jeudi 15 septembre 2011

Désir d'histoires (8), L'arabette des dames

les textes, ici

Des mots, une histoire 39

la belle idée d'Olivia








L’arabette des dames.



5.55, l’heure habituelle de son réveil. Mais il ne se sentait pas dans son assiette. Il avait la gorge sèche, les mains moites et surtout un gros mal de tête. Cette nuit-là, il avait fait un rêve très étrange et exceptionnellement, il s’en souvenait.

Il s’interrogeait. Cette invention de son esprit la devait-il à la fatigue qui lui pesait de plus en plus, aux médicaments qu’il n’avait toujours pas eu le droit d’arrêter, six mois après sa grave alerte de santé.

Il fallait qu’il consigne tout cela sur papier avant que tout s‘évanouisse.
Écrire, dessiner… il fallait qu’il le fasse vite pour ne pas oublier.

« Une pièce immense aux murs couleur crème sans porte ni fenêtre apparente, trente-deux lampes à ampoules incandescentes de différentes couleurs étaient fixées sur les murs à mi-hauteur et lui était assis au milieu. Aucun meuble, aucun bibelot, aucun livre, aucun autre souffle de vie que le sien. »

De quoi tomber en pâmoison, pensa-t-il en se rappelant ces détails. Il en tremblait encore.

Il était seul avec des mots écrits sur les murs, en lettres capitales noires d’au moins un mètre de hauteur. Il eut le tournis en voyant cette ribambelle de mots. Ils voulaient l’entraîner dans leur ronde. Ils étaient obsédants. Ses yeux passaient de l’un à l’autre. 


Le premier lu lui évoqua cette femme rencontrée un jour, dans une autre vie, qui ne s’aimait qu’enroulée dans une couverture soyeuse, imprimée pelage panthère.

Puis son regard s’arrêta sur le mot parcimonie. Il resta bloqué, il ne sait combien de temps sur ce mot dont il ne se souvenait plus du sens. Parcimonie… Des mots s’envolèrent mais ne lui donnèrent pas la définition de ce mot qui lui restait inconnu. Momie, agonie, génie, compagnie, félonie, ethnie, ironie,  …. Mais aucun rapport avec ce mot qui le narguait.

Il eut une soudaine envie de courir pour s’échapper de ce lieu où il commençait à étouffer.
Même plus, enfourcher son cheval et se mettre à virevolter.

Le mot Arabidopsis, dont le nom vulgaire est arabette des dames[i], s’étalait en grandes lettres sur le mur face à lui. Là, il se souvenait ce qu’il voulait dire. Il se rappelait où il l’avait lu[ii]. Il savait que des études venaient de prouver que cette plante, bientôt, pourrait rentrer dans le traitement de la salmonelle. Le souvenir de cet article récent lui revint en mémoire.

Se rappeler de ce mot bizarre et ne plus savoir ce que signifie parcimonie.
Cela lui fit froid dans le dos. Que se passait-il ?
Il sentit les larmes lui monter, comme s’il était en train d’éplucher des oignons
Il fallait qu’il se reprenne. Il aspirait à retrouver ses esprits au plus vite.

Cet enfermement devenait un calvaire.

Soudain, il avait entendu crisser une porte. Mais il n’y avait pas de porte. D’où venait ce bruit…

Son esprit s’emballa. Il devrait prendre son courage à deux mains pour se sortir de cette pièce sans porte et sans fenêtre.

Puis soudain, tout s’effaça. Les murs s’écroulèrent.  
Il ne se fit pas prier.
Il s’enfuit du lieu. Il avait pu enfin en sortir.

Il regarda la feuille blanche devant lui. Il venait de dessiner son rêve.


http://dechets-plastiques.e-monsite.com/rubrique,en-general,1228617.html



Liste des mots

Les mots imposés pour l’édition 39 de Des mots, une histoire sont : étrange – incandescent – pâmoison – parcimonie – crème – vulgaire – courir – virevolter – salmonelle – froid – oignon – aspirer – panthère – calvaire – effacer – prier – crisser – courage



11 commentaires:

Olivia a dit…

Je trouve que tu as eu une excellente idée !
Et on ne sent pas les mots imposés.

claudialucia a dit…

C'est prenant! On se demande jusqu'au bout où tu vas nous amener..

patriarch a dit…

Je commençais à devenir fou.....Belle journée

Asphodèle a dit…

Beau texte ! Oppressant à souhait et un poil décalé, j'aime beaucoup (merci pour l'arabette !)

ceriat a dit…

Un dédale de mots entraînant un suspens taillé au cordeau. Très impressionnant.

covix a dit…

Bonsoir,
On ce sent dans un étau, comme le personnage... et puis la chute... l'air libre...la respiration qui revient...
Bonne fin de semaine
@mitié

Amélie Platz a dit…

J'aime aussi beaucoup ce texte, à la fois oppressant, flipant, et un brin poétique avec cette quête du sens du mot.

Anonyme a dit…

Quelle originalité poétique ! et sous l'émotion masculine en plus !:-) Bravo !!

32 Octobre a dit…

merci de vos commentaires... cela permet d'avancer toujours un peu plus

Miss So a dit…

Très bien écrit, bravo !
Miss So

Gwenaelle a dit…

J'aime beaucoup la dernière phrase de ton texte, qui sonne comme une libération.