Ce vendredi matin, soudain devant moi,
j’ai reconnu le chapeau de paille, ce chapeau de paille avec sa bande ajourée
si caractéristique. Cela faisait combien… vingt ans que je ne l’avais pas vu. Mais
cela ne pouvait être que lui, car il était unique.
Je me sentais attiré. Pire, mon regard
était comme aimanté par ce chapeau de paille qui avait traversé tant d'années
sans moi. Il était ressurgi du passé comme un diable de sa boîte. Sous ce
chapeau, cela ne pouvait être qu’Elle, mon grand amour que j’avais dû quitter, abandonner
en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Ce vendredi matin, comme tous les autres
matins, j’ai pris le métro.
Toujours le même, le 10.32, toujours à
la même station.
Je le prends tous les jours de ‘l'année,
maintenant depuis trois ans, depuis que je suis à la retraite. Un moyen, comme
un autre, pour moi de rester vivant après la vie agitée que j'ai parcouru.
En vingt ans, j’ai beaucoup changé.
Ce vendredi matin, je peux paraître un
peu lourd au premier abord, mais ne vous fiez pas aux apparences, j’ai battu
des fieffés coquins à la course. Ils ne m’ont pas échappé longtemps, mais c’était
il y a une dizaine d’années. Je ne paie pas de mine, je le sais et cela m’importe
peu. Ma tenue préférée, cette chemise chamarrée ou l’une de ses sœurs, taille
4XL, je vous l’assure. J’aime être à l’aise. Ma démarche est mal assurée parfois,
ma hanche gauche quand le temps est à la pluie, comme aujourd’hui, me fait
ralentir ma marche. J’ai toujours l’habitude de trimbaler, au bout de mon
bras, un sac en plastique.
Il y a vingt ans, quand je ne suis pas
retourné vers le chapeau paille, je me suis enfui avec juste un sac Tati à la
main. Ses carreaux roses et blancs continuent de hanter mes nuits, très régulièrement
et surtout le 45 qui était dedans et que j’ai toujours au fond d'un tiroir chez
moi.
Ce vendredi matin, je n’ose plus
bouger de peur de rompre le charme. Car, je dois rêver, ce n’est pas possible. Le
temps semble s’être figé. Mon regard est hypnotisé par le chapeau de paille, qui
semble sans âge. Je crains qu’il ne devienne trop pesant. La rame est presque
vide. Je décide d’avancer.
Je vais dépasser le chapeau de paille
et qu’elle n’est pas ma surprise : vingt ans, après, sous le chapeau de
paille, une jeune fille, copie conforme de celle que j’ai quittée, il y a vingt
ans.
3 commentaires:
Oh, on flirte avec le fantastique ce matin ? :D
Un peu de retour en arrière ? belle journée Amicalement
J'ai trouvé ton texte émouvant!
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