vendredi 7 novembre 2014

Les vases communicants - novembre 2014 (37) : Wana Toctouillou

Dans le cadre des vases communicants de novembre 2014, mon 37ème échange de mots,

Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...

Tous les liens vers l’aventure du 1er vendredi du mois d’octobre 2014sont ici.

Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Wana Toctouillou dont les mots sont ici.

Un petit coucou à Brigitte Célérier
Et un grand merci à Angèle Casanova d’avoir repris le flambeau et dont il faut saluer la somme de travail tout au long du mois pour rassembler tous les liens.


Place aux mots mis en images de Wana ... après ceux de mai 2013, que vous pouvez relire ici.













Grand merci à Wana.


Pour pourrez découvrir mes mots … ici

Et que sont les VASES COMMUNICANTS ?
Emprunté à Pierre Ménard, car pourquoi dire mal ce qui a été si bien dit :

« François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier d’avoir trouvé ce titre de vases communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Beau programme qui a démarré le 3 juillet 2009 entre les deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres / open space d’Anne Savelli et Liminaire. 

Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants


vendredi 3 octobre 2014

Les vases communicants - octobre 2014 (36) : Dominique Hasselmann


Dans le cadre des vases communicants d’octobre 2014, mon 36ème échange de mots,

Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...

Tous les liens vers l’aventure du 1er vendredi du mois d’octobre 2014sont ici.

Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Dominique Hasselmann dont les mots sont ici.

Un échange de photos, de phrases d’une auteure que j’apprécie beaucoup, Anne Luthaud.
N’hésitez pas à aller découvrir ses différentes œuvres, ici ou .

Merci également à Brigitte Célérier dont il faut saluer la somme de travail tout au long du mois pour rassembler tous les liens et allez lire ses impressions de lecture… un petit bijou chaque mois.


Place aux mots de Dominique ...



Nature et découvertes

« L’eau sur laquelle je suis, c’est l’Atlantique, mais
on dirait la Méditerranée, plate, chaude, sans odeur,
brillante. Immobile surtout, égale. Et sans fin. Tant
mieux.
Il était où ton phare, le gardien ? » [i]

Le tangage n’avait pas cessé, la houle persistait et me roulait comme un galet. Il n’y avait rien où s’accrocher, pas de rambarde, de barre anti-roulis, de bastingage, de corde permettant de s’attacher au mât en attendant les sirènes, de cabine où enfouir les assauts de la mer.

Sur cet empilement de vagues, j’étais comme un fétu de paille, mais déjà trempé, détrempé, transi jusqu’aux os, je flottais comme un bouchon de liège, une bouteille sans papier glissé à l’intérieur, le mot SOS gravé sur le verre en transparence.

Personne ne m’apercevrait ni dans le jour, ni dans l’obscurité. Le vent avait trouvé un petit jouet et il me poussait vers cette île au loin : ce serait un havre de repos, de répit, mais là d’autres périls seraient cachés avant qu’ils ne fondent sur moi, qu’ils ne m’apportent de nouvelles tempêtes terrestres.

L’écume aux lèvres, l’écume partout, la mousse des vagues, le liquide salé de la Méditerranée, l’implacable mouvement de va-et-vient, l’escalade qui se retourne sur elle-même comme dans une toile d’Hokusai, un tsunami en réduction qui sortirait du cadre et envahirait le musée soudain inondé.

J’avais perdu tout espoir, nager n’était plus une priorité. Les flots me ballottaient et je me laissais faire, la terre approchait lentement, je distinguai maintenant les contours de la plage, l’eau claire et verte laissait passer les silhouettes de poissons bizarres, striés de noir et blanc.

Le ciel ne reflétait rien d’autre que l’absence de toute réponse. Les nuages, que je regardais à travers mes cils collés  par le sel, semblaient négliger mon naufrage : leur espace de déplacement était tellement plus vaste.

