reflux des vagues ( à l'âme ). :D J'aime beaucoup. :D
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