vendredi 21 octobre 2011

Désir d'histoires (13), Nuits blanches




Sur une idée d’Olivia,


Des mots, une histoire 44

Une nouvelle récolte de mots ! Cliquez ici pour les explications…
Les textes du 21 octobre 2011, ici



Nuits blanches

Il regarde le réveil. Il n’est que 3.32 !

Il n’en peut plus de ces nuits blanches, de ce temps qui ne passe pas assez vite. Même un livre ne le réconciliera pas avec la nuit. Pourtant plusieurs écrits par des Immortels trônent par terre à côté du lit. Mais il n’y arrive pas plus que le jour.
Il voudrait que le jour se lève ou ne couche jamais.
Il voudrait calquer sa vie sur celle qu’elle doit être en train de mener.
Quelle heure est-il pour elle ?

Il ne sait plus. Il s’imagine que c’est l’heure du déjeuner où elle finira par son dessert préféré, un mazarin. Il la voit déguster cette génoise aux fruits confits…
Il en est sûr. à ce moment précis, il sait, il sent, il respire dans le même souffle qu’elle. Il la voit en train de se lécher les doigts de sa main gauche, poisseux du trop de sucre. Il se souvient… mais il ne sait plus quand cela était.

Des souvenirs reviennent… Dans le désordre, tout revient… des retours en arrière incessants. Tout cela l’épuise.

Il se souvient. C’est elle qui lui a appris cette technique.

Pour s’endormir, mettre sa respiration dans la sienne, se laisser bercer par ses inspiration-expirations. Se laisser bercer, bercer… Il essaie, malgré sa trop longue absence, de retrouver son rythme. Mais il n’y arrive pas, n’y arrive plus. Les larmes montent.

La nuit blanche va reprendre ses droits.



Pour s’évader, il repense à toutes leurs promenades, à celles qu’ils faisaient dans la forêt si proche. Mais surtout, il se souvient du tertre qu’ils ont si souvent escaladé. Il n’avait rien qu’un cloaque mais de loin, avait un petit air de pagode. Il lui avait soutenu avoir identifié, un jour, un virgule papillon[1]. Elle ne l’avait pas voulu le croire. Dans ce cas, il la surnommait « mon petit hérisson », quand elle s’opposait à lui.
Sur le petit tertre, ils y avaient vu des mères de famille[2], avaient rapporté ces plantes succulentes mais n’avaient pas osé les utiliser contre ses maux de tête lancinants ou les manger comme des laitues. Il se remémore l’ascension mainte fois répétée. Elle avançait devant lui, fière d’elle, exubérante… sa jambe cassée n’était plus qu’un mauvais souvenir… elle était moins hardie dans la descente. Il lui tenait la main, s’arrêtait tous les cinq pas pour l’embrasser dans le cou, lui déposer un tendre baiser sur sa fossette gauche, lui mordiller le lobe de l’oreille. Elle était à ses côtés. Il sent encore son parfum… de l’extrait de lavande… juste cela et toujours que cela… rien de ces vaporeux parfums très chers.

Leur récompense, à leur retour de promenade, de grandes tartines de pain de campagne grillées nappées de confiture maison. En automne, ils faisaient griller les châtaignes qu’ils avaient ramassées. Il entend encore ses Aïe !

Que de douceur se dégageait de ces moments à jamais perdus mais inoubliables.
Aucune indifférence entre eux.

Son absence se faisait sentir de plus en plus cruellement. Pourquoi ce départ si soudain ?

Les nuits blanches étaient de plus en plus nombreuses… il rêvait de retrouver ses bras, sa chaleur. Ses mots, murmurés au creux de son oreille, lui manquaient de plus en plus.

Il avait froid. Il avait toujours froid depuis son départ.




Liste des mots

Edition 44 du jeu Des mots, une histoire, les mots imposés sont : réveil – calquer – mazarin – technique – tertre – châtaigne – douceur – cloaque – indifférence – cruellement – mère – tartine  – pagode – virgule – hérisson – retour – laitue – exubérant – forêt – livre – vaporeux – immortels



[2] Joubarbe (nom féminin - (latin Jovis barba, barbe-de-Jupiter) Herbe (crassulacée) des rocailles et des montagnes de l'Ancien Monde, aux feuilles épaisses et charnues, disposées en rosette d'où sort l'inflorescence. (Nom usuel mère de famille.)


13 commentaires:

32 Octobre a dit…

une drôle de coïncidence...
j'écris mon texte, puis ouvre le message de Christine et découvre son texte

chez Christine : " Le réveil indique : 3h 24."
Mon texte, "Il regarde le réveil. Il n’est que 3.32 !"

Nous sommes insomniaques, me répond Christine...

bonne lecture et belle journée à vous
je ne lirais vos textes que ce soir...

Asphodèle a dit…

Ca fait plaisir de te voir écrire dans l'émotion, j'ai beaucoup aimé ! (Il est souvent 3 heures passées quand nous ne dormons pas...)

patriarch a dit…

Aucune difficulté pour m'endormir. Des que mes yeux se posent sur le lit, ils ferment, d'un commun accord,leurs volets.....


Très bel écrit. Belle journée. Bises

Olivia a dit…

J'aime ces jolis souvenirs...

Amélie Platz a dit…

Ton texte est plein d'émotion, de tendresse, de poésie... de tristesse aussi, devant ces moments disparus. C'est vraiment très très beau...

Pierrot Bâton a dit…

Belle nostalgie...

Rêva a dit…

C'est superbe ! Oui, je rejoins Amélie dans ce qu'elle en dit...

Zoé a dit…

Aux alentours de 3 h il y a beaucoup d'insomniaques de nostalgie et de regrets.

claudialucia a dit…

Un texte bien écrit et bien triste.. On a tous connu au moins une nuit blanche dans sa vie et c'est vrai que cela engendre la mélancolie.

Valentyne a dit…

On ressent la souffrance de ce manque à chaque phrase : si teste cette absence, cette solitude dans la nuit...

ceriat a dit…

Un vague à l'âme dans une nuit d'insomnie qui pourtant nous ensorcelle de sa poésie. :-)

covix a dit…

Une nuit blanche bien racontée, l'absence est pesante, et ce ressenti est bien décrit.
Bonne journée
@mitié

32 Octobre a dit…

merci de vos messages...
ce texte est venu d'un seul jet et aurait besoin d'être repris...
mais les mots se sont installés sans crier gare...
bon week-end à vous