Le rythme du déferlement me rapprochait de la côte, ma montre s’était arrêtée sur 14 heures 15. Elle ne m’était plus d’aucune utilité sauf celle d’un accessoire auquel je tenais, peut-être parce qu’elle portait le nom de Nature et découvertes ? Ainsi le temps pouvait-il se figer, comme dans une fraction d’éternité où les aiguilles interrompent de manière extraordinaire leur course inexorable.

Je fis quelques dernières brasses, plus ou moins coulées, et je m’affalai enfin sur le sable mouillé. La terre semblait effectivement ferme. La marée était en gris. Des vaguelettes me léchaient les pieds nus. Je m’amusais à éplucher les pétales d’un souvenir de jardin flottant sur l’immensité et le grondement étales : « Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout… », puis soudain je m’endormis.



texte : Dominique Hasselmann
photo : Danielle Masson

Grand merci à Dominique.


Pour pourrez découvrir mes mots … ici chez Dominique

Et que sont les VASES COMMUNICANTS ?
Emprunté à Pierre Ménard, car pourquoi dire mal ce qui a été si bien dit :

« François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier d’avoir trouvé ce titre de vases communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Beau programme qui a démarré le 3 juillet 2009 entre les deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres / open space d’Anne Savelli et Liminaire. 

Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants





[i] Anne Luthaud garder paru chez verticales en septembre 2002 - page 222

dimanche 21 septembre 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 9, pas de souci à vous faire


Ne m'en parlez pas... de quoi.... de la p....
Cela me donne des boutons. 
Pire que ceux des moustiques tigre de cet après-midi.

Encore et toujours dans "Tiers Livre"... c'est... ICI!




Dites ! c’est quand demain ?

Procrastination ; remettre quelque chose à demain ; tout remettre à demain et même à jamais.

Procrastination
Synonymie / antonymie
Ajournement & atermoiement/ -
Score 2/0

Quand c’est demain ? C’est peut-être après-demain…

Laver le sol de la pièce de Galla… aller changer de place sa chaîne pour qu’elle ne se prenne plus dans la lavande… couper la lavande qui reste… donner aux poules le reste de salade…

Arroser les plantes vertes qui sont dans l’escalier… enlever les toiles d’araignée… bonjour araignée du soir, espoir… espoir de soleil demain sans l’attaque des moustiques… où est la citronnelle ?

Tout cela à faire aujourd’hui ?
Il faut en laisser pour demain. Quand c’est demain ? C’est peut-être après-demain…

Ranger le bois… couper le bois… jeter les petites branches… ratisser, nettoyer… remplir la remorque… l’emmener à la décharge… mais aussi ramasser la sciure… la mettre au poulailler… nettoyer le poulailler… où sont les œufs ?

Préparer le terrain pour le mobil-home… se renseigner pour en faire une résidence d’artistes… accueillir peintre, musicien ou écrivain…penser au prochain atelier… chercher consignes sur la lune ou le soleil ou l’automne qui arrive… ne pas oublier de s’inscrire à l’atelier d’Éguilles qui reçoit Olivier Salin en octobre 2014…

Tout cela à faire aujourd’hui ?
Il faut en laisser pour demain. Quand c’est demain ? C’est peut-être après-demain…

Il est déjà demain 0.10… tout n’est pas fait… il en reste trop…
Direction sous la couette…



vendredi 5 septembre 2014

Les vases communicants - septembre 2014 (35) : Cécile BENOIST

Dans le cadre des vases communicants de septembre 2014, mon 35ème échange de mots,

Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre...

Tous les liens vers l’aventure du 1er vendredi du mois de septembre 2014 sont ici.

Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’accueillir Cécile BENOIST dont les mots sont ici.

Chaque jour, toujours ou presque, moins d’une dizaine de lignes à vous glacer le temps, ai-je écrit en premier jet.
Je rectifie, à vous glacer le sang.

Mais, comme beaucoup je pense, j’en redemande.
Mon moment de frisson journalier pour oublier les horreurs de la vraie vie.


