lundi 10 octobre 2011

Une photo, quelques mots (11), Mémette et Elle


Grâce à Leiloona et à sa proposition du


04 octobre 2011

Spotted – 29 novembre 2010

Les autres textes sont ici

Pour Mamie Charmette et Elle


Pourquoi garde-t-il cette photo dans son portefeuille ?

C’était il y a si longtemps. Trop longtemps. La douleur est toujours là.

Dans son portefeuille, cela fait la dixième fois, qu’il change la photo.
La photo, il en a fait trente-deux tirages, pour ne jamais oublier.
Même format, même portefeuille. Elle continue d’être ainsi près de lui.

Dans son appartement, celui qui devait devenir le sien, le leur si… il y avait la même photo mais en 3 * 2.
Cette photo, la dernière photo agrandie démesurément qu’il a d’elle.
La dernière photo qu’il a donnée à tout le monde le jour de … pour qu’ils n’oublient pas, eux non plus.

Il s’excuse. Il y a des mots qu’il ne peut plus prononcer depuis qu’elle… oui depuis qu’elle l’a quittée. Elle ne l’a pas quitté volontairement. Elle n’aurait jamais fait cela. Lui non plus, il n’aurait jamais pu. Ils étaient des jumeaux astraux. Ils s’étaient trouvés. Rien ne pouvait les séparer. Rien n’aurait jamais dû les séparer.

Cette photo, il se souvient.

Il leur avait fait un grand sourire, le photographe du train de 7.33, ce 9 septembre. Ils avaient l’habitude de le voir, une fois par mois, tous les 9. D’après ce qu’il leur avait expliqué, il préparait un livre de photos, des photos de ces voyageurs anonymes auxquels il prêterait une vie.
Il prenait des photos de chaque voyageur qui empruntait le tortillard entre la capitale du Maine et cette ville dont le nom se lit dans les deux sens, cette ville palindrome. Exactement 41 minutes de pur bonheur partagé. Un petit signe de la tête, il refaisait une photo avec son appareil polaroid et il leur offrait. C’est ce qu’il fit ce 9 septembre.

Cela faisait deux ans qu’ils prenaient ensemble ce train pour aller travailler. Ils n’avaient pas voulu quitter la maison que sa grand-mère à elle leur avait offerte le jour de leurs fiançailles. Mamie Charmette se faisait trop vieille. Elle était partie en maison de retraite, pour mieux préparer le grand départ. Elle n’a jamais su Mamie Charmette que sa petite-fille était partie ailleurs cinq ans jour pour jour avant elle-même. Mamie Charmette avait perdu sa tête, un petit mois après leur avoir offert sa maison pour abriter leurs amours. Ils s’étaient décidés à la vendre cette maison pour payer sa maison de retraite. Ils venaient juste de signer l’achat de cet appartement dans cette résidence luxueuse de la ville où ils travaillaient tous les deux. Ils n’allaient plus emprunter le train chaque jour.

Ce matin-là, il avait fait un signe de la tête au photographe. Elle avait posé sa tête sur son épaule. Il avait baissé la tête. Depuis tout petit, il n’aime pas regarder le photographe. Il a peur qu’il lui vole son âme et ses pensées.

Il leur avait remis la photo. Il les avait félicités. Il leur avait souhaité tout le bonheur possible. Le photographe ne savait pas qu’il ne les reverrait jamais. Elle surtout, il ne pourrait jamais la revoir.

Elle, celle de la photo et lui, celui qui parle… oui il parle de lui à la troisième personne, il croit comme cela avoir moins mal. Il est devenu spectateur de sa propre vie.

Donc eux, ils ont pris le train du retour dans la maison de la grand-mère pour la dernière fois. Ils vont préparer le déménagement. Ils suivront le camion de déménagement pour commencer leur nouvelle vie, à la ville arrivée de leur train, lors de ces deux dernières années.

Ils riaient. Ils pensaient à tout ce qu’ils devaient faire avant le lendemain. Ils s’embrassèrent. Ils ne savaient pas que c’était la dernière fois. Ils s’apprêtaient à …
Elle s‘écroula soudain. Ils dirent rupture d’anévrisme. Elle avait 32 ans. Elle n’avait jamais été malade. Elle venait de le quitter. Il n’a jamais oublié ce 9 septembre. Il ne l’a jamais oubliée. Il ne l’a jamais remplacée.

Il n’a plus que cette photo.
Cette photo d’eux, ce 9 septembre.
Il y a trop longtemps.
Il attend pour aller la rejoindre.
Il attend depuis trop longtemps.


13 commentaires:

patriarch a dit…

Belle et triste histoire.....

beonne journée.

leiloona a dit…

Encore ce chiffre 32 ... hum.
Terrible cette chute. :(

Aymeline a dit…

une histoire très émouvante, bravo

Mathylde a dit…

Un texte vraiment très émouvant qui m'a donné des frissons. Félicitations !

Gwenaelle a dit…

C'est bien triste tout ça... :-(

R.shakti a dit…

Une fin prévisible qui s'impose dès que tu parles de "douleur" ... et quelle que soit la raison du départ, elle laisse de lourdes taches noires dans le coeur ...
Un beau texte !
R. shakti

Miss So a dit…

Très joli texte, bravo...

Amélie Platz a dit…

Ton texte est très beau, dense, où on sent tout le poids de cette absence qui dure... Merci.

valentyne a dit…

On sent dès le début que cela va être triste masi on ne peut 'empêcher de continuer d'espérer : au final, quelle détresse pour celui qui reste !
Bonne soirée

Jeanmi a dit…

En littérature tout est permis sauf d'être ennuyeux. La sanction est vite trouvée, le livre tombe des mains. En espérant que les miens ne jonchent pas le sol.

Mind.the.gap a dit…

Hé bien, j'ai vraiment eu les yeux humides en lisant ton récit, vraiment...comme si tes personnages étaient réels...comme s'ils faisaient partie de mes proches.
Non il ne l'oubliera jamais mais la vie reprendra ses droits....
Merci de ces mots là.

Little Cat a dit…

Magnifique!

32 Octobre a dit…

merci de vos commentaires... il est venu d'un seul jet... donc il faudra que je le retravaille...