Sur
une idée de Lionel Davoust,
Lundi, c’est déclencheurs, édition 2015
01 - Un protagoniste
C’est parti pour vingt
minutes d’écriture, sans interruption, sur le déclencheur de votre choix.
Je
suis Madeg.
Il me reste juste vingt minutes
pour vous parler de moi. De mes multiples vies.
Ma vie, mieux qu’un roman, une
épopée.
Être breton, avoir un prénom qui
veut dire « bon », ça campe le bonhomme, vous ne croyez pas.
Le compte à rebours a démarré.
Plus que vingt minutes à vivre ou vingt minutes avant de mourir.
Mais par où commencer.
Par
le Héros flamboyant que j’aurais aimé être : sauver la veuve et l’orphelin, me
prendre pour Batman ou Superman. Oui, je l’ai été mais juste dans la cour de récréation
en maternelle quand j’ai sauvé Margaux auquel l’affreux jojo de Jocelyn tirait
sans arrêt sur les boucles dorées. Elle était belle Margaux mais elle ne me
regardait même pas.
Par
l’assassin professionnel que j’étais devenu des armées de fourmis qui osaient
coloniser et élever des pucerons sur les rosiers de Mémé Berthe. Armé de ma
bombe, de mon arrosoir, rien ne me résistait. Mon surnom du moment,
l’Exterminateur. Mais cela n’a duré que les étés entre mes dix et seize ans
quand je passais les vacances chez mes grands-parents.
Le temps presse. Plus que seize
minutes pour vous conter ma vie. Mes mains sont moites, ce n’est pourtant pas
le moment. Je dois garder la tête froide, malgré les gouttes de sueur qui
commencent à perler à mon front.
J’ai été aussi Madeg, l’adolescent
hanté par le remords. J’avais tout
juste dix-sept ans et je n’ai rien pu empêcher. Mais je n’arrive toujours pas à
en parler. Pourtant, il faudrait. Il faut que je soulage ma conscience. Mais
non, ce serait trop long à raconter. Le temps presse. Il va falloir que je me
concentre, que j’aille prendre ma position, que j’exécute les ordres.
J’ai rêvé aussi un jour d’être en
haut de l’affiche, le débutant rêvant de
gloire grâce aux histoires que j’envoyais dans les nombreux concours pour écrivaillon.
Deux ou trois fois, j’ai été récompensé mais jamais un tirage à des milliers
d’exemplaires. Je me suis rêvé grand reporter de guerre, digne successeur de
Joseph Kessel ou Jean Lacouture. Je n’ai même pas fait le salon littéraire de
mon village. Mes histoires ne les passionnaient pas. Pourtant s’ils avaient su
qui j’étais. Tout ce que je racontais, je l’avais vécu. Rien n’était inventé.
Mais ils l’ignoraient.
Madeg, le ténébreux et sans conscience, cela a été longtemps mon surnom
dans les rangs de la légion où j’avais fini par m’engager. Il fallait que je
disparaisse, que je me fasse oublier de ceux qui étaient dévorés par la vengeance. Encore trop long à vous raconter. Plus
que cinq minutes avant que je sois en position. Je me concentre, mes mains ne doivent
pas trembler.
Je me remets dans la peau de celui
que je suis depuis longtemps, trop longtemps, le soldat professionnel que je
suis devenu. Mais de sniper, je suis devenu la cible d'un autre. Ma tête est
mise à prix. Les minutes sont comptées
Plus que deux minutes avant mon
dernier tir.
Ce sera lui ou moi.
Ce sera moi car il me reste tant à
vous raconter.
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