Merci également à Brigitte Célérier dont il faut saluer la somme de travail tout au long du mois pour rassembler tous les liens et allez lire ses impressions de lecture… un petit bijou chaque mois.


Place aux mots de Cécile, que je vais découvrir en même temps que vous ou presque.
Après avoir écrit mon introduction.

Roulements de tambour !!!
Entrée en scène de l’auteure habituelle de « Polars en short » mais ce n'en est pas un...



Les œufs de terre

Il y avait cette poule qui se faufilait entre les jambes du gamin, et le gamin croyait trouver les œufs dans la terre, comme les racines d’une plante, parce que, petit jardinier en herbe et en chair, il voyait comment ça poussait le végétal, et il pensait les animaux c’est pareil, ça croît dans la terre comme les haricots, et les bébés aussi sortent des entrailles de la planète, tout est sauvage sauf les immeubles sauf les maisons sauf les routes sauf les ordinateurs, le reste c’est enfoncé et ça sort au grand jour un jour, ou alors il faut l’aider à sortir, mais les œufs de la poule, il ne les trouvait jamais, alors il se demandait si la poule c’est sauvage ou pas, et ce qui n’est pas sauvage, ça n’a pas de racines alors, s’interrogeait-il, et quand il n’y a pas de racines, on n’est plus accroché à rien, on est aspiré par l’air du ciel, on se noie dans l’eau, on échoue au feu, on est libre parmi le vide, on s’échappe de la terre, on n’est plus là, alors les œufs de la poule doivent bien être quelque part.


P.S.: Je n’ai pas osé demander à Cécile si le prénom, titre de ses « polars en short » venait d’abord ou après le point final.
Ici, dans ce texte, pas de prénom. Normal, une pièce rapportée dans sa galerie de portraits.

------sa réponse en commentaire-----

P.S.2: Ce texte inspiré par nos quelques mots échangés :

Les siens (par bienséance, devant mais en réalité après les miens): “On peut partir sur la triade improbable poule-racines-sauvagerie ?

Les miens: “J'écris le plus souvent autour de personnages cherchant leurs racines ou à partir de photos de mes poules... un texte de vous sur la sauvagerie, pas de problème



Grand merci à Cécile.


Pour pourrez découvrir mes mots … icichez Cécile, avec un peu de retard dû à ma très mauvaise organisation en ces jours de rentrée. Ça promet !

Et que sont les VASES COMMUNICANTS ?
Emprunté à Pierre Ménard, car pourquoi dire mal ce qui a été si bien dit :

« François Bon Tiers Livre et Jérôme Denis Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants (au départ cela s’appelait le Grand dérangement, pas peu fier d’avoir trouvé ce titre de vases communicants) : Le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.
Beau programme qui a démarré le 3 juillet 2009 entre les deux sites, ainsi qu’entre Fenêtres / open space d’Anne Savelli et Liminaire. 

Si vous êtes tentés par l’aventure, faîtes le savoir sur le mur du groupe Facebook des vases communicants


dimanche 24 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 8, juste avant que

Changement de guide.
John Gardner...
C'est par .

Les trois roses rouges...



Du plus loin qu’il s’en souvînt,
Il y avait toujours au moins une fois par année
Trois roses rouges qui s’imprimaient sur sa rétine.

Aussi loin qu’il s’en souvienne…

Il arrivait même à se rappeler,
Les quelques minutes
Qui précédaient les trois roses rouges.

Juste avant de les regarder,
Juste avant de les acheter,
Juste avant de les cueillir,
Juste avant d’entrer dans son temps des roses rouges[1]
Juste avant de les jeter,
Juste avant de les photographier,
Juste avant de les offrir,
Juste avant de lire Blanche-Rose et Rose-Rouge[2],
Juste avant de les sentir,
Juste avant de déguster de la gelée de roses rouges,

Juste avant,
Juste avant,
Il y avait ce fourmillement dans son bras gauche,
Un fourmillement ou plutôt,
une décharge qui allait
de son coude au bout de ses doigts de la main gauche.
Surtout dans son pouce et son petit doigt.

