Inédit (2), Carreaux rouges à Artignosc

Les carreaux rouges

Cauchemar du souvenir qui ne doit pas ressurgir

Angoisse de l’instant

Rêverie pour oublier l’absent

Réalité du temps présent

Énergie qui se dégage et devient chape de plomb

Acharnement : il faut briquer les carreaux rouges

Utopie : ils sont tous différents ; ils resteront uniques

Regard qui erre, qui refuse de se fixer

Où sont passés les pigeons ?

Un chat est passé et les a chassés

Grimace devant la fenêtre : provocation

Et si dans le grenier….

Et c’est là que commence l’histoire…

La princesse s’était endormie à tout jamais.

Avant, elle se postait devant l’imposte.

Personne ne la voyait.

Personne en savait qu’elle attendait.

Elle comptait inlassablement les carreaux rouges.

1, 2, 15, 20, 26  dans la largeur.

Et non, là plus loin seulement 23 carreaux.

Et elle recommençait

1, 2, 5, 25.

Une mouche tout d’un coup distrayait son décompte.

1, 2, 7, 8, 24…

Et cinq minutes passées et encore cinq minutes,

Et bientôt une heure et encore une heure,

Elle attendait.

Il fallait qu’elle compte tous les carreaux,

Les entiers,

Les fissurés,

Les bien rouges,

Les orangés,

Les unis,

Les tachés.

Jour après jour,

Elle les comptait.

Mais arrivée au bout du jour,

Elle ne savait plus.

Tout se mélangeait dans sa tête.

Elle voulait se reposer.

Mais son obsession la reprenait :

« Il faut que je compte les carreaux ».

Et un jour,

Elle ne sut plus compter.

Un jour,

Elle suivit le pigeon que le chat poursuivait.

Un jour,

Elle s’envola.

Mais elle laissa son âme dans les combles.

Et surtout,

Elle laissa sa voix

Qui inlassablement comptait :

1, 2, 5, 15 ,25

Et tout d’un coup,

La voix s’arrêtait à 625.

Et la litanie reprenait

1, 2, 3, 4, 5…

Souvenirs d'Artignosc

© 2011 32 Octobre