Up – Là-haut
Profitant des derniers rayons de soleil dans le jardin, je m’installais avec mon ordinateur sous ma tonnelle préférée et me calais sur France-Info pour être au courant des dernières nouvelles de ce monde.
Je lisais et, soudain, cette musique lancinante laissant présager un communiqué important me vrilla les oreilles :
« Flash de France-Info, dimanche 16 octobre 2011, 13.32
Dans le Var, un homme d’une trentaine d’années s’est échappé du centre de soins « Les trois soleils ». Il n’est pas dangereux, mais il peut se blesser gravement si une intervention en douceur n’est pas faite lors d’une de ses crises.
Crise caractérisée par le fait qu’il grimpe partout. Un vrai monte-en-l’air.
Si vous le voyez, signalez sa présence auprès du commissariat de Roc-sur-Gréez au numéro suivant : 08 32 32 32 32 begin_of_the_skype_highlighting 08 32 32 32 32 end_of_the_skype_highlighting ou au 112. Merci et portez-vous bien.
Bison futé, à vous »
Et le reste des paroles s’envola.
Moi aussi. Je laissais tout en plan et me précipitais sur mon téléphone pour en savoir plus avant de partir vers la résidence des trois soleils.
-.-.-.-.-.
La suite, je vais vous la raconter. Je suis Kelly-Anne, l’amie d’enfance de Noémie, celle dont vous venez de lire les quelques lignes et de Jérémy, mon amoureux du cours préparatoire qui le serait peut-être encore s’il n’avait pas eu quelques petits problèmes ou absences.
Roc-sur-Gréez, c’est là que Jeremy était hospitalisé depuis maintenant presque un an. L’âge et ce surnom de monte-en-l’air lui correspondaient parfaitement. Il n’avait pas encore fait des siennes, avait pensé Noémie en s’affolant.
Noémie n’avait qu’un frère, son cadet d’à peine une année. Il était son seul frère, n’était plus que sa seule famille avec leurs grands-parents paternels. Il lui causait beaucoup de soucis.
Il avait des penchants pour l’escalade, les ascensions en tout genre depuis sa plus tendre enfance.
À 5 ans, il avait été retrouvé sur le toit de la maison de leurs grands-parents. Comment y était-il parvenu ? Personne ne l’a jamais su.
On ne comptait plus les chutes qu’il avait faites, plus ou moins graves, le nombre de fractures, le nombre de jours d’hospitalisation et d’immobilisation.
Vers 11 ans, il décida qu’il était un oiseau, la lecture du mythe d’Icare en cours de latin n’ayant fait qu’aggraver son cas.
Il était un oiseau, il savait voler, il voulait le prouver à tout instant.
Donc il fallait qu’il monte toujours plus haut.
Jusqu'’à ses 17 ans, Noémie arrivait à raisonner Jérémy et par amour pour moi, il accepta d’arrêter ses fredaines.
Nous nous perdîmes un peu de vue, mais de loin en loin, j’avais des nouvelles de Jérémy.
Il s’était exilé un certain temps outre-Manche pour perfectionner son anglais, m’avait dit Noémie et un jour, il revint dans nos vies à tous.
Je crois qu’il m’aimait toujours et qu’une nouvelle histoire aurait pu commencer.
Mais quand Quentin fit son apparition dans notre bande d’amis, quelque chose disjoncta dans sa tête. Il avait senti, avant moi, que j’allais tomber follement amoureuse de lui et ne plus le considérer définitivement que comme mon petit frère et non plus comme un amant ou même plus.
Il décida de grimper au grand chêne qui était dans la cour de maison de ses grands-parents dont nous fêtions les 60 ans de mariage. Il faut dire que le village n’a pas beaucoup d’habitants. Nous nous connaissions tous depuis l’enfance. Une fois par an, il y avait une grande fête où nous essayons de tous nous retrouver sous un prétexte ou un autre.
Pas la peine de vous en dire plus, il grimpa, grimpa le plus haut qu’il put et sans raison apparente se retrouva au sol. Vous imaginez facilement dans quel état.
Au bout de cinq séjours en hôpital, puis en maison de convalescence pour une durée totale de déjà 32 mois, Noémie craqua.
Elle demanda à rencontrer le docteur qui le suivait, son docteur de la tête quand il allait mal comme il disait et souhaita trouver une solution, la meilleure pour eux deux.
Noémie adorait son frère, mais ne pouvait plus supporter tous ses écarts de conduite et ses soudaines divagations dans la nature.
Car il y en avait eu d’autres, je l’appris à cette occasion, avec des issues plus ou moins favorables.
La solution, l’éloigner de son village d’enfance, de sa sœur, de moi.
Il fut acheminé dans le Var où, depuis presque un an, il séjournait.
Noémie avait organisé ses prochaines vacances en prévoyant d‘aller passer une bonne dizaine de jours là-bas, le docteur lui ayant dit que Jérémy devrait sortir prochainement. Il le trouvait beaucoup plus calme et serein. Il avait profité de ses différents séjours hospitaliers et autres pour lire beaucoup et faire le choix d’entreprendre des études de kiné, pour rendre tout le temps précieux qui lui avait été donné par cette profession.
Noémie se réjouissait de cette perspective et de ce nouveau départ, espérait-elle.
Mais son enthousiasme fut douché par cette information qui, pour elle, ne pouvait concerner que Jérémy.
Elle se renseigna : c’était bien Jérémy qui avait pris la poudre d’escampette. Il n’était pas seul, il s’était enfui avec une certaine Fanny, qui se prenait pour une funambule.
Drôle d‘équipée et quelle fine équipe.
Quelques jours plus tard, Noémie m’envoya cette photo qui fit la une du journal local le lendemain de leur évasion : Jérémy se lançait à l’assaut des réverbères qui bordaient la promenade donnant sur la mer pendant que Fanny, elle dansait sur le parapet de la même promenade, en surplomb de la même mer.
Les badauds crurent d’abord au tournage d’un film, mais ne virent aucune caméra et aucun technicien.
Des musiciens de rue firent des improvisations sur leur spectacle.
La foule grandit et les enfants furent de plus en plus nombreux à les regarder.
La circulation fut bloquée.
Ce fut leur moment de gloire mais aussi la fin de l’aventure de Jérémy et Fanny.
10 commentaires:
Une histoire somme toute assez légère qui donne aussi envie de grimper aux réverbères :)
Je voudrai bien le faire, mais j'peux point.... Belle journée. Bises
J'ose espérer que la fin de l'aventure ne signifie pas leur mort. :/
J'ose ! ;)
Une histoire ancrée dans le réel et qui finit dans une folie douce, et toujours Kelly-Anne...
Une belle histoire ! J'ai bien aimé (entre autres ! )le style de l'avant dernier paragraphe ! :)
Une histoire qui donne à réfléchir, non ? ... l'escalade, l'ascension, ne serait-elle donc pas toujours salutaire ? ...
R.shakti
J'ai peur que la fin ne soit pas aussi joyeuse et insouciante que les lignes précédentes le laissent supposer... Très beau texte !
Pour moi aussi la fin ne peut être que tragique :-)
je ne m y attendais pas.
merci de votre passage...
je ne connais pas la fin...
chacun la vôtre
Moi j'y crois à cette histoire...c'est frappant la réalité des personnages...quelle imagination!
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