Oui, c’est cela juste avant les trois roses rouges,
il y avait ce dixième de seconde de souffrance aiguë.

Et cette chanson qu’il écoutait
Quand son cœur battait la chamade,
« J’ai cueilli trois roses rouges
Au jardin de mes amours… »[3]




dimanche 10 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 7, petit point fixe de peau du monde

Et si maintenant nous allions cueillir trois roses rouges.

Et si nous lisions et relisions Malt Olbren, Raymond Bozier ou Julien Gracq.

C'est par ici.




Trois roses rouges…


- Un -

Un bouquet de trois roses rouges sur le siège avant de sa trop voyante voiture de location. Les trois roses rouges ne sont pas pour celle qui l’a mis au monde ; elles sont pour lui, ce père, ce modèle qu’il a tant admiré et qui lui manque tant encore aujourd’hui. Drôle d’anniversaire qu’il vient fêter ce soir. Il n’était pas revenu depuis 15 ans dans le village de son enfance.


- Deux -

Un bouquet de trois roses rouges sur le guidon d’un vélo que mène un jeune homme de 15 ans tout juste ; ce bouquet, pour l’anniversaire de sa mère qu’ils fêteront tous les trois dans la grande maison qu’elle arrange avec tant d’amour et de soin. Dans moins de dix minutes, il sera de retour chez lui après sa semaine à l’internat du lycée de la grande ville toute proche.


- Trois -

Un bouquet de trois roses rouges fanées dans le vase de la case 24 du secteur 2 du columbarium de son village. Toutes ces vies envolées trop tôt. En droit paisible, rempli de tant de tristesse. Aujourd’hui, c’est lui qui va changer les fleurs du vase de marbre noir. La fleuriste du village le fait pour lui, la mère de celle-ci l’avait fait pour lui et ceci depuis 15 ans.


- Quatre -

Un bouquet de trois roses rouges sur le buffet si massif de la salle à manger de sa grand-mère dans la salle commune de la ferme, où il passait ses vacances. Il se rappelle les crises de fous rires avec ses cousins et cousines, les courses poursuites sur les chemins de terre, la cueillette des cerises, des abricots, des prunes. Aussi loin qu’il remonte dans ses souvenirs, il a toujours vu un bouquet de trois roses rouges à cet endroit.


- Cinq -

Un bouquet de trois roses rouges dessinées sur la devanture de l’ancienne boulangerie des parents de Gabrielle. C’étaient des coquelicots qu’il cueillait à sa secrète amoureuse, avant son départ précipité. Elle les mettait à sécher dans son carnet secret. Trois roses rouges, le souvenir de cet amour qui remonte avec force dans son cœur.


- Trois roses rouges… -

Un bouquet de trois roses rouges jalonne les trente années de sa vie. Des anniversaires qui ne seront plus jamais comme avant, des souvenirs d’enfance qui reviennent, l’avenir de son cher fils, Milko, à bâtir.



samedi 9 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 6, ce que personne se saura du personnage

De plus en plus accro à cette idée d'écrire, d'écrire
grâce encore à Claude Simon.

C'est ici


Gabrielle


L’arbre aux branches toujours aussi enchevêtrées cache une partie de la devanture de la crêperie ; il aperçoit le pan d’une grande jupe noire habillée d’un tablier blanc, bordé de dentelle. Il ne manque que la coiffe, pour faire croire qu’un coin de Bretagne s’est installé en Provence.

Que fait-elle là : elle a repris l’ancienne boulangerie de ses parents ; elle représente la quatrième génération ; l’Italie est de plus en plus loin dans ses gènes ; des odeurs de pain au chocolat, de chaussons aux pommes lui reviennent aux narines ; elle a tout transformé et a réalisé son rêve d’enfance, elle la passionnée de la forêt de Brocéliande, du Roi Arthur et de la pointe du Raz : ouvrir une crêperie ; mais dans un coin, il reste toujours un étal réservé aux pains de toutes sortes. Qui les façonne et en régale le village ?

