samedi 13 août 2011

Chez Asphodèle (6), les mots en F


 



Ils sont au nombre de…16 et c’est tout (sauf pour Ella qui a le droit d’en ajouter autant qu’elle veut…) .
FANTASQUE  – FARIBOLES – FARANDOLE – FEU – FAUVE – FRIMAS – FOND – FOLIE – FIRMAMENT – FOULE – FAON – FASCINATION -FRICANDELLE* – FIÈVRE – FRÉNÉSIE -FAKIR.


Olivier n’arrête pas de me dire que je suis fantasque. C’est une de ses remarques préférées quand il ne sait plus quoi me dire. Fariboles que tout cela.

Retour en arrière en ce début d’année 2011, peu de temps après notre rencontre. Exactement trente-deux jours.
Il adore écrire et veut devenir célèbre. Maxime toujours valable à ce jour.

Donc, je l’avais entraîné dans ma dépendance à cet exercice autour des lettres de l’alphabet. Cela l’avait beaucoup amusé, cette farandole de mots qui commençait par un F. Seize, il trouva cela un peu juste pour pouvoir délirer. Il lui en manquait quelques-uns pour arriver à composer un texte qui tienne debout comme il dit habituellement. 
Je me suis tuée à lui dire qu’il pouvait réutiliser le même mot plusieurs fois, qu’il pouvait en rajouter même s’ils ne commençaient pas par un F. Non, il s’entêtait et voulait composer un texte avec ces seuls seize mots et les « dix mots qui nous relient », comme ils disent lors de la semaine de la langue française. Vingt six mots auxquels il s’accrochait comme un naufragé mais il s’accordera d’ajouter quelques articles, mots de liaison et autres nominatifs. Il est comme moi, un admirateur des Oulipiens.


Il s’était mis dans la tête que son texte serait celui choisi par Grand Corps Malade le 14 mars. Ce serait son baptême du feu.
Il tournait comme un fauve en cage. Il triturait les mots, se fâchait après lui et même contre moi par la même occasion, n’arrivant pas à trouver la bonne rime ou le mot rythme.
Je le comprenais. Aller caser le mot frimas ! Pas simple du tout. Je lui conseillais de l’utiliser comme verbe conjugué à la deuxième personne du singulier du passé simple de frimer. Mais son coup d’œil me fit comprendre rapidement, que je faisais fausse route et que je me mêlais vraiment de poésie mal à propos.
Il voulait prendre son temps. Ce n’était pas un sprint qu’il allait disputer, ni un marathon, juste une course de fond. Il devait polir ses mots pour les assembler du mieux possible.
Sa nouvelle folie des grandeurs m’épuisait. Et ses recherches d’inspiration parmi les grands poètes n’en finissaient pas. Je me joignais à ses efforts et lui dégotais, une phrase qui j’en étais persuadée allait déclencher son enthousiasme. Pas n’importe quel poète, d’ailleurs l’un des plus grands. Vous ne manquerez pas de m’approuver.
« Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres. » a dit Louis Aragon dans Les yeux d'Elsa. Erreur de ma part. Avoir osé lui suggérer cet incipit m’a fallu ses foudres. Tiens un mot en F que je devrais lui proposer, m’étais-je dit. Il y en a une foule, Christine en a dénombré 13 381.
Il continuait à fulminer dans son coin n’arrivant pas à composer son chef d’œuvre.
Je comprenais sa détresse. Franchement, aller parler du petit de la daine, de la biche, de la chevrette ou de la renne, en fait du faon, je compatissais à ses atermoiements.
Quelle fascination devant son application à l’assemblage de ses mots. J’espérais que tout cela allait être couronné de succès.
Plus que mon dernier essai en cuisine : je m’étais lancée dans la réalisation de fricandelle, vous savez cette sorte de saucisse que l’on déguste dans les baraques à frites du Nord de la France quand on va assister à un match de foot. Tout juste mangeable. Un échec comme le sien quand il regarda le 14 mars le chat vidéo.
Mais oublions cet épisode tragi-comique et revenons dans le temps présent.


