lundi 19 janvier 2015

Une photo, quelques mots (151), Nando

19 janvier 2015

Et voici la photo de cette semaine ! 



 19 janvier 2015, hommage à Nando


« Moi, c’est Nando. Mon plaisir me promener dans la ville dès le début de la matinée. Les magasins ne sont pas encore ouverts. Je flâne, je regarde à gauche, à droite et là… mais parfois, ils ne savent pas quoi inventer.
Une boutique attire mon attention. J’en traverse la rue. Sur la devanture, ce mot étrange en belles lettres cursives qui ravivent mes souvenirs.
Cela me rappelle un vrai semainier, celui qui trônait dans la salle à manger de ma grand-mère, un meuble de famille. D’ailleurs où est-il maintenant ? Sept grands tiroirs où, avec mes cousins et cousines, nous trouvions toujours plein de menus trésors. Un tiroir pour la réserve de bonbons de toutes les couleurs… un autre pour les tubes de peinture et les crayons de toutes sortes… un autre aussi pour… et un autre… et aussi, le dernier tout en bas, accessible par tout le monde, pour les petites culottes. Tant d’enfants de tout âge s’agitaient dans la grande bâtisse. Il pouvait arriver un accident de parcours ou de fous rires. Les petites culottes, toutes de la marque Petit Bateau.
Cinquante ans en arrière, je viens de replonger. Cela me fait doucement sourire.
Surprenant mais original cette devanture, pour preuve, cela fait une bonne demi-heure que je suis plantée devant.
Oui, c’est moi Nando, vous ne m’aviez pas reconnue. C’est vrai que je suis un peu plus voûtée que la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. Je vous assure, je n’ai pas changée.
Des étiquettes avec des prénoms, oui cela ne peut être que des prénoms aussi bizarres ou désuets les uns que les autres. Tiens, Marguerite comme ma petite sœur, celui est acceptable… je respecte la famille… Isabeau… inconnue au bataillon, là Éric, un autre Méphisto.
Et celui imprononçable, Chrysostome…
Mais ce ne sont pas des prénoms. Je divague.
Ce sont le nom des modèles.
Je me vois mal entrer dans la boutique et dire : une petite culotte Alice taille 4 ans, bleu clair s’il vous plaît. Ajoutez une grenouillère assortie.
Et une barboteuse. Comment cela vous n’avez pas de barboteuse pour ma première arrière-petite-fille Charlottine.
Charlottine, cela vous plaît. Vous pourrez l’utiliser pour votre prochaine création, je vous en donne la permission… »
Pourquoi a-t-elle parlé de Charlottine ?
Il n’y a jamais eu de Charlottine dans sa vie… il n’y a pas eu d’arrière-petite-fille, parce qu’il n’y a pas eu de petite-fille, parce qu’il n’y a pas eu de fille dans sa vie.
Dans la vie de Nando, il n’y a eu plus personne depuis le jour où son grand amour de jeunesse a été emporté un jour de grosse tempête sur son petit bateau.
Nando ne s’en est jamais remise et quand elle voit écrit « Petit bateau », elle est obligée de traverser la rue.
Attention, Nando en traversant !

                                                                    


11 commentaires:

Brigetoun a dit…

bonjour Nando - l'impression de te connaître

Débora Anton a dit…

Quel joli texte et une chute déconcertante !

Stephie a dit…

Joli texte même si très triste

Pierre Forest a dit…

Pas toujours facile de surmonter les épreuves de la vie, mais à défaut d'y parvenir, on cesse de vivre soi-même. On devrait se faire un devoir de profiter de la vie, pour honorer ceux qui ne le peuvent plus.

jacou a dit…

Joliment mélancolique, ce texte.

Anonyme a dit…

j'ai beaucoup de tendresse pour Nando ...
c'est comme les femmes qui ne peuvent avoir d'enfant ..
chacun sa douleur ...
Myrtille
http://lagazettedecitronbleu.eklablog.com

Anne-Véronique a dit…

Nostalgique, mélancolique, étonnant. Votre texte est très bien mené.

merci !

Leiloona a dit…

La chute est terrible. :/

antigone a dit…

Une très tendre impression malgré la tristesse, oui.

Vudemeslunettes a dit…

Beaucoup de nostalgie et de tristesse ... Il est difficile de se relever, de faire face, de ne pas laisser les épreuves de la vie nous priver de bonheur ...

sarah a dit…

J'avais eu une idée un peu comme la tienne, au départ. Et puis finalement, je n'en ai rien fait.
Je suis contente de la lire quand même un peu dans ton texte.