Que cherche-t-elle à prouver : que les rêves d’enfant peuvent se réaliser ; il suffit de le vouloir très fort, de convaincre son banquier, une chance son compagnon également, cela aide ; elle va, vient, redresse un bouquet de fleurs ; elle vérifie l’harmonie des bleus des nappes ; elle rayonne ; il a envie de l’appeler, il a envie de la prendre dans ses bras ; il a envie d’effacer les quinze ans d’absence.et ce sourire, toujours le même. Et toujours le même geste pour relever sa mèche rebelle, toujours la même.

« Les Billig et Rozell de Gabrielle », il faudra qu’il ose pousser la porte de la boutique, que tient maintenant la secrète amoureuse de ses quinze ans, qu’il quitta sans un au-revoir. Il faudra aussi saluer Grand Pierre, le maire réélu de son village de naissance et son compagnon. Sourire, sourire, mais est-ce que cela sera possible ?


mercredi 6 août 2014

Chez François Bon - atelier d'été 2014 - Outils du roman : 5, le dialogue en bocal

Goran Le Mut s'épaissit, prend corps grâce à Claude Simon.
C'est ici.



15 ans après…

Jeudi 1er mai de l’année 2014.

Moi, Goran le Mut vient de garer ma voyante voiture de location au début de la trop longue ligne droite qui avait perdu les platanes qui la bordaient.
J’aurais aimé pouvoir lui crier « Attention, vous allez trop vite » mais je ne savais pas encore que c’était la voiture de mon père qui filait dans un de ces platanes du côté gauche de la route.
J’aurais aimé lui avoir crié qu’il fallait qu’il aille moins vite, que nous l’aimions.

Mais je perds les pédales ; c’est au jeune homme que j’étais il y a tout juste quinze ans que je dois m’adresser. Quoi, il se bouche les oreilles, il ne veut rien savoir. Qu’est-ce que j’entends qu’il se reproche de ne pas lui avoir assez dit de « je t’aime, papa », pas assez dit de « je t’admire, papa ». Pas assez avoir écouté ses recommandations, pas assez avoir souri de ses mauvaises blagues, quand cela faisait cent fois qu’il racontait la même.

C’est ça qu’il me souffle le gamin que j’étais, celui que j’aperçois les jambes coupées assis sur le bas-côté, avec son bouquet de trois roses rouges qu’il est en train de regarder et de répéter sans arrêt, c’était pour les 43 ans de Maman. Papa, tu as oublié que c’était aujourd’hui son anniversaire à ta Juliet. Il n’a pas fait attention, Papa ; c’est que je me suis dit à cet instant-là.

D’ailleurs qu’est-ce que j’en ai fait de mon bouquet. Aujourd’hui, c’est moi qui l’apporte. Depuis quinze ans, c’est le fleuriste du village qui vient déposer les fleurs, toujours les mêmes, dans le vase en granit du columbarium, Secteur Z, case 24, là où reposent les cendres de son père.

T’as l’air bien emprunté aujourd’hui car là va falloir lui dire quelque chose. Je ne vais pas mettre le bouquet à la va-vite, toi le gamin de 15 ans tu m’aideras. C’est toi qui a des choses à te faire pardonner, pas moi.

S’ensuit un dialogue de sourds entre moi aujourd’hui, l’homme que je suis devenu, et celui que j’étais le jour où la vie s’est arrêtée pour lui. 45 ans, beaucoup trop tôt.

Mais, je sais des choses maintenant.
C’est pour cela que je viens te demander pardon, papa ; tu as voulu nous épargner ta déchéance que le crabe aurait provoquée mais je ne le savais pas.

