mercredi 30 novembre 2011

Désir d'histoires (8) Christine, Atelier 48 - VI - histoire de Rimma Ryskaïa





Sur une idée d’Olivia,

Des mots, une histoire 48


Les mots de Christine,
de tout là-bas en Chine


Suite de chez Eiluned, des éditions 43, 44, 46, 47 d’Olivia

V I– Histoire de Rimma Ryskaïa


Le médiocre repas avait assouvi son angoisse pour quelques instants.
Puis, elle s’était concentrée sur la descente : plus bas, la mer sombre et attractive, s’étendait infinie.
Maintenant, dos appuyé contre un pilier, le mouvement lent et hypnotique du tapis vomissant les bagages la laisse dans un état flottant. Surgit soudain de la bouche noire sa valise, dont l’autocollant entérine son origine : lion et serpe d’or, blason de sa ville. Sa valise donc, retombe lourdement dans un bruit assourdit sur les lattes de caoutchouc tournantes tandis que de l’autre côté, le sourire sincère de sa voisine de voyage s’imprime dans sa mémoire.

Une fois la porte vitrée franchie, visages scrutateurs et papiers nominatifs lui font face violemment, et bien sûr, de Rimma : rien. Luttant contre la douleur et la rage qui la transpercent, Terechka rappelle à ses nerfs le sourire mémorisé .C’est  décidé, il serait le canot de sauvetage de ses moments désespérés.

Claquement du coffre se refermant sur sa valise, claquement de la porte se refermant sur elle, battement accéléré de son cœur, le taxi soupe-au-lait démarre. L’adresse est donnée, plus de marche arrière possible. Dehors, les palmiers se plient, c’est ça le mistral ?
Dans sa main, la photo  bien protégée de Rimma, année 82.

Débarquée sans ménagement, la voilà devant la porte d’un immeuble niçois à la façade ocre.
Personne ne répond lorsqu’elle appuie plusieurs fois son doigt ganté sur la dernière sonnette.
Il est tard, il fait froid, le vent ne faiblit pas, elle est fatiguée, se sent défaillir et  n’a qu’une envie, se coucher.
Elle recule un peu, détaille les alentours, et aperçoit, planqué derrière la fenêtre gauche  du rez-de-chaussée, un gros chat tigré au regard suspicieux.
Instinctivement Terechka, dont l’univers est peuplé d’animaux symboliques, succombe encore une fois aux lois de l’anthropomorphisme. Ce chat l’invite à frapper, elle en est persuadée, elle l’entend l’appeler.
Pendant quelques instants, elle se revoit dans l’atelier de son grand-père, elle tout petite, à genoux sur un haut tabouret, les coudes sur l’établi. Alors que sur le sol les copeaux tombaient et s’amoncelaient en tapis odorant, naissait entre les mains du vieil homme à l’animalisme convaincu, la tête d’un ours ou d’une gazelle. Seuls, le raclement des outils engendraient une petite musique contemporaine, faite de frottement et tintement métallique.

Oui, de l’autre côté de ce carreau semble régner une si douce chaleur d’hiver qui lui rappelle ces moments là, passés dans l’intimité de l’atelier.

La porte d’entrée s’entrouvre brusquement, un jeune garçon  sort en courant, la bousculant au passage. Profitant de cette ouverture, Terechka rentre dans le hall de l’immeuble et frappe à la porte de gauche.
Le visage d’une femme asse jeune apparait dans l’encadrement. De l’intérieur un souffle chaud se dépose sur son visage glacé. Encore une fois, pense-t-elle la chaleur, humaine ou matérielle, vient à se manifester…  De ce qu’elle suppose être la cuisine, Terechka perçoit  le sifflement si caractéristique d’une bouilloire et, lasse de tout ces signes compromettant ses humeurs en incessants aller-retour, elle sent  à nouveau s’abattre  ce désir très fort et vital d’aller dormir,  de tout remettre au lendemain.


Les mots imposés pour l’édition 48 de Des mots, une histoire sont :


pilier – autocollant – mistral – défaillir – canot – photo – anthropomorphisme – gazelle – soupe-au-lait – sincère – assouvir – dormir – vent – souffler – bouilloire – désir – chaleur d’hiver – animalisme – douleur


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