Une envie soudaine de nous rappeler la fièvre du dernier match vu au Stadium de Lille Métropole et d’y avoir dégusté des fricandelles dignes de ce nom.
Quelle frénésie lors de la conquête du troisième titre de champion de France au Parc des Princes le 21  mai dernier. Je ne l’ai pas trouvé sur cette photo mais il y était. Il m’a raconté. Cela l’a consolé de ne pas avoir été lu.

J’ai d’ailleurs oublié de vous dire que son Slam commençait par ces mots :
« Tel un fakir, je suis accueillant ! »

Fichtre ! M’étais-je dit.

PS : si vous voulez en savoir plus sur Olivier, découvrez-le ici

17 commentaires:

Valentyne a dit…

Ah les affres de la création : cela devrait être marqué sur les blogs : "attention une consigne peut rendre fou " ou encore "écrire tue"
j'ai adoré cet épisode tragicomique
bonne journée

Plume a dit…

"Ton" Olivier est appliqué, comme j'aime l'être ! mais à vouloir toujours la perfection, on passe souvent à côté du bonheur...

La lecture de ton texte me pousse à philosopher de bon matin !

Amitiés de Lyon

Leiloona a dit…

Voici "un élève" bien appliqué ! ;)
En tout cas, belle pirouette pour caser ces mots ! ;)

Les Livres de George a dit…

est-ce une mise en abyme des difficultés que tu as eu à écrire ton texte ? ;)

Syl. a dit…

Ca m'a bien fait rigoler ! Tu te venges en fait ! tu fais subir les affres de l'écriture à quelqu'un d'autre... Bon WE !

Jean-Charles a dit…

Jolie façon de faire, j'ai bien aimé. Quand à l'Olivier il attend sûrement la saison pour livrer ses mots 8)

Asphodèle a dit…

Ah, obligée de repasser sous Firefox pour te laisser un comm' ! ce matin sous IE, pas moyen... Je renchéris avec George pour la mise en abyme ou alors, le fait de refiler le bébé...Excellent ! Je repasserai pour cliquer sur tes liens (c'est amusant) mais j'ai perdu du temps ce matin et n'ai pas encore fini toute la lecture ! Bises.

Mangolila a dit…

J'admire ta virtuosité: tu t'en sors très bien avec ces mots pas si faciles à assembler!

Amélie Platz a dit…

Bravo une fois encore ! On retrouve bien ta plume, et la façon de faire subir les affres de la création à quelqu'un d'autre, c'est super !

32 Octobre a dit…

merci à tous. Eh oui pas facile mais tellement agréable. Et comme beaucoup d'entre nous, il suffit d'un mot et une histoire se bâtit dans la tête. Cette semaine, fricandelle, le souvenir d'un certain Lens -Monaco il y a plus de 20 ans et tout s'est mis en place en glissant Grand Corps Malade là-dedans. bon week-end à vous sous le soleil, je l'espère

Anonyme a dit…

Très original !:-) J'aime beaucoup, c'était drôle ! :-) je vais donc aller voir ce fameux perfectionniste un peu déjanté qu'est Olivier !:-))

Antiblues a dit…

Texte astucieux et plaisant à lire ... Il y a plein de tiroirs et je n'ai pas tout encore ouvert !

Manuel a dit…

Du plaisir à te lire, littéralement pris dans ton tourbillon... Et je vais de ce pas découvrir cet Olivier.

Miss So a dit…

Très original, j'aime !

Anonyme a dit…

Astucieux, original, surprenant! Ton imagination me fait penser à un labyrinthe où des chemins injoignables finissent par se relier!

Violaine a dit…

Ah les Oulipiens...
Très parlant pour nous tous ton texte !

Célestine ☆ a dit…

Il y avait déjà la métaphysique et le métalangage...tu as inventé les méta-plumes de l'été. Bravissimo!!!