Je me demande s’il n’y avait pas des petites choses qui auraient dues attirer mon attention

Mais le vélo, le lycée  eh ! Le gamin, tu oublies les filles…


Chez François Bon - atelier d'été 2004 - Outils du roman : 4, Impossible retour

Toujours en route à la recherche d'un texte, un roman ?

Il faut essayer de suivre les directives. Elles sont ici.




Pourquoi aujourd’hui ?


Pourquoi aujourd’hui ?
Il décide qu’il ne sera pas professeur
Comme ce père qui vient de disparaitre
De l’abandonner

Pourquoi aujourd’hui ?
Il avait jeté son vélo, s’était immobilisé, n’en croyait pas ses yeux.
C’était cette fameuse Facel Vega dont son père était si fier d’être l’heureux propriétaire comme il disait.
Jusqu’à aujourd’hui, il ne l’avait jamais vu appuyer sur le champignon.
Son père avait été toujours très prudent.
Il voulait savourer l’ivresse de posséder cette voiture.
Il lui racontait les bruits du moteur.
Dis Papa, tu ne me raconteras plus d’histoire de voiture, de belles voitures !


Pourquoi aujourd’hui ?
Isabel, sa mère, allait fêter ses 43 ans.
Il lui avait dit, il y a un petit mois : « Je vais emmener Isabel pour un week-end de rêve. Samedi prochain, en route pour le bonheur. »
D’habitude, cela porte malheur de fêter l’anniversaire avant la date : il l’avait emmenée la semaine dernière fouler les planches de Deauville. Lui, leur fils, connaissait la destination finale. Sa mère avait suivi Filip les yeux bandés.
Elle était revenue avec un sourire qui en disait long sur leur temps passé ensemble.
Tout d’un coup, il pensa qu’il ne reverrait jamais cette lumière au fond de ses yeux. Seul, son père Filip pouvait la rendre si heureuse.
Dis Papa, ses yeux ne souriront plus ! Tu n’avais pas le droit !


Pourquoi aujourd’hui ?
Sur cette Route Nationale 5…
Et ses trois roses rouges qui devaient être symbole de joie, sont devenues hommage à ce père qui venait de l'abandonner.
Il venait d’avoir juste 15 ans. « Papa, tu ne devais pas. Tu n’avais que 45 ans ».
Son oncle l'avait fait asseoir, ses jambes tremblaient tellement.
Il ne voyait que du coin de l’œil l’avant fracassé de la voiture contre ce platane, ce maudit platane.
Dis Papa, toi qui aimes tant les arbres, pardon Papa, toi qui les aimais tant !


Pourquoi aujourd’hui ?
Goran promenait son regard sur la scène. Ses larmes coulaient sans qu’il semble s’en rendre compte. Il y a moins d’un quart d’heure, il pédalait avec dans les oreilles « Riders on the storm », dans les yeux la beauté de cette route, de ces platanes majestueux.
Il pensa soudain : pourquoi le platane a-t-il traversé la route ? Pourquoi s’est-il jeté sur la voiture de Papa ? Pourquoi, j’étais là, si heureux de vivre, de rentrer à la maison.
Je ne pourrais plus jamais lui souhaiter son anniversaire à Isabel, la maman qui ne sait pas encore que sa moitié, son double, sa raison de vivre nous a quittés.
Dis Papa, j’ai trop mal. Comment vais-je le dire à Maman ?


Pourquoi aujourd’hui ?
Goran ne sait pas encore qu’il reviendra dans quinze ans, trois roses rouges sur le siège de sa voiture trop voyante, qui ne lui ressemblait pas, pour  faire la paix avec son père qui venait de se retirer de leur vie.
Il ne s’entendait pas hurler, il avait plaqué ses mains sur ses oreilles.
Il fermait ses yeux, voulant chasser cette dernière image.
La voiture heurtait de plein fouet cet arbre qui garderait à jamais la cicatrice du choc.
Dis Papa, pourquoi tu n’as pas cru que nous aurions pu t’aider. Je t’